COUP DE ROUGE

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Trois exclusions et trois erreurs qui coûtent cher : voilà les points négatifs de la saison de l’immense Américain.

Le 0-0 de Charleroi-Standard fera partie de ces nuls blancs qui ne laisseront pas que de mauvais souvenirs. Pas de but au Mambourg, mais d’autres ingrédients intéressants : du monde, un intérêt médiatique énorme, de l’ambiance, de l’engagement, du suspense, quelques occasions de but, des gardiens brillants. Les Carolos ont récupéré leur verve après leur non-match en Coupe contre Mouscron, trois jours plus tôt. Et les Rouches ont retrouvé leur calme et leur solidité défensive après le clash face à Zulte Waregem et l’incident Sergio Conceiçao. Un point gagné ou un point perdu pour le Standard dans l’optique de la course au titre ?

 » Après tout ce qui s’était passé en semaine, c’est sûrement un bon point « , lâche Oguchi Onyewu (23 ans).  » C’est aussi un résultat logique. Ne faisons pas la fine bouche : Charleroi a eu des occasions pour nous tuer. Nous savions que ce serait un déplacement très compliqué mais nous restons bien placés pour ennuyer Anderlecht et Bruges jusqu’au bout : c’est tout ce qui compte « .

Mais le rêve de doublé titre-Coupe, c’est terminé ?

Oguchi Onyewu : Non ! Pourquoi ? On nous élimine de la course à la finale de la Coupe de Belgique comme on nous avait rayés des listes après notre défaite en quarts de finale aller à Gand. Qui dit que nous n’allons pas surprendre encore une fois lors du match retour à Zulte Waregem ? Tout le monde a quand même bien vu que notre défaite n’était pas justifiée et, surtout, que Zulte n’était pas plus fort que le Standard. Même en jouant mal, nous nous sommes créé plusieurs belles occasions. C’est frustrant de perdre un match aussi important, mais rassurant de constater qu’on n’est pas moins bon que l’adversaire. Nous irons là-bas en étant persuadés que rien n’est fait. La finale, nous y croyons toujours à fond.

C’était la troisième fois cette saison que Zulte Waregem vous faisait souffrir : est-il normal que des semi pros arrivent ainsi à ennuyer les stars du Standard ?

Des stars ? C’est vous qui dites que le Standard a une équipe de vedettes, pas moi ! Mais il y a une réalité : depuis le début de la saison, nous sommes bien meilleurs contre les grands que contre les prétendus petits.

Une question de motivation ?

Je n’en sais rien. Peut-être une question d’ambiance, de contexte. Quand nous affrontons Anderlecht, Bruges ou Genk, nous sommes galvanisés. Ce n’est pas nécessairement le cas dans les autres matches.

Don’t worry

Racontez-nous votre floche qui offre le premier but à Zulte Waregem.

Je sens un adversaire dans mon dos, je veux passer en arrière à Vedran Runje mais je shoote dans la terre au lieu de donner un bon coup dans le ballon. Une erreur pareille ne serait pas arrivée sur un terrain convenable, mais bon… J’ai directement reconnu ma floche, je l’assume, je sais qu’on a perdu ce match à cause de moi. C’est pour ma pomme, point à la ligne.

Si on analyse votre saison, on repère trois grosses erreurs qui ont coûté cher, mais pour le reste, un bilan personnel presque parfait ?

Je suis globalement content, oui. Mais comme vous le dites, trois interventions complètement ratées nous ont coûté quatre points en championnat et des chances de qualification pour la finale de la Coupe. Contre Zulte Waregem en championnat, je rate un dégagement et nous encaissons sur cette action ; à Mouscron, j’essaye de dribbler pour sortir de défense mais je rate mon coup et c’est encore un but pour l’adversaire ; puis, il y a cette passe en retrait manquée en Coupe.

Stéphane Demol a déclaré que votre problème, c’est que vous n’étiez pas complètement libéré.

(Il rigole et réfléchit). Je ne sais pas. Ne vous inquiétez pas pour moi : je me sens bien dans ma peau, tout va bien pour moi au Standard, je n’ai pas du tout l’impression de passer à côté de ma saison. Everything’s O.K. Don’t worry.

Si le Standard est champion, quelle sera l’explication ?

La volonté. Nous n’avons pas toujours été bons mais personne, dans l’équipe, n’a jamais laissé tomber les bras. Tout ce groupe pousse en pensant au titre. Et si nous continuons à pousser comme ça jusqu’à la dernière journée, ça doit être possible d’aller arracher la consécration.

Et si le Standard n’est pas champion, quelle sera l’explication ?

(Il réfléchit). Je ne sais pas. Je suppose qu’il y aura alors des justifications dans tous les sens. On accusera la physionomie de certains matches, nos joueurs, les arbitres, les supporters, peut-être même les journalistes. (Il rigole).

 » La fédé est anti-Standard et pro-Anderlecht  »

On pense déjà à la 32e journée et à cet Anderlecht-Standard qui pourrait être décisif !

Le Standard sera bon là-bas, c’est déjà une certitude. (Songeur). Mais moi, je serai malheureusement dans la tribune. Il faudra qu’on m’explique. Il y avait des divergences dans l’interprétation du règlement après mes deux cartes rouges en championnat au premier tour. J’avais pris deux fois deux journées de suspension, mais elles se chevauchaient et j’avais finalement pu jouer contre Anderlecht, qui correspondait à mon quatrième match de punition. En réexaminant mon cas, l’Union Belge a décidé que je devais quand même purger ce quatrième match, mais que ce serait alors contre Anderlecht, en avril. Pourquoi justement ce match-là ? Je ne comprends rien. Il y a clairement des gens qui sont pro Anderlecht et anti-Standard à la Fédération : c’est dégueulasse. Et quand je vois que Christian Wilhelmsson ne prend qu’une journée pour s’être bagarré avec un joueur du Lierse, je suis encore plus sûr de ce que je dis. Vous avez remarqué que ce n’est pas contre le Standard que Wilhelmsson devra purger son match de suspension ?

Vous passez pour un récidiviste et c’est peut-être cela qui vous coûte cher ?

Récidiviste ? Je ne vois pas les choses comme ça. Je suis visé par les arbitres, c’est ça la vérité. Par les arbitres et par le comité sportif de l’Union Belge. J’ai pris trois cartes rouges cette saison, mais analysez-les. Au Germinal Beerschot, on me reproche d’avoir marché sur un adversaire. Mais les images ont clairement montré que je l’avais à peine touché et que ce n’était en tout cas pas volontaire. A Genk, j’ai une petite réaction stupide, je laisse traîner le pied comme on le fait dans une cour d’école, mais il n’y a aucun danger dans mon intervention. Et à Gand en Coupe, je suis exclu pour un duel épaule contre épaule. Je n’ai d’ailleurs pas pris un seul match de suspension pour cette carte rouge à La Gantoise. Dans ce cas, la fédé a quand même estimé que le fait d’avoir dû quitter le terrain après 20 minutes était déjà une sanction suffisante. Je suis d’accord !

On a eu peur pour vous vendredi dernier à Charleroi, quand vous vous êtes empoigné avec Abdelmajid Oulmers.

Moi aussi, j’ai eu peur. Mais je ne pouvais pas me laisser faire par ce joueur qui venait de me griffer le visage – NDLA : les traces étaient effectivement visibles après le match ! Quand l’arbitre nous a appelés, j’ai bien cru que j’allais encore prendre du rouge. Heureusement que c’était un Hollandais, un gars qui ne connaissait sans doute pas la réputation qu’on a faite au Standard et à moi-même. Avec un referee belge, sûr que je me faisais exclure ! Le Standard dérange en Belgique, c’est quand même assez évident pour tout le monde, non ? Quand un arbitre à qui je veux demander une explication me lance -Ta g—, dégage, j’ai des raisons de me poser des questions, non ?

Pourquoi prenez-vous toujours vos cartes rouges vers la 20e minute ?

(Il se marre). Je n’en sais rien. Mais ça m’interpelle. La 20e minute, pour moi, c’est devenu un cap difficile à passer dans chaque match.

 » Quand on me rentre dedans, je ne pleurniche pas. Par contre, Verheyen et Salou…  »

Mathieu Beda a déclaré qu’à cause de votre gabarit, vos fautes sautaient beaucoup plus aux yeux des arbitres.

Il a raison. J’ai vu Beda commettre des fautes dures qui ne lui ont même pas valu une carte jaune, alors que si je fais la même chose, je me fais exclure. En tout cas, je n’ai pas l’intention de renier mon jeu physique. Il faudrait que les arbitres du championnat de Belgique aillent faire un stage en Angleterre, ils verraient au moins à quoi ressemble le football total, un vrai sport de contacts. C’est mon truc. Le foot, ce n’est pas du golf, quand même. Et si je dois commencer à lever le pied, à jouer comme une ballerine, je préfère tout arrêter tout de suite.

Votre duel avec Gert Verheyen lors du dernier Bruges-Standard, c’était même plus qu’un football de contacts !

J’aime bien des duels pareils. Quand je vois que je peux déstabiliser un attaquant, je ne m’en prive pas. C’est de bonne guerre, les avants ont aussi leurs petits trucs pour ennuyer les défenseurs. Tout cela fait partie du jeu. Les gens ne doivent pas croire que les attaquants sont systématiquement des enfants de ch£ur continuellement matraqués par les défenseurs. Il y a des adversaires qui acceptent le jeu, comme Orlando Engelaar, Rune Lange ou Aristide Bancé, et d’autres qui ne le supportent pas, comme Gert Verheyen ou Salou Ibrahim. Quand on me rentre dedans, je ne pleurniche pas. Par contre, dès que vous touchez un de ces deux-là, ils commencent à se plaindre auprès de l’arbitre.

Le Standard est largement en tête du classement des cartes rouges et vous avez pris près de trois fois plus de jaunes qu’Anderlecht : vous n’allez quand même pas dire que c’est uniquement la faute des arbitres ?

C’est clair que nous avons pris beaucoup trop de cartes jaunes de notre faute. Pour des trucs qui n’ont rien à voir avec le jeu : des rouspétances surtout. Celles-là sont inadmissibles. Et il y a des spécialistes chez nous, je ne vais pas citer de noms. (Il rigole).

Je vous en cite un : Sergio Conceiçao !

Il joue avec son c£ur…

Mais encore ? N’est-on pas censé se contrôler quand on a une expérience comme la sienne ?

Certainement. Mais il y a des circonstances dans lesquelles les émotions deviennent plus fortes que le self-control. C’est dommage parce que si on pouvait mixer le charisme de Sergio Conceiçao et le calme de Pär Zetterberg, on obtiendrait un joueur vraiment extraordinaire.

Personne dans le vestiaire n’essaye de le calmer, de le raisonner ?

Sergio n’est plus un gamin. Il doit savoir ce qu’il fait.

Son absence va vous faire mal dans la dernière ligne droite du championnat.

C’est sûr. Dès qu’il n’est pas sur le terrain, on voit la différence. Il y a moins de caractère dans notre équipe. Il manque quelque chose. Mais bon, c’est peut-être le moment idéal, pour les joueurs de notre banc, de montrer ce qu’ils ont vraiment dans le ventre. Serhiy Kovalenko et Jonathan Walasiak doivent maintenant en profiter.

Anderlecht le passé, l’Angleterre l’avenir

On vous change régulièrement votre partenaire dans l’axe de la défense. Cette saison, il y a déjà eu Ivica Dragutinovic, Mathieu Beda, Jorge Costa, Mohamed Sarr. Mais vous vous adaptez chaque fois sans problème.

Je pense que c’est un signe de maturité. Et quand le compère est bon, c’est tout de suite plus facile. Il suffit de savoir s’adapter. Je ne joue pas avec Costa comme je jouais avec Beda, par exemple. Le Portugais est moins rapide que le Français, donc je dois rester plus près de lui.

Quel est le mix idéal avec les qualités de Dragutinovic, Beda et Costa ?

L’agressivité de Dragutinovic, la pointe de vitesse de Beda et l’expérience de Costa, qui est toujours bien placé.

Vous aviez failli partir à Anderlecht l’été dernier : vous y pensez encore ?

Not even one second !

Vous avez un contrat jusqu’en juin 2007, mais entre-temps, il y aura la Coupe du Monde qui pourrait tout changer.

On ne peut pas prévoir quoi que ce soit.

Vous rêvez toujours de l’Angleterre ?

Oui.

Votre avocat a de bons contacts avec Manchester United : ça tombe bien !

Je ne suis pas au courant.

Au moins, vous aurez appris quelque chose.

(Il rigole).

Et La Louvière, qui a lancé votre carrière pro, vous y pensez encore ?

Oui. (Il se marre). Je suis surtout content d’avoir quitté ce club à temps.

 » Au Standard, l’impatience est de plus en plus forte  »

Pourquoi n’avez-vous pas joué le match amical des Etats-Unis contre l’Allemagne, la semaine dernière ?

Ce match était coincé entre Zulte Waregem et Charleroi. J’avais été appelé mais j’ai dit que je préférais participer à ces deux rendez-vous importants pour le Standard. J’aurais peut-être mieux fait d’aller jouer avec les States : au moins, ça m’aurait évité d’offrir un but à Zulte Waregem. (Il rigole).

N’est-ce pas important pour la Coupe du Monde de répondre présent à des matches pareils ? C’est maintenant que le coach national doit penser à ses choix.

Bruce Arena m’a beaucoup vu depuis un an et demi. Il a six défenseurs centraux sous la main, il devrait en emmener quatre en Allemagne, je suis le plus jeune mais j’ai l’avantage d’être un des seuls droitiers de la bande.

Vous êtes donc optimiste ?

Oui.

Vous n’avez encore qu’un trophée dans votre armoire : la Gold Cup avec les Etats-Unis, l’été dernier. N’est-il pas temps d’en ajouter un autre ?

Je suis mûr pour garnir mon palmarès, mais plus encore, c’est le Standard qui est mûr. Après 23 ans sans titre, il est grand temps de revenir au premier plan. Depuis que je suis ici, je sens une impatience de plus en plus forte. Ce club a encore joué en Coupe de l’UEFA récemment, moi aussi j’ai connu cette compétition avec La Louvière puis avec le Standard, mais il est clair pour tout le monde que le vrai foot de haut niveau, c’est la Ligue des Champions et rien d’autre.

PIERRE DANVOYE

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