Contrat moral

Alors qu’il se prépare pour la finale de la Coupe, le coach des Spirous pense déjà à la prochaine saison.

En championnat, le club du Pays Noir ne cache nullement ses ambitions : tenir la dragée haute à Ostende. En d’autres termes, s’ériger en principal concurrent des Côtiers. Ce n’est pas tout. Après s’être offert une frayeur sur leur bouillant parquet de la Coupole, les Carolos ont rectifié le tir en renversant la vapeur à Louvain. Les voilà en finale de la Coupe de Belgique. Autrement dit, ils peuvent tout gagner. Et forcément, tout perdre.

Après un début hoquetant, les Spirous ont atteint leur vitesse de croisière. Avec la patience du prédateur, ils reviennent à pas de loup vers les cimes. On les dit moins forts qu’il y a deux ans. Faut voir!

L’avantage de cette entité dynamique est de pouvoir compter sur le talent et l’expérience de deux hommes bien installés aux postes de commande. Eric Somme à la présidence. Giovanni Bozzi au sportif. Ce duo-là ne panique pas. Ne fait pas de vagues. Cependant, il sait jusqu’où l’embarcation peut naviguer. Bozzi est bien trop malin pour dévoiler ses batteries. Avec ses yeux pétillants de malice et son sourire à fossettes, il adopte un profil modéré. Genre, ce serait bien que nous remportions quelque chose. Au fond de lui, il veut tout gagner. Parce qu’il déteste perdre. Même aux cartes.

Surtout ne lui parlez pas d’usure du pouvoir. Ses dix années passées à la tête des Spirous n’ont en rien altéré son enthousiasme. Giovanni est un boulimique. Son rôle ne se termine pas. Il en veut encore et encore. A l’échelon national. Puis international. Plus tard. Un peu plus tard. Grand amateur de football, il remarque : « Nous n’atteindrons jamais le niveau du Real Madrid. Question de moyens financiers. N’empêche! Nous pouvons imiter Anderlecht qui a taquiné les géants en s’offrant quelques solides morceaux de bravoure ».

Cela signifie que d’ores et déjà, la campagne 2001-2002 occupe les esprits. Ne dit-on pas que gouverner c’est prévoir?

Sommes-nous déjà entré de plein pied dans la saison des transferts?

Giovanni Bozzi : « n y travaille. Le basket subit une telle évolution qu’il s’avère nécessaire de définir de manière pointue forces et lacunes de l’effectif. Lorsqu’il s’agit de jauger, tout entre en ligne de compte. Technique. Physique. Rendement. A cette liste, j’ajoute l’âge. Nous ne manquons pas d’expérience. Dès lors, nous tenterons d’obtenir le concours de plus jeunes. Nous négocions un virage. Si un noyau compte six trentenaires, il y a danger. Les blessures deviennent plus fréquentes et mettent davantage de temps à guérir. Alors, on peut passer à coté de son sujet.

Vous avez déjà votre nouvelle équipe en tête?

Dans les grandes lignes, oui. Il y a la base, Desy, Cleymans, Hill, Stas

Lenny Brown?

Il y a deux mois, la question ne se serait même pas posée. Son évolution positive me pousse à réfléchir. Nous avons convenu de ne discuter de rien avant la fin des playoffs. Disons que sa balance penche du bon coté. L’incident Brown, appelons-le ainsi, a constitué un levier positif. Lorsqu’il m’a téléphoné pour me faire part de son souhait de rédemption, je lui ai d’abord expliqué ce que j’attendais de lui. Ensuite, je lui ai fait part de mes griefs. Enfin, j’ai effectué un tour de table avec les joueurs. Tous, vous m’entendez, tous m’ont dit qu’il fallait donner une chance à Lenny! Une réunion interne s’est tenue. Lenny a fait son mea culpa. Le groupe est sorti solidifié de cette aventure.

Et Jacques Stas? On parle de lui avec insistance du côté de TEC Liége.

Je comprends l’intérêt principautaire. Ce serait un fameux renfort pour les Liégeois. Le président a rencontré notre meneur de jeu afin de clarifier la situation. Nous voulons le conserver. Avec tout le respect, sincère, que je nourris pour TEC Liége, je crois qu’il commettrait une erreur. A Charleroi, le plus beau reste à venir avec la nouvelle Coupole.

Il ne faut donc pas s’attendre à de grands bouleversements?

Pourquoi faire? Je suis satisfait de l’équipe. Pas question de prendre le risque de tout chambouler et de me retrouver à la cinquième place. Pour demeurer compétitifs, nous devons progresser par petites touches. Intelligemment. Cela se gère. Nous ne devons jamais nous retrouver dans la position d’Anvers, coincé, dos au mur, parce que sept joueurs en fin de contrat ont mis le cap sur Ypres.

Votre implication dépasse largement celui d’un coach. Vous êtes le véritable manager sportif.

