Contrats pros: jeu de dupes

Que valent encore parole ou contrat dans le sport pro?

Principe fondamental du droit civil des Etats de droit, la règle de la « convention-loi » est consacrée en Belgique à l’article 1134 du Code civil, qui dispose: « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour des causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

Dès que deux personnes se sont accordées, verbalement ou par écrit, sur la réalisation d’une obligation, cet accord est absolument irrévocable. Seul un accord en sens contraire est juridiquement de nature à supprimer toute valeur contraignante à l’obligation initiale. Voilà, schématiquement, la portée du principe de la convention-loi.

Appliqué en droit du travail, ce principe implique qu’une partie (employeur ou travailleur) ne peut rompre de façon unilatérale la relation de travail, sauf motif grave ou acte équipollent à rupture entraînant une perte de confiance irrémédiable imputable à l’autre partie. A défaut, l’octroi d’indemnités viendra sanctionner la rupture unilatérale du contrat.

Aujourd’hui, que vaut encore la parole donnée ou le contrat signé dans le monde du sport professionnel? On se souviendra de la manière cavalière dont l’URBSFA a débauché l’entraîneur Georges Leekens du club de Mouscron à la veille de la phase finale du championnat de Belgique de D1 voici quelques années.

Le marché des transferts est aujourd’hui devenu un véritable jeu de dupes: citons pour un exemple très récent les multiples pérégrinations du Brésilien Jardel, annoncé tout d’abord à l’Olympique de Marseille, puis signant un contrat avec le club turc de Galatasaray, puis en contact avec Porto et le Sporting Lisbonne

Ces dernières semaines, les acteurs de la F1, sport business par excellence, n’hésitent pas non plus à bafouer la règle de la convention-loi.

Premier exemple: sous le regard probablement consterné d’un juge londonien, les écuries Jaguar et McLaren se sont disputées le droit d’employer Adrian Newey, considéré par beaucoup comme le meilleur ingénieur aérodynamicien. Toujours sous contrat avec McLaren juqu’à la fin de la saison 2002, Newey avait accepté de s’engager avec l’équipe Jaguar dès le terme de la présente campagne. Deux contrats de travail se chevauchaient donc pour la saison 2002. Fort logiquement, le juge londonien enjoigna de respecter le contrat initialement conclu par Newey avec l’équipe McLaren; à défaut, de très importantes indemnités ont été fixées pour sanctionner la rupture unilatérale de ce contrat. Finalement, probablement vu le montant des indemnités précitées, Newey poursuivit bien sa collaboration avec l’équipe McLaren jusqu’à son terme.

Second exemple: à la veille du GP d’Allemagne, l’équipe irlandaise Jordan s’est portée à la « une » de l’actualité dans un genre hélas peu glorieux, en virant purement et simplement Heinz-Harald Frentzen. Fait rarissime pour un pilote de ce niveau. Officiellement, le licenciement de l’Allemand se justifie par le « manque de résultats » de ce dernier au cours de cette saison. De qui se moque-t-on? On est évidemment loin du « motif grave » pouvant justifier une rupture unilatérale due à son travail.

Comble de l’histoire: l’arrivée de Jean Alesi, pourtant sous contrat avec l’écurie d’ Alain Prost jusqu’au terme de la saison 2001, pour remplacer Frentzen jusqu’à la fin de la saison.  » No comment » de rigueur.

Luc Misson

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