Contrats de 6 mois!

Huit ans après le Mondial aux Etats-Unis, le football belge n’a encore exploité aucun des constats d’alors.

Ariel Jacobs a prolongé son contrat à La Louvière malgré l’un ou l’autre appel du pied. « Le Lierse m’a contacté mais j’avais déjà donné ma parole à La Louvière », explique-t-il. « J’étais satisfait de la progression du groupe, à tous points de vue, et certainement en matière de points. Elle a perdu sa naïveté. Au second tour, elle a concédé nettement moins de buts. Le jeu s’est légèrement amélioré également mais je veux mettre davantage l’accent sur cet aspect-là au cours de la saison prochaine.

L’année dernière, nous avons retiré le maximum du groupe. J’en ai conclu que nous avions atteint notre apogée. Il fallait donc se diriger vers d’autres joueurs. Mais pour un club comme La Louvière, ce n’est pas facile, ni dans un sens ni dans l’autre. Beaucoup de cercles comprennent qu’ils ont un noyau trop large. Il n’est pas évident de vendre des joueurs. Tout le monde ne saisit pas non plus que les clubs ne sont plus prêts à assumer tant de risques financiers. Nous optons pour un noyau de 20 joueurs avec cinq jeunes qui n’ont pas le statut professionnel complet ».

Moyenne d’âge en baisse

La saison passée, l’âge moyen du groupe a constitué un problème pour La Louvière. « D’un côté, ça nous offre de l’expérience. Mais ça n’a pas toujours été un avantage car nous manquions d’équilibre. La rage de vaincre de la saison précédente s’était évanouie et l’équipe a subi une métamorphose. A certaines places, il y avait quatre joueurs possibles tandis qu’à d’autres, nous n’avions qu’un homme.Il faut trouver un équilibre sur ce plan-là comme entre le compartiment offensif et le défensif. En matière d’âge des joueurs aussi. Or, avec tout mon respect, la saison dernière, j’avais souvent le sentiment que si le joueur x était forfait, j’en avais quatre pour le remplacer mais que si c’était y, je n’aurais personne sous la main ».

Ariel Jacobs estime que le noyau louviérois a changé à 50% par rapport à l’exercice précédent. « Nous avions trois ou quatre joueurs en fin de contrat, trois ou quatre autres liés pour un an encore mais qui n’avaient guère joué la saison et qui allaient se retrouver dans la même situation cette fois. Nous leur avons donc conseillé de chercher un autre club. Puis, il y a eu le départ de Silvio Proto, qui nous pose problème, et l’affaire Claude-Arnaud Rivenet, qui a tourné au conflit entre le club et le joueur. Pour le moment, il nous reste deux priorités: un arrière gauche et un gardien de but ».

Proto: un précédent dangereux

Ce n’est pas évident, car sur le marché, c’est le calme plat. « Je crains que les principales victimes ne soient les joueurs. Tout le monde commence à comprendre où le bât blesse: dans la formation des jeunes. Il faut former les vrais espoirs du football en fonction des réalités économiques actuelles. Le temps où on devait conserver le ballon 350 fois de suite en l’air est révolu. Par exemple, la technique de l’équipe nationale de France est une technique en mouvement. Et la préparation physique… Partout, on raconte que les joueurs donnent l’impression d’être fatigués, amorphes. Si vous regardez les autres pays, et je ne parle même pas des nations africaines, vous constaterez qu’on a affaire à des athlètes qui savent jouer au football. Chez nous, ce sont souvent des footballeurs qui pèsent 50 kilos ou des athlètes qui ne savent pas shooter.

On néglige souvent un autre aspect: le mental, la personnalité d’un joueur. Le football conserve un aspect éducatif. Il faut apprendre aux jeunes leur métier, indépendamment de l’aspect social. Actuellement, on ne prépare pas suffisamment les joueurs aux exigences du football moderne. En 1994 aux Etats-Unis, nous avions déjà opéré ce constat. Mais, huit ans plus tard, il faut bien reconnaître que rien n’a changé. Que ce soit en club ou en équipe nationale, le niveau continue à chuter. Nos clubs ont tellement de problèmes que je me pose cette question: vont-ils accepter les propositions de l’Union Belge et consentir davantage d’efforts en faveur des jeunes?

Prenez un cas concret, celui de Proto. Il a grandi à Couillet et a été transféré jeune à La Louvière, qui lui a offert un contrat de cinq ans. Après deux ans, le voilà qui rachète sa liberté, sous la pression d’un manager, en utilisant la loi de 78. C’est un précédent dangereux. Si on opérait un raisonnement tranché, La Louvière devrait se demander si acheter des jeunes et les incorporer au noyau a encore un sens. S’ils prestent un an, ils peuvent claquer la porte à partir du moment où le club ne se met pas d’accord avec un candidat éventuel ».

L’indemnité de formation qu’impose maintenant la FIFA peut être vue comme une arme à double tranchant. »Elle est profitable aux clubs qui ont investi dans les jeunes dans le passé. Ils sont enfin récompensés de leurs efforts. D’autre part, la situation a tellement évolué qu’on peut difficilement jauger les conséquences de cette mesure. On va compter sur les doigts de la main les clubs qui peuvent encore accorder des contrats de quatre ou cinq ans. Peut-être suis-je trop négatif mais je crains qu’on en vienne à des contrats de six mois. Si vous signez de bonnes prestations durant le premier tour, vous pourrez rester au-delà de décembre.

Je crains qu’une fois de plus, les joueurs ne soient les dupes de l’histoire. Combien de contrats ne conclut-on déjà pas pour un an avec option? Le grand maximum devient déjà trois ans. On recherche surtout des joueurs qui sont en fin de contrat, pour lesquels on ne doit verser qu’une commission au manager. Proto a honoré un an de son contrat. Il a remboursé la somme et le voilà libre. Dans ces conditions, il faudrait déjà se diriger vers des joueurs qui viennent de signer et les faire rompre leur contrat, s’ils sont assez bons. Ce sera certainement au détriment de la qualité. La majorité des joueurs, les éléments moyens, vont affronter des temps durs ».

Raoul De Groote

« Si vous signez de bonnes prestations durant le premier tour, vous pourrez rester au-delà de décembre « 

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