Absolument. Eric Somme pour sa part oeuvre en manager commercial. Avec quel génie, d’ailleurs! Nous créons des interactions, bien entendu. Si la décision finale d’engager me revient, son avis mérite toujours d’être entendu. Le basket, il connaît! Son vécu et son expérience m’apportent énormément.

Pour revenir à l’actualité immédiate, de quelle manière allez-vous appréhender les grands rendez-vous qui vous attendent?

La priorité chronologique, c’est la Coupe. La décision se joue sur une rencontre. Tout peut arriver. Nous défendrons crânement notre chance en profitant de notre constante montée en régime. Pour ce qui est des playoffs, je prévois des luttes très âpres. Très, très âpres. Imaginons un cas de figure délicat : nous débutons par une défaite à Pepinster. Il n’en faut pas plus pour installer le stress. Après, on cavale après la réussite.

Il faut y déceler la progression globale de notre basket.

Je trouve cela génial. Tout le monde peut battre tout le monde. Fini, le temps où le Racing de Malines et Ostende se partageaient les honneurs. Le sport en sort gagnant.

Ostende occupe quand même le haut du pavé.

J’analyse les faits avec objectivité. Oui, sur le papier, c’est castard. Tant à propos de sa puissance financière que de son efficacité sur le terrain. Le favori! Pourtant, je me dis qu’avec le mois de travail qu’il nous reste avant d’entamer la dernière ligne droite, nous pouvons encore gravir un échelon. Si les Côtiers subissent un petit creux, nous devons être là. Prêts à en profiter. Beaucoup d’éléments dépendront de la réaction de mes deux jeunes, Lenny Brown et Michael Batiste. Vont-ils tenir la distance? Les autres, je les connais. Si Brown et Batiste sont biens, alors…

A la réflexion, le coup de semonce administré par Louvain lors de la demi-finale aller vous a été salutaire?

Cette défaite nous a fait un bien fou. Nous sortions d’une période euphorique. Tentés de penser que plus rien ne pouvait nous arriver. Le soir de la défaite, Eric Somme a explosé. Il était furieux. Le lendemain, il m’a téléphoné et m’a dit : -Ecoute Jo, la meilleure solution consistait à engranger une avance confortable. Pourtant, crois-moi, si j’avais dû choisir entre gagner ou perdre avec huit points d’écart, je prenais la seconde solution. Le président était persuadé qu’en cas de petite victoire, nous nous serions fait sortir. J’y ai pensé. Il avait raison. Dans la compétition de haut niveau, l’aspect psychologique revêt une importance considérable.

Ce fameux aspect psychologique, est aussi un élément qui se travaille au quotidien.

Vous connaissez un garçon. Vous croyez le connaître. Vous l’abordez d’une manière X. Pas de chance! Le matin il s’est disputé avec sa femme et n’est pas dans son assiette. Faut le sentir. Peut-être modifier l’approche. Pour un jour seulement. Mais ce jour-là sera déterminant. Entraîner? Je suppose que tout entraîneur de D1 sait comment créer un écran. Comment attaquer. Comment défendre. Le plus vient d’une relation adaptée.

De quelle manière entrevoyez-vous le poste du coach?

Il existe différents styles. Il y a le technicien qui arrive droit comme un i. Pose son sac. Regarde de haut ses joueurs. Leur dit: -Vous avez juste le droit de vous taire! Ca marche. Si! Pendant six mois. Pas sur du long cours. D’ailleurs, ce type de techniciens reste à la même place au maximum deux ans. A coté de ça, d’autres bâtissent dans le respect. Un édifice solide. Tout le monde doit se sentir concerné. Maintenant, je vais vous dire, arriver à une telle qualité dans les rapports est impossible pour celui qui oeuvre seul. Sans assistants, inutile d’y songer. Il est nécessaire de s’appuyer sur des alliés, des amis fidèles. Ces adjoints servent de tampon. De tampon mais aussi de courroie de transmission. Ils relayent des impressions. Des instantanés. En tenant compte des idées qui circulent et qui me reviennent via leur canal, je valorise les joueurs en tenant compte des remarques formulées à mes aides de camps.

Seriez-vous en passe de devenir le Guy Roux du basket belge?

Belle comparaison! La fidélité me tient à coeur. Je dois juste veiller à ne pas faire l’année de trop. Pour l’instant pas de soucis. J’ai une pêche identique à celle qui m’animait lors de ma première année chez les Spirous. Le jour où, sur l’autoroute, je trouverai le chemin reliant Waremme à Charleroi bien long, j’arrêterai. Ce sera le signal. J’espère juste qu’alors, je resterai l’ami d’Eric Somme.

Ce n’est pas pour demain puisque vous venez de passer un accord portant sur un nouveau bail de trois ans.

Effectivement. Nous avons fait comme toujours. Petite discussion. Tape dans la main. En avant. J’avais encore un an. Nous y avons ajouté une rallonge de deux. Si ce contrat moral devait être rompu, je suis convaincu que nous trouverions un arrangement cohérent qui contenterait les deux parties. Mais il n’y a pas de raison de penser à cela.

Daniel Renard.

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