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Construction en Leko

Bruges a décidé de s’écrire une nouvelle histoire. Ivan Lekol’a entamée dans un 3-4-3 qui affiche plusieurs limites, mais semble pourtant inévitable. Explications.

Parce qu’il demande une réflexion supplémentaire sur les déplacements, que ce soit avec ou sans le ballon, le 3-4-3 est un système de jeu difficile à enseigner rapidement. Hein Vanhaezebrouck, pourtant référence lorsqu’on évoque ce schéma à l’intérieur de nos frontières, n’a-t-il pas rangé son occupation de terrain fétiche au vestiaire l’hiver dernier, quand Yuya Kubo et Samuel Kalu ont débarqué à Gand ? Il fallait alors faire des résultats au plus vite, et le coach des Buffalos est allé les cueillir dans un 4-2-3-1 plus classique, le temps que ses nouvelles recrues s’imprègnent du 3-4-3.

La tâche d’Ivan Leko est donc conséquente. Le Croate a décidé d’installer ses hommes à partir d’une défense à trois, une voie que Michel Preud’homme empruntait seulement  » à réaction « , quand il fallait répondre au jeu gantois par des prises en charge individuelles et musclées. Le football de MPH cherchait le contact – ce qui se voit encore dans l’attitude de certains joueurs – celui de son successeur le fuit.

Leko n’envisage pas une seule seconde cette adaptation permanente au jeu de l’adversaire, qui était la marque de fabrique de son prédécesseur. Il n’est pas non plus l’homme d’un seul système de jeu, comme il l’a déjà prouvé la