Cotes d’avant EXAMS

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Les points de l’année avant les trois matches qui décideront de tout.

Le Sporting de Charleroi avait basculé en D2 l’année de son 75e anniversaire. L’histoire va-t-elle repasser les plats, alors que le club fête son centenaire ? C’est actuellement le pronostic le plus plausible si on analyse les prestations des dernières semaines, le classement, le calendrier des trois dernières journées et la morosité qui s’est installée dans le noyau.

Le match perdu de samedi dernier, au Germinal Beerschot, fut finalement à l’image d’une bonne partie de cette saison : les Zèbres ont mené au score avant de se faire rattraper puis dépasser, l’arbitre les a pénalisés (un penalty flagrant non sifflé qui aurait pu changer le cours du match), quelques joueurs ont montré un manque flagrant de talent, d’autres un déficit criard de motivation, tandis que les deux seules éclaircies dans cette grisaille furent BertrandLaquait et Grégory Dufer.

Comment les Carolos ont-ils pu se retrouver dans une position aussi précaire à 270 minutes de la clôture du championnat ? Tout fut-il à ce point mauvais depuis l’été dernier ? Voici notre délibé avant l’heure, la remise des bulletins avant terme.

Grande distinction : Laquait, Dufer, les nouveaux sponsors

A la fin des années 90, on entendit plus d’une fois que le Sporting aurait basculé en D2 s’il n’avait pu compter sur Dante Brogno. Il fut souvent l’homme providentiel en marquant de nombreux buts importants. Aujourd’hui, deux joueurs tiennent un rôle comparable : Bertrand Laquait et Grégory Dufer. Difficile de compter le nombre de points que le gardien français a pris cette saison. Samedi passé encore, il évita une véritable correction aux Zèbres, en sauvant plusieurs ballons chauds derrière une défense en dessous de tout. Kristof Snelders (1m68, 63 kg…), pourtant seul attaquant spécifique de l’équipe anversoise, fit un festival : c’est inacceptable.

Grégory Dufer, de son côté, fut à nouveau le seul à oser (ou à savoir ?) tenter sa chance au but. Il en est actuellement à cinq goals et six assists. A Charleroi, son nouveau statut de Diable Rouge est une promotion providentielle : cela ne fait qu’augmenter la valeur marchande du joueur. Il est possible û voire probable û que Dufer s’en aille en fin de saison. Son transfert permettrait de remettre un peu de beurre dans les épinards car on sait que Charleroi perdra à nouveau de l’argent à l’heure des comptes. Le même raisonnement vaut pour Laquait.

Autres personnes méritant la grande distinction : tous les nouveaux sponsors arrivés en cours de championnat. Faut-il être fou pour consacrer de l’argent à un club aussi malade sportivement ? Peut-être, mais toujours est-il que les parrains ne sont pas loin de se bousculer. Le maillot des Zèbres est devenu un véritable patchwork ! Sans ces généreux donateurs, la situation financière serait sans doute aussi préoccupante que la santé sportive du club.

Distinction : les Bayat, Kargbo, Olufade et le public

Le président mérite un grade, lui aussi. Si le Sporting est toujours en D1, c’est d’abord grâce à lui. Grâce à son nouvel apport de fonds, réalisé durant l’été dernier. Abbas Bayat continue à y croire et son enthousiasme le pousse même, parfois, à certaines petites folies. Exemple : après le tout premier match du championnat, il offrit la prime de victoire à ses joueurs, pourtant battus par le Lierse. Il estimait que les Zèbres n’avaient pas démérité. D’ici quelques semaines, quel que soit le verdict de la compétition, on devine que c’est encore lui qui mettra la main au portefeuille pour boucher les trous. Le fait que le Sporting ait obtenu sa licence sans problème pour la saison prochaine prouve que, sur le plan financier en tout cas, il n’y a pas de vraies raisons de s’inquiéter. Seul bémol : quelques erreurs de jugement présidentielles qui pourraient prêter à conséquences. Par exemple : avoir finalement renoncé à poursuivre le combat juridique dans le dossier Cercle-Charleroi (faute d’arbitrage). Abbas Bayat a probablement cru que le maintien était acquis et a donc laissé tomber. Mais le bas du classement pourrait avoir une physionomie très différente s’il avait finalement été décidé de rejouer ce match. Autre grosse erreur : avoir essayé de faire cohabiter deux caractères aussi forts que son neveu, Mogi Bayat, et Robert Waseige. S’il voulait que Mogi conserve ses prérogatives sportives, il devait recruter un entraîneur prêt à accepter des ordres venusd’ailleurs : pas le style de Waseige.

Autre distinction : Mogi Bayat. L’arrivée de tous les nouveaux sponsors, c’est son £uvre. L’homme avait l’habitude de circuler entre Paris et Cannes, mais aujourd’hui, il a un troisième port d’attache où il se sent bien et où il est apprécié : Charleroi. Il y passe deux ou trois jours par semaine et cela lui suffit pour tisser des relations étroites avec de nombreuses entreprises locales. Il se consacre aussi à la mise sur pied de diverses actions visant le public : il propose des packages de places aux entreprises (ce fut un vrai succès lors du match contre La Louvière) et gâte aussi les supporters les plus fidèles (le Sporting avait acheté un millier de places pour le match au Germinal Beerschot, et ces billets furent offerts aux fans carolos, avec une priorité pour les abonnés). Sur le plan sportif, Mogi Bayat connaît aussi de bonnes adresses. Il a des contacts qu’on ne soupçonne pas dans le foot européen. C’est grâce à ses connexions qu’ Adekanmi Olufade et Loris Reina sont des joueurs presque gratuits pour Charleroi (leurs salaires sont payés en bonne partie par Lille et Marseille). Les venues de Bertrand Laquait, Mustapha Sama, Ibrahim Kargbo, Laurent Macquet (décisif au deuxième tour de la saison dernière) portent aussi sa griffe. Mogi Bayat reçoit des coups de fil occasionnels de Christophe Bouchet (président de Marseille), fait la bise à Sergio Brio, etc. Bref, il a ses entrées à quelques bonnes adresses.

Ibrahim Kargbo mérite aussi une distinction : il est revenu au niveau qui était autrefois le sien au RWDM, quand on le citait à Anderlecht et dans d’autres grands clubs européens. Kargbo est le maître de la défense mais n’est malheureusement pas encore parvenu à se défaire de son jeu parfois un peu fou (cinq cartes jaunes et deux rouges).

Adekanmi Olufade s’est, lui aussi, rappelé au souvenir du public belge. On a, par moments, retrouvé l’attaquant virevoltant qui enflamma autrefois notre championnat avec Lokeren, avant de s’enterrer en France. S’il n’avait pas été blessé pendant une bonne partie du premier tour, on aurait moins parlé de carence offensive grave à Charleroi.

La dernière distinction va au public, qui continue à y croire et est toujours assez fidèle au Mambourg. Ces passionnés continuent à organiser des tifos (à l’échelle carolo…) quand tout va mal : bravo. Même s’ils ont montré, samedi dernier, que leur patience avait des limites : leurs insultes à l’adresse de Robert Waseige le prouvent.

Satisfaction : Ciani, Chabaud, Oulmers, Defays, Cacciatore

Michaël Ciani est peut-être, derrière Dufer et Laquait, le joueur ayant la plus belle valeur marchande potentielle. Ce jeune défenseur central a fêté sa première sélection en Espoirs français et plusieurs clubs de l’Hexagone ont commencé à le suivre. Son retour au pays pourrait avoir lieu plus tôt que prévu, malgré son contrat jusqu’en 2006. Toujours ce beurre à mettre dans les épinards…

Autre Français qui donne satisfaction : Sébastien Chabaud. C’est un homme de l’ombre dans l’entrejeu. Il ne frappe pas les imaginations mais abat un gros boulot. Petit bémol : il a déjà pris huit cartons jaunes.

Toujours au rayon français, le petit Abdelmajid Oulmers, malheureusement blessé pendant la première moitié du championnat. Il est indéboulonnable sur le flanc gauche depuis son rétablissement complet.

Frank Defays n’a rien d’un joueur spectaculaire. Mais il réalise finalement une saison fort convenable. Il connut un gros passage à vide au premier tour (plusieurs buts adverses lui étaient imputables), mais Robert Waseige l’a ramené à son meilleur niveau. Et surtout, Defays reste excellent dans ses fonctions de capitaine rassembleur.

Giovanni Cacciatore est le dernier produit du cru en date. Son style un peu fou rappelle Alexandre Czerniatynski et il a montré de belles choses avant de s’éteindre un peu. Le début de sa trajectoire en D1 est comparable à celle de deux autres gamins du club lancés en cours de saison dernière : Stéphane Ghislain et Thibaut Detal. Eux aussi avaient eu besoin de souffler après avoir épaté pour leurs premiers pas au plus haut niveau. Tous ces joueurs sont là pour qu’on se souvienne que le Sporting reste un bon club formateur.

Balance : Waseige, Ikpeba

Victor Ikpeba était sur le banc au coup d’envoi, samedi passé : impensable pour beaucoup. Depuis plusieurs semaines, il n’était plus nulle part : statique, lent, emprunté, à la recherche de sensations qui semblaient bien loin û et aussi très peu apprécié dans le vestiaire, à cause de son comportement de diva. Mais on prêtait à l’entraîneur l’envie de protéger son chouchou envers et contre tout. Waseige a finalement suivi le raisonnement de tout le Mambourg, pour le match au Beerschot : l’ex-star de Monaco n’avait même plus sa place dans cette équipe très malade. Cela ne doit toutefois pas faire oublier qu’Ikpeba a redynamisé l’attaque carolo en janvier et février, marquant au passage quelques buts très importants.

Le bilan de Waseige ? C’est aussi une balance. Il faudra attendre la fin du dernier match pour rédiger son bulletin définitif. Si le Sporting reste en D1, il méritera une satisfaction (c’est pour cela qu’il avait été engagé). Pas une distinction car on pensait que son action serait plus rapide, efficace et spectaculaire. Si c’est la D2, ce sera l’échec du Liégeois. Charleroi est aujourd’hui en position de descendant alors que ce n’était pas le cas quand Dante Brogno lui a cédé les commandesà On peut aussi reprocher à Waseige la perte progressive de son emprise sur le groupe. L’annonce de son prochain départ pour l’Algérie y est-elle pour quelque chose ? Pas sûr. Par contre, ses conflits avec ceux qui font la pluie et le beau temps au Mambourg ne pouvaient que nuire à son travail. Il y a Mogi Bayat (c’est la guerre ouverte) mais aussi, depuis peu de temps, les journalistes de La Nouvelle Gazette. Ceux-ci eurent autrefois la peau d’Aimé Anthuenis, de Georges Leekens et d’Enzo Scifo : Waseige aurait dû le savoir et s’en inspirer, au lieu de mettre fin à toute communication sous prétexte queà le quotidien avait consacré une page pleine à Mogi Bayat. Quand La Nouvelle Gazette commence à lancer pour ainsi dire une pique par jour au coach, l’autorité de celui-ci sur le noyau ne peut que s’affaiblir.

En 1994, Waseige avait quitté le Mambourg en héros. En 1999, il était parti en étant considéré comme une victime par le public (il avait dû s’effacer pour laisser la place à la clique Mandaric). Aujourd’hui, il est plus un paria qu’autre chose. Il fallait voir, samedi, l’agressivité dans le regard des supporters de Charleroi, qui ont d’ailleurs attendu le car des joueurs sur le parking du Mambourg. On entendit par exemple des Charleroi en D2, merci Waseige ! La gestion chaotique de ses remplacements en cours de match, depuis quelques semaines, n’y est pas pour rien. Concernant les insultes qui lui ont été adressées pendant le match, l’entraîneur a sous-entendu qu’elles avaient été téléguidées parà Mogi Bayat. Ajoutons ses problèmes relationnels avec Dante Brogno (qu’il considère comme un saboteur), Raymond Mommens, Pierre-Yves Hendrickx, etc. Il est difficile de faire l’unanimité dans un club à partir du moment où on ne s’entend plus qu’avec l’entraîneur des gardiens, le préparateur physique, le responsable du matériel et la dame qui prépare à manger aux joueursà Tout cela fait que, dimanche, au moment de boucler ce numéro, les chances de voir Waseige terminer la saison à Charleroi semblaient bien minces.

Echec : Macquet, Di Gregorio, Yazdani, l’incapacité à gérer un score favorable, l’arbitrage anti-carolo, les transferts à 2,50 euros, le bilan contre les adversaires directs, les cartes jaunes et rouges

Où est le Laurent Macquet décisif de l’an dernier ? Sur le banc depuis plusieurs mois car Waseige ne croit pas du tout en lui. Qu’en est-il d’ Alexandre Di Gregorio, autrefois transféré de Genk pour un petit pactole ? Aussi dans le dug-out. Pourquoi avoir rapatrié Daryuosh Yazdani à la trêve ? Simplement pour lui permettre de voir sa coûteuse indisponibilité et ses frais médicaux pris en charge par le Sporting ? On peut parler là de trois gros échecs. Et il y en a d’autres. Comme l’incapacité chronique à gérer un score favorable. On ne compte même plus les matches dans lesquels les Zèbres ont pris l’avantage avant de finir bredouilles. L’arbitrage peut aussi être montré du doigt. Il y eut le but du Standard après le temps ajouté (0-1), l’incident au Cercle Bruges, le penalty non sifflé au Germinal Beerschot, etc. Pointons aussi des joueurs comme Namandjan Traoré et Gilson Araujo Da Silva, qui sont la risée de leurs coéquipiers à l’entraînement. La direction se défend en expliquant que ces joueurs ne coûtent pratiquement rien. Mais n’est-ce pas encore trop cher payé quand on est obligé de compter ses sous ? Enfin, il y a le bilan déficitaire contre les adversaires directs dans la lutte pour le maintien : pas un seul point contre l’Antwerp, un contre le Cercle, trois contre Heusden-Zolder. Mais aussi une agressivité (ou maladresse ?) inadmissible : sept cartes rouges et 56 jaunes en 31 matches, ce sont bien les seuls classements où le Sporting joue la tête !

Pierre Danvoye

7 cartes rouges et 56 jaunes : deux classements où CHARLEROI JOUE LA TÊTE !

WASEIGE est devenu un PARIA

IKPEBA sur le banc : son niveau est EN DESSOUS DE TOUT

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