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On a rencontré ces partenaires commerciaux qui attendent plus que des résultats de l’équipe belge. Davantage de style et une meilleure communication sont demandés.

A Erevan, près du splendide Mont Ararat, où l’Arche de Noé s’arrêta après la montée des eaux, des déluges de mauvaises nouvelles ont envoyé le rafiot des Diables Rouges par le fond. Et, après la catastrophe de La Corogne (5-0), la défaite honteuse essuyée en Arménie (2-1), face à la 125e équipe nationale du classement mondial, a fortement hypothéqué le crédit sportif et populaire du vaisseau national.

Au terme de 90 minutes catastrophiques, déçu par le comportement d’une équipe sans queue ni tête, Frankie Vercauteren a jeté le gant. Son bilan en cinq matches à la tête de l’équipe nationale ne signale aucun succès et ses recherches tactiques ont été vaines. Le groupe est dilué. Aucun joueur ne méritait une cap, sauf Jean-François Gillet.

Un an après l’espoir né aux Jeux olympiques, tout est à refaire. Il faut nettoyer au karcher, virer la vieille garde et les jeunes impolis ou mal éduqués qui pètent plus haut que leur cul. Vercauteren n’entendait plus coacher des gars ne respectant rien, même pas leur maillot. Mais pourquoi a-t-il accepté cette mission de dépannage avant l’arrivée de Dick Advocaat ? Un capitaine ne quitte jamais son navire même en cas d’ouragan ou d’erreurs mortelles de son équipage.

Dans cette tourmente, les plus attentifs auront peut-être cru reconnaître le dernier air joué par l’orchestre du Titanic ( » Plus près de toi mon Dieu « ). Ce n’était qu’une fausse impression car il n’y avait pas huit aussi bons musiciens à bord de l’embarcation belge. Y en avait-il seulement un seul ? Au-delà de la réalité immédiate, les dégâts sont importants au niveau de l’image dégagée par cette formation, des valeurs qui sont encore les siennes auprès du public, de son crédit aux yeux des sponsors. En Arménie, les partenaires commerciaux de l’Union belge tiraient la tête.

 » Nous aurions mieux fait de dîner entre nous plutôt que d’assister à ce navet « , a dit l’un d’eux. Un autre misait déjà sur  » Advocaat qui saura remettre de l’ordre dans la baraque « . C’était comme si on demandait au général hollandais de retrouver les traces de Noé. Et si Advocaat déniche  » son arche « , qui sera digne de monter à bord ?

Les sponsors étaient plus abattus que certains joueurs qui songèrent à s’offrir une petite sortie nocturne après leur match de gagas contre l’Arménie. Mais Philippe Collin veillait au grain. Le président de la Commission technique était outré, dit-on, et entendait éviter ce qui s’est passé en Bosnie où des supporters ont photographié des Diables en goguette après la rencontre. Yves Taildeman de la Dernière Heure-Les Sports possède ces documents mais ne les a pas publiés :  » Ces joueurs étaient de sortie dans une sorte de cave, fréquentée par des internationaux bosniaques. Les photos étaient peu précises et on ne peut pas y voir un verre d’alcool ou autre chose. Rien de condamnable. A la grande époque, les Diables s’offraient parfois des petites sorties tardives et personne n’y trouva jamais rien à redire.  »

Un effet BASE autour de l’équipe nationale ?

Cette plongée des joueurs dans la médiocrité et l’indiscipline chroniques aura-t-elle un impact sur l’importance du soutien des sponsors ? Leur fidélité n’est-elle pas trahie par l’indécence et l’inconscience de pseudo-internationaux ou le manque de véritable culture footballistique des  » leaders  » de la fédération ? Ne deviennent-ils pas aussi des loosers en vivant avec une équipe et des dirigeants qui collectionnent les défaites ? Au Standard, BASE avait pris ses distances par rapport au sinistre climat du dernier Clasico ? Peut-il y avoir un effet identique autour de l’équipe nationale et l’amorce d’un divorce entre les sponsors et des Diables gâtés pourris mais tellement peu professionnels qu’un vétéran comme Emile Mpenza ne s’embarqua pour l’Arménie qu’avec une seule paire de boots ?

A Erevan, l’agence de voyages Sun Incentives, s’est multipliée au service des sponsors de la Maison de verre et leurs invités. Parmi ces partenaires commerciaux se trouvaient Alain De Coster (Coca-Cola), Micheline Melis (Carlo et fils) et Patrick Sion (Belgian Posters).

En plus d’un apport en liquide (250.000 euros), Coca-Cola soutient les Diables, la politique des jeunes de la fédération, la Coca-Cola Cup, de nombreuses équipes de D1, l’organisation d’événements, des clubs régionaux, etc. Autrement dit : la réflexion de cette société dépasse le cadre des résultats de l’équipe nationale. Même si ceux-ci sont dans le trou, Coca-Cola a entamé les négociations pour la prolongation de son contrat de sponsoring.

 » Nous trouverons probablement un accord en juin « , affirme De Coster (Sport manager de Coca-Cola).  » Les temps sont durs, mais un sponsor doit aussi être présent dans l’adversité. L’équipe nationale a touché le fond alors que notre société est synonyme de succès, de joie et de jeunesse. L’image des Diables ne colle pas pour le moment avec nos messages. C’est un problème. Les résultats sont négatifs et l’aura de l’équipe nationale en pâtit. Nous ne sommes cependant pas dans le cas de figure du Clasico. BASE a réagi à sa façon : cela a chauffé mais je suis persuadé que tout va se calmer. Nous faisons part de nos remarques à la fédération sans que cela se retrouve dans la presse. Nous ne nous mêlons pas de la gestion sportive. Mais j’ai apprécié la nomination d’Advocaat à la tête des Diables, même si j’aurais apprécié que son T2 soit belge. Son arrivée est un signe fort et encourageant pour les sponsors. Advocaat est un grand format mondial qui a l’habitude de travailler avec de bons joueurs affirmés et des jeunes. Il a assez de vécu pour tourner la page. Il y a du talent. Cela saute aux yeux. Il faut un leader comme Marc Wilmots pour vivre, jouer et s’exprimer comme une véritable équipe.  »

De Coster met le doigt sur un autre problème dont il est beaucoup question entre les sponsors : la communication.  » Il faut que cela change « , dit-il.  » La fédération doit s’exprimer d’une voix. Pour le moment, ce n’est pas le cas. La presse en profite, c’est normal, et on se perd entre tous ces avis. « 

Des Diables oublient ou perdent leur costume

En Arménie, Micheline Melis (Carlo et fils) n’a pas caché sa tristesse au regard des mauvais résultats de l’équipe nationale :  » Les voyages sont parfaitement organisés mais le match doit forcément être la cerise sur le gâteau. Ce fut loin d’être le cas à La Corogne et à Erevan. Les joueurs n’ont pas donné l’impression d’être fiers de représenter la Belgique. « 

La société Carlo et fils habille l’équipe nationale (staff, joueurs, dirigeants : plus de 70 costumes, chemises et cravates de la marque Boss), Anderlecht, les Spirous de Charleroi, Justine Henin, etc. A Châtelineau, des équipes de tailleurs procèdent aux retouches pour que les Diables soient chics. Daniel Van Buyten et Timmy Simons sont des modèles d’élégance mais quand Kevin Mirallas et Eden Hazard négligent leur tenue (Mirallas a écopé d’une amende de 150 euros…), Micheline Melis le remarque tout de suite :  » Il y a un laisser-aller depuis le départ de Robert Waseige. A son époque, le coach veillait à ce que tous les joueurs soient tirés à quatre épingles. L’esprit d’équipe était visible avant les matches comme sur les terrains. Actuellement, des Diables oublient ou perdent parfois leur costume. Nos clients sont forcément sensibles aux résultats et à l’image des Diables. Ils préfèrent porter le même costume qu’une équipe gagnante ou vaillante. Même si c’est dur, nous restons optimistes malgré tout. Tout le monde sait que nous habillons l’équipe nationale et cela reste un argument commercial important. Mais il ne faudrait pas plonger plus bas.  »

Patrick Sion (Directeur commercial et marketing de Belgian Posters – panneaux publicitaires) insiste sur d’autres aspects de la collaboration entre l’Union belge et ses sponsors :  » Pour notre société d’affichage, il est capital de rencontrer des gens dans un cadre inhabituel comme un voyage avec l’équipe nationale. Le résultat d’un match est moins relevant pour nous que pour une société qui s’adresse directement à ses clients via le football. Belgian Posters est une société belge et il est intéressant de travailler avec une fédération sportive unitaire. Cette collaboration avec l’Union belge renforce notre image de première société belge dans un secteur où nos deux principaux concurrents sont français et américains : c’est important, surtout dans nos contacts avec des clients comme le fédéral, les villes, les régions, les provinces, etc. Les Diables Rouges filent du mauvais coton, c’est évident, et je préférerais que la tendance se renverse, mais l’image et les résultats sont des choses différentes. Je serais plus embêté d’être dans le cas de BASE qui vise une clientèle de jeunes avec le football. Et j’ai compris son désarroi. Une équipe peut perdre, ça passe. Le débat est différent dans un contexte où le fair-play n’est plus d’actualité. Un sponsor ne doit pas intervenir dans la sphère sportive et critiquer la tactique. Par contre, il peut s’interroger si les valeurs qui ont généré une collaboration changent. Je ne dirais jamais à un coach fédéral qui doit jouer. On se lie à un univers. Il y a une association et on en reprend une partie des valeurs : c’est ce qu’on appelle le phénomène de vampirisation. Il y a 25 ans, le Standard a été impliqué dans une affaire de match arrangé avec Waterschei et était sponsorisé par la banque Nagelmaeckers : ce n’était pas idéal. Un sponsor peut s’interroger quand il y a des problèmes d’image. Ce sera peut-être le cas si l’équipe nationale pique encore un peu plus du nez. Mais, dans notre cas, nous cherchons autre chose qu’un match gagné. Il est encore plus important de communiquer nos valeurs : sportivité, fair-play, lutte contre le racisme, etc. Et là, nous sommes satisfaits.  »

Bref, tout le monde attend quand même des résultats…

A l’Union belge, le département commercial et marketing orchestré autour des Roland Louf, Benjamin Goeders et Filip Van Doorslaer récolte un quart du budget annuel fédéral, soit cinq millions sur 20 millions d’euros. Il n’est pas très inquiet.  » Généralement, les sponsors sont fidèles. Je ne connais qu’un cas où la collaboration s’est arrêtée « , explique Goeders.  » C’est la fédé qui décida d’en rester là car la philosophie de ce partenaire ne nous convenait plus. Et puis, ces sponsors ne sont pas liés qu’aux Diables mais à une fédé qui leur propose des tas d’événements, de locaux, de salle de réunions, de parkings, un listing de nos 450.000 membres.  »

Il se dit qu’il existe une liste d’attente de ceux qui veulent rejoindre ces sponsors. Même si les résultats ne suivent pas ?  » Ce n’est pas gai à vivre « , intervient Louf.  » Mais nos sponsors savent que ce n’est pas le moment de se désengager. Tout change vite en football. « 

par pierre bilic – photos: belga

« Advocaat à la tête des Diables : c’est un signe fort. (Alain De Coster, Coca-Cola) »

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