Couleur CAFÉ

La D2 tient le premier entraîneur d’origine africaine de son histoire. Un personnage !

L’Union Saint-Gilloise va vraisemblablement connaître une saison de transition. Le contrat de Jacques Urbain non renouvelé, c’est Joe Tshupula (33 ans) qui reprend les rênes de l’équipe du Parc Duden. Il y entamera son parcours en tant que coach d’une équipe Première. Mais il n’a pas été choisi au hasard et est d’ailleurs très optimiste. Il nous livre ses impressions.

Joe Tshupula : J’espère que l’Union parviendra à faire mieux que la saison dernière. Le groupe est bien équilibré et on a toutes les cartes en mains pour faire partie des acteurs de la D2. Le niveau va quand même être assez élevé étant donné qu’une demi-douzaine d’équipes a connu l’élite dans les cinq années précédentes. On pourrait penser que je ressens une grosse pression à l’idée de remplacer Jacques Urbain. Ce n’est pas vraiment le cas. La pression est comparable à celle que ressent tout entraîneur qui reprend une équipe. Mais il ne faut pas omettre le fait que je prends la place d’un monument. Urbain était très populaire et c’était justifié. Il a fait monter l’Union et a réussi à la maintenir. Mais bon, ce challenge ne me fait pas peur !

On vous sent très motivé.

Extrêmement ! Beaucoup de gens comptent sur moi. Je veux prouver que mon président et mon manager, Giovanni Ravasio, ont eu raison de placer toute cette confiance en moi. La pression que je ressens est constituée par leur envie de réussir.

Que répondez-vous à ceux qui estiment que vous êtes trop jeune et que vous ne détenez pas l’expérience requise pour entraîner à ce niveau ?

Je n’ai pas envie de leur répondre. A la base, je suis un formateur. En Belgique, nous sommes souvent mal perçus. On préfère généralement les entraîneurs en costume et cravate qu’on connaît depuis des années. On retrouve toujours les mêmes noms ! Mais les mentalités doivent évoluer. Je n’oserais pas prétendre qu’il faut passer par les jeunes pour coacher. Cependant, c’est un incontestable atout. Je suis un habitué des discussions avec de grands entraîneurs. En réalité, on passe peut-être à côté de très grands coaches. Mogi Bayat a dit, avec la verve qu’on lui connaît, qu’en Belgique, il y a de bons joueurs mais pas assez d’entraîneurs compétents. Il y a de très bons entraîneurs dans les divisions inférieures. Mais ils n’ont peut-être pas le temps de traîner dans les buvettes pour rencontrer des gens ! Pour avoir de bons coaches, il faut une formation de qualité !

 » Les départs ne nous affaiblissent pas  »

Votre effectif a été déforcé. Yves Cums, David Rimbold, Pierre-Yves Letier, Iguel Capilla et Laurent Zaccaria sont partis. Ont-ils déjà été remplacés ?

Oui. Mais je ne considère pas que mon noyau a été affaibli par ces départs. Ils ont quitté le club pour diverses raisons et principalement à cause de l’incertitude qui a pu régner au club fin février. La plupart sont surtout partis pour des querelles de cuisine interne et des mésententes financières. Néanmoins, je ne me focalise pas sur ces problèmes. Ils appartiennent au passé. Le foot est un sport collectif mais un joueur est égoïste et pense continuellement à son propre avenir. Quoi de plus normal ? Je ne vais pas immédiatement lancer des jeunes. Il y a un énorme potentiel à l’Union mais je ne suis pas fou. Ils n’ont pas encore tous la formation requise pour évoluer en D2. Bref, ils ne sont tout bonnement pas prêts. Cependant, il y a des jeunes très prometteurs tels que Nicolas Windey. Je le connais depuis longtemps et il a des qualités. Toutefois, il doit encore travailler. J’ai eu carte blanche pour les transferts. Entraîner en D2 est un challenge risqué et je préfère donc être maître de mes choix au cas où le pire arriverait. J’ai eu la chance que mes supérieurs abondent dans mon sens. Ce sont des gens qui me connaissent et je leur ai exposé les raisons pour lesquelles j’ai opté pour tel ou tel joueur. Je discute souvent avec mon président.

Comment vous a-t-on proposé le poste d’entraîneur ?

Je suis à l’Union depuis cinq ans et on m’a très régulièrement demandé mon avis. Pendant les deux premières années, il n’en découlait logiquement pas de résultats. Ensuite, les discussions sont devenues de plus en plus franches. Et au mois de mars dernier, Swalens et Ravasio m’ont convoqué afin de m’annoncer la nouvelle. J’ai par la suite rencontré le comité sportif. Je n’ai pas vraiment été surpris par cette proposition car elle constitue la conséquence d’un cheminement logique. On a souvent discuté avec moi pour prendre des renseignements. Actuellement, je suis en train de finaliser mon mémoire sur le mental et la préparation physique pour obtenir mon diplôme français d’entraîneur. Je vais ensuite le défendre. Je suis également très bien entouré. Frank Goncalvez est mon adjoint, Sébastien Notot mon préparateur physique et Freddy Cornelussse mon entraîneur des gardiens. On part en stage les 12, 13 et 14 août.

Pensiez-vous devenir coach de D2 si rapidement ?

Apparemment, le problème tient dans le fait que je suis à la tête d’une équipe de D2. Mais je considère qu’un bon entraîneur de Promotion peut se voir confier une équipe de D2. Un entraîneur de D3 aurait aussi sa place en D1. Tout est relatif. Il est vrai que vis-à-vis de l’extérieur, cette situation peut paraître bizarre. Pour ma part, ce n’est pas étonnant lorsqu’on met en évidence le travail que j’ai déjà fourni au Parc Duden depuis cinq ans. Etre adjoint ne m’aurait pas vraiment plu. Si ce n’est aux côtés d’Albert Cartier ou de Frankie Vercauteren. Il aurait fallu des entraîneurs qui aient déjà une grande et honorable expérience.

Entraîner a toujours été votre but ?

En tant que joueur, j’avais déjà une forte personnalité et je n’hésitais pas à l’ouvrir sur le terrain. J’ai également toujours aimé encadrer les jeunes. A 19 ans, j’avais déjà pris en charge une équipe de mini-foot de l’ULB pour un tournoi interuniversitaire organisé par la communauté congolaise. Au vu de ma carrière, il est logique que je termine en tant qu’entraîneur. C’était écrit ! Je n’ai malheureusement pas eu la carrière de joueur que j’espérais. A l’Union, beaucoup de personnes voulaient que je devienne entraîneur. Les jeunes m’ont permis d’acquérir une certaine compétence. Beaucoup de coaches ont fait de la formation. Emilio Ferrera est passé par là, même s’il ne le dit pas. Quand je suis arrivé à l’Union, j’ai d’abord pris en charge les Diablotins. Puis les Scolaires nationaux m’ont été confiés. L’année suivante, je me suis occupé de la coordination et j’ai continué à coacher les Scolaires. L’année dernière, tout s’est accéléré. J’ai pris en charge la Réserve et les dirigeants m’ont demandé de m’occuper de la coordination générale. J’ai voulu mettre de l’ordre dans cette équipe pour qu’elle devienne une véritable réserve car il n’y avait jamais de joueurs montants ou descendants. On m’a alors confié les matches de cette équipe.

 » Les Africains sont toujours jugés avec un £il plus critique  »

Vous êtes le premier entraîneur d’origine africaine à ce niveau. Que ressentez-vous à ce propos ?

J’espère ne pas être le dernier ! Généralement, on me dit que je suis le premier Africain à entraîner en Belgique, mais je suis belge. Mon seul but est de montrer aux dirigeants que je suis capable et aux jeunes qu’à force de travail, on arrive où on veut. Ça n’a pas vraiment à voir avec ma couleur, comme diraient beaucoup de gens. Les mentalités ont quand même évolué. Avant, on n’était qu’un ou deux dans une équipe. Dorénavant, on trouve quatre ou cinq joueurs africains ou d’origine africaine dans un noyau. Mis à part le racisme bien évidemment, je peux comprendre les réticences. Les étrangers n’avaient peut-être pas l’habitude du professionnalisme et la force de se relever après un revers. Mais cette époque est révolue. Malgré cela, les Africains sont toujours jugés avec un £il plus critique. Il n’est quand même pas normal non plus qu’un excellent entraîneur tel que René Hidalgo (Walhain) ne se soit jamais vu proposer une autre équipe. Pour certains, mes dirigeants ont pris un risque en me confiant cette place. De toute façon, il n’y avait qu’à Bruxelles qu’une telle situation pouvait se produire. Le paysage politique y a déjà bien changé. On y trouve une multitude d’échevins d’origine étrangère. Il y a évidemment toute une jeunesse qui sombre dans la délinquance. C’est triste ! Mais le sport peut vraiment aider. J’espère que dans quelques années, il y aura autre chose que le sport.

Quelles ont été les réactions autour de vous ?

Ma femme est évidemment très heureuse. Je tiens d’ailleurs à la remercier car je n’ai pas beaucoup été à la maison. Elle a dû supporter quelqu’un qui était souvent à l’étranger et qui stressait beaucoup. D’autres personnes sont venues vers moi alors que je ne les avais plus vues depuis longtemps. Je me pose des questions. Je ne suis pas dupe ! Il y a aussi d’autres gens qui se demandent comment j’ai pu en arriver là. Je leur répondrai que ce n’est que grâce au travail.

Tim Baete

 » N’oubliez pas que JE PRENDS LA PLACE D’UN MONUMENT : Jacques Urbain « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire