Contre la montre

Alors que l’Afrique du Sud se prépare à accueillir la première Coupe du Monde africaine, les organisateurs doivent encore régler bien des problèmes d’hébergement et de transport.

Les stades sont prêts ou en voie de l’être et la police se montre très confiante en ce qui concerne la sécurité de l’événement. En vérité, c’est surtout dans le domaine des transports et de l’hébergement que planent les incertitudes les plus nombreuses à un peu plus de 3 mois de l’ouverture de la Coupe du Monde 2010, le 11 juin prochain. C’est certain : les supporters qui peuvent voyager et ont la chance d’avoir trouvé à se loger du 11 juin au 11 juillet s’en mettront plein les yeux en découvrant les nouveaux stades magnifiques érigés pour l’occasion. Les girafes de béton et d’acier qui soutiennent le stade à Nelspruit, la calebasse qui entoure l’enceinte de Soccer City et surtout le très beau stade Moses Mabhida à Durban.

La question qui reste en suspens est : comment les fans se rendront-ils d’une ville à l’autre ? Le nouvel aéroport international ORTIA (pour Oliver R Tambo International Airport) de Johannesburg vient d’être inauguré – pas trop tôt ! – et la fin est prévue pour le mois de mai au nouvel aéroport de Durban. Mais les autres terminaux du pays sont toujours largement inadéquats. Entre-temps, le prix des tickets d’avion augmentera de 3 à 4 fois le prix actuel entre mai et le début du tournoi en juin et les autoroutes et liaisons ferroviaires ne seront pas vraiment aux normes habituellement connues en Europe et aux Etats-Unis.

A l’occasion du tirage au sort des groupes en décembre dernier au Cap, plusieurs ministres du gouvernement sud-africain se sont efforcés d’afficher leur pleine confiance à répondre promptement aux craintes concernant la logistique et l’hébergement. Mais si le plan A pour le transport se plante, il n’y a en réalité aucun plan B. J’ai pu le vérifier à mes dépens en essayant un transfert aérien entre Port Elizabeth à Durban. Le mauvais temps a retardé le décollage et il n’y avait pas d’alternative réaliste pour rejoindre ma destination. Si pour moi ce contretemps avait peu de conséquences, imaginez-vous des supporters dans le même cas, en route pour un match de leur équipe nationale…

Des paquebots en guise d’hôtels

En juin 2009, suite à la Coupe des Confédérations, la FIFA avait pourtant prévenu que l’accommodation restait un problème non résolu pour les organisateurs de la Coupe du Monde. Le fait que deux paquebots de croisière remplis de supporters de football mouilleront en permanence sur la côte sud entre Durban, Port Elizabeth et Le Cap en dit long sur la confiance placée dans les infrastructures hôtelières proposées aux visiteurs. Pourtant les officiels locaux en charge du tourisme insistent qu’il s’agit là d’une initiative privée qui n’est absolument pas liée au projet d’hébergement du Nelson Mandela Bay.

Andrew Jordaan, qui travaille pour Match, le bureau officiel de ticketing et d’accommodation de la FIFA, est confiant quant à la capacité hôtelière pour tous les matches à Port Elizabeth et Nelson Mandela Bay. Cela inclut le duel Slovénie-Angleterre, pour lequel un afflux d’environ 30.000 supporters anglais est à prévoir.

 » Tous nos plans pour les infrastructures suivent le planning prévu « , affirme Jordaan, qui est le frère du chef de l’organisation Danny Jordaan.  » Je suis confiant que nous incorporerons tous les projets d’hôtels finalisés dans le système et que nous devrions finalement en février nous retrouver avec une légère surcapacité.  »

Ces prévisions tellement optimistes sont toutefois basées sur une zone de 130 kilomètres autour du stade de Port Elizabeth, ce qui frise la mauvaise foi étant donné les défis auxquels sont confrontés ceux qui doivent voyager en transports routiers ou ferroviaires. De même, Andrew Jordaan ne semble pas bien connaître le comportement de supporters lors d’une Coupe du Monde lorsqu’il prétend que  » seuls les gens en possession d’un ticket valable et d’une réservation d’hôtel se risqueront à faire le voyage en venant du reste du monde « . Il pourrait avoir une surprise en voyant débarquer des joyeuses bandes de Hollandais, d’Anglais et d’Allemands inspirés par le défi de se rendre en Afrique australe dans l’espoir d’y dégotter un ticket. Aucune des solutions existantes en termes de tourisme et de transport ne semble prendre en compte cette éventualité.

Sécurité renforcée

Le fait que le transport et l’hébergement soient les principaux points d’attention a été accueilli d’un bon £il par les services de sécurité sud-africains. Pour eux, c’est la preuve d’une confiance de plus en plus large dans les mesures de prévention mises en place pour le tournoi. Le super intendant de police Vish Naidoo a passé le plus clair des cinq dernières années à raconter à qui voulait l’entendre que son pays avait accueilli une série d’événements sportifs majeurs sans le moindre incident. Et qu’il n’y avait aucune raison que la Coupe du Monde soit différente sur ce point-là. Il a redit :  » Dans un premier temps, toutes les questions et discussions concernaient la sécurité. A présent, tout le monde vise les transports et l’accommodation. Cela montre que les gens ont compris notre message. Nous avons mis sur pied plus de 150 événements d’envergure internationale, incluant les Coupes du Monde de rugby et de cricket et de nombreuses conférences importantes. Tout cela a pavé la voie vers le plus grand événement d’entre tous.  »

Naidoo a aussi affirmé que la première répétition d’une Fan Fest – dans Long Street au Cap lors du tirage au sort – fut un succès. Néanmoins, la police avait sous-estimé la popularité de cet événement et de nombreux badauds durent être renvoyés chez eux dans le chaos et la confusion qu’on imagine aisément.  » Au moins nous n’avons pas eu d’incident à déplorer « , fait remarquer Naidoo. En réalité, le même jour, deux fausses alertes à la bombe passées relativement sous silence ont mis durant au moins une heure la pagaille, d’abord à l’aéroport du Cap et ensuite au centre de presse. Deux individus furent arrêtés.

Dernière ligne droite

L’Afrique du Sud fait face à sa énième course contre la montre dans la dernière ligne droite vers la compétition suprême. Tout cela à cause d’une autopromotion menée tambour battant et avec une vision à très court terme. L’élément premier de cette propagande est de proclamer la fierté des progrès démocratiques accomplis par la nation depuis que Nelson Mandela a quitté la prison Victor Verster en 1990. Tout aussi importante est l’opportunité de construire à partir de rien une infrastructure moderne étant donné que le football offre aux hommes politiques sud-africains un événement sur lequel ils peuvent capitaliser – sans critique aucune – dans un pays fou de sport, en profitant pour étendre les capacités d’accueil touristique.

Les neuf provinces du pays se sont lancées dans une frénésie de relations publiques. La province du Cap oriental, par exemple, la deuxième en importance, se présente comme  » la destination de l’aventure par excellence « . Ce label pourrait devenir une mauvaise blague s’il s’avère que les Allemands, les Anglais ou les Ivoiriens ne ramènent pas les trois points de leurs voyages respectifs au nouveau stade de Port Elizabeth. Une autre évidence statistique constatée lors de coupes du monde précédentes, c’est que tous les milliers de visiteurs qui débarquent pour suivre leur équipe ne compense pas l’absence des touristes potentiels, qui préfèrent éviter le pays pendant la compétition. En plus, la récession économique mondiale a fortement affecté le portefeuille du touriste sportif occidental et les prix exorbitants pratiqués à l’occasion de la World Cup en ont dissuadé plus d’un de voyager si loin pour le foot. Les officiels du gouvernement sud-africain ont l’irritante habitude de proclamer  » nous sommes prêts « , alors qu’il est clair que les transports et les infrastructures d’accueil ne le sont pas encore. Une telle débauche de RP n’est non seulement pas nécessaire, elle est aussi une insulte à l’intelligence de n’importe quel visiteur. Ce qui compte, ce n’est pas le bla-bla vide de sens d’être prêt maintenant, mais bien d’assurer le coup dès le 11 juin.

Par Keir Radnedge, World Soccer – Photos: Reporters

« La province du Cap oriental se présente comme  » la destination de l’aventure par excellence « … »

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