Couleurs d’hiver

Bruno Govers

Cinq participants à la 23e Coupe d’Afrique des Nations iront aussi à la Coupe du Monde: Cameroun, Afrique du Sud, Nigeria, Tunisie (!) et Sénégal.

Du 19 janvier au 10 février prochain, le Mali abritera la 23e phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations (la CAN), une épreuve similaire à notre Championnat d’Europe, à cette petite nuance près qu’elle ne se déroule pas, comme sur notre Vieux Continent, tous les quatre ans en alternance avec la Coupe du Monde, mais de deux ans en deux ans. A l’image de ce qui s’était passé en 98, avec l’Afrique du Sud, le Cameroun, le Maroc et la Tunisie, la compétition servira, cette fois encore, pour ces quatre pays, de répétition générale avant le grand rassemblement en Japon et en Corée.

Mais ce coup-ci, ce ne sont pas quatre mais cinq Mondialistes qui fourbiront leurs armes au sein des villes maliennes (la capitale Bamako, Sikasso, Ségou, Mopti et Kayes), puisque le Nigeria, grand absent de l’édition 98 au Burkina Faso, répondra présent.

Toutes les nations qui ont participé à la version précédente de l’événement, mise sur pied conjointement par le Ghana et le Nigeria, se sont qualifiées pour le rendez-vous malien, hormis deux seulement: le Gabon et le Congo. Ils sont remplacés dans le tableau final par le pays organisateur et le Liberia.

Le plateau se révèle donc des plus prestigieux puisque, outre le Cameroun, qui défend son titre, on dénombre pas moins de huit anciens vainqueurs du tournoi (l’Egypte, le Nigeria, le Maroc, le Ghana, l’Algérie, la Côte d’Ivoire, l’Afrique du Sud, de même que la République Démocratique du Congo) et deux anciens finalistes (la Tunisie et la Zambie).

Le Sénégal et ses Lions de Teranga

Pour les Lions de Teranga (surnom de l’équipe nationale sénégalaise) l’année 2002 est historique. Non contents de s’être assurés, pour la deuxième fois de rang, une participation au stade ultime de la CAN, Khalilou Fadiga et les siens ont également accédé en phase finale de la Coupe du Monde, honneur qui ne leur avait encore jamais été réservé depuis leur première participation aux éliminatoires en 1970. Souverains à l’occasion de leur long cheminement vers le Japon et la Corée, avec seulement une seule défaite concédée à l’Egypte en dix matches, les représentants de l’Afrique de l’Ouest auront dû, par contre, souquer ferme pour obtenir leur sésame en faveur du Mali. C’est qu’après deux journées à peine, ils étaient bons derniers d’un groupe comprenant le Togo, l’Ouganda et la Guinée. Après la disqualification de cette formation, pour cause de troubles au sein de la fédération, les Sénégalais et les Togolais n’éprouvèrent plus aucune peine à damer le pion aux Ougandais pour s’accaparer les deux strapontins décisifs.

Versés dans un groupe D avec l’Egypte, la Tunisie et la Zambie, les hommes de l’entraîneur français Bruno Metsu auront fort à faire pour rééditer une performance similaire, synonyme dans ce cas d’une qualification pour les quarts de finale. Mais à Dakar et Ziguinchor, toute une nation s’est mise à rêver. Non sans raison, sans doute, car depuis l’époque bénie où les Jules Bocandé et autre Mamadou Tew, deux figures bien connues à Seraing et Bruges, représentèrent les couleurs sénégalaises lors de la CAN 92, plus jamais ce pays n’avait connu une génération aussi exceptionnelle que l’actuelle. Celle-ci s’articule notamment autour d’un nom bien connu des suiveurs de notre football: Khalilou Fadiga, ex-Club Brugeois, et actuellement à l’AJ Auxerre. Khali n’est pas le seul garant de l’extraordinaire force de frappe de son équipe, car celle-ci table sur d’autres valeurs très sûres en France: les puncheurs El Hadji Diouf (Lens) et Henri Camara (Sedan). De Diatta-Alou Cissé à Mokhtar Ndiaye en passant par Pape Sarr, il est d’ailleurs à noter que la plupart des internationaux sénégalais évoluent outre-Quiévrain. L’exception qui confirme la règle est le gardien Diallo qui joue à Khouribga au Maroc.

Le Cameroun et ses Lions Indomptables

Les Lions Indomptables ont indéniablement vécu leur année de gloire en 2000 en s’adjugeant tour à tour la victoire finale à la CAN (2-2 et 3-4 aux tirs au but) sur les terres-mêmes du Nigeria, à Lagos. Un bonheur ne venant jamais seul, la même phalange récidiva quelques mois plus tard lors de l’apothéose des Jeux Olympiques (2-2 et 3-5 aux tirs au but) contre l’Espagne. Deux ans après, les Lions Indomptables sont toujours là et bien là. Ils ont réussi entre autre la gageure d’être après la France (vainqueur), le Japon et la Corée (organisateurs) la première nation à conquérir sur le terrain leur billet pour la Coupe du Monde.

A l’instar de leurs homologues du Sénégal, les joueurs camerounais n’endurèrent qu’un seul revers sur la route de l’Asie, en Angola. Mais leur qualification était d’ores et déjà acquise à ce moment. En tant que Champions d’Afrique, ils étaient évidemment dispensés des éliminatoires dans cette CAN. Compte tenu de leur potentiel, avec des noms aussi illustres que ceux des avants PatrickMboma et Samuel Eto’o ou des médians Geremi, Pierre Wome ou Marc-Vivien Foe, les Lions Indomptables devraient logiquement émerger dans un groupe C où la concurrence s’appellera le Togo, la Côte d’Ivoire et la République Démocratique du Congo.

La Tunisie et ses Aigles de Carthage

Une troisième équipe ayant réussi le doublé CAN-Coupe du Monde est le futur adversaire des Diables Rouges en Extrême-Orient. En ce qui concerne les Aigles de Carthage, il est toutefois permis de se demander si la présente CAN fera réellement office de réglage avant le Japon. C’est que pour le sélectionneur Henri Michel, les tuiles s’accumulent depuis un bon bout de temps. Tout a commencé par des blessures survenues au duo formé d’ Ali Zitouni et de Ziad Jaziri qui forment généralement la division offensive de l’équipe. A ces deux forfaits se sont ajoutés deux autres, mais pour des raisons disciplinaires cette fois: Adel Sellimi et Imed Ben Younes s’étant fait prier, ils ont tout bonnement été renvoyés à leurs chères études par le coach national, à l’image d’ailleurs de deux autres éléments: le portier Mohamed Zouabi et le défenseur Mohamed Mekacher.

Malgré tous ces forfaits, la formation représentative tunisienne n’a nullement fléchi à l’occasion de ses joutes préparatoires à la CAN, réalisant un nul (3-3) contre une sélection régionale d’Andalousie et étrillant le Liberia (7-2) à Tunis. Au Mali, elle aura cependant la lourde tâche de devoir composer, dans le groupe D, avec des rivaux de première valeur: le Sénégal, l’Egypte et la Zambie!

L’Afrique du Sud et ses Bafana Bafana

Depuis son retour sur la scène footballistique en 1992, après des années d’exclusion dues à sa politique d’apartheid, l’Afrique du Sud s’est sans conteste érigée comme un pays de pointe sur son continent. Sa victoire à la CAN 96, sur son sol, sa place de finaliste deux ans plus tard au Burkina Faso, face à l’Egypte, et sa médaille de bronze en 2000 devant la Tunisie en témoignent.

Sa trajectoire en éliminatoires de la Coupe du Monde est plus édifiante encore que celle du Sénégal et du Cameroun puisque les Bafana Bafana totalisèrent six victoires et un nul en l’espace de sept matches. En qualifications pour la CAN, l’échec ne fut jamais au rendez-vous de la bande à Shaun Bartlett, qui engrangea trois succès, et concéda autant de nuls. Ce fut suffisant pour terminer en deuxième place de leur poule derrière le Liberia de George Weah. A Ségou, l’Afrique du Sud sera, elle aussi, incluse dans un groupe de « la mort » puisque le B lui réserve comme adversaires le Ghana, le Maroc et le Burkina Faso.

Le Nigeria et ses Super Eagles

Cinquième pays à être présent sur deux fronts, le Nigeria n’en aura pas moins soufflé le chaud et le froid pour rallier à la fois le Mali et l’Asie. Tout au long de la campagne éliminatoire pour la Coupe du Monde, les Super Eagles ont été engagés dans une course-poursuite avec le Liberia après avoir concédé trois points précieux face à la Sierra Leone à Freetown. Cette défaite, conjuguée à celle que Jay-Jay Okocha et ses partenaires avaient déjà subie au préalable à Monrovia (2-1) devant les Libériens atteste bel et bien la vulnérabilité d’un groupe autrement moins fringant loin de ses bases que dans son stade-fétiche à Surulere, dans la banlieue de Lagos. Ce constat est apparu au grand jour lors des éliminatoires de la CAN également puisque les Nigérians réalisèrent notamment un nul vierge face au petit poucet, Madagascar, et qu’ils souffrirent mille morts pour venir à bout d’une opposition plus faible encore: celle de la Namibie.

Beaucoup s’accordent à dire aujourd’hui que les Super Eagles sont sur le retour. Il est vrai que bon nombre d’entre eux ont tout vécu depuis leur entrée dantesque à la Coupe du Monde, en 1994. C’est le cas des Taribo West, NwankwoKanu, Sunday Oliseh et Jay-Jay Okocha. Et aussi bizarre qu’il n’y paraisse dans cette nation peuplée de plus de 120 millions d’âmes, la relève se fait quelque peu attendre. La seule trouvaille, c’est Victor Agali, un attaquant qui défend actuellement les intérêts de Schalke 04. Au Mali, les Super Eagles auront affaire, dans le groupe A, au pays organisateur, à l’Algérie et à une vieille connaissance: le Liberia. Pour good old George Weah, joueur-entraîneur de l’équipe aujourd’hui, et son cousin-vétéran James Debbah, qui réveillera l’un ou l’autre souvenirs à Anderlecht, le Mali devrait être d’ailleurs l’ultime occasion de rugir!

Bruno Govers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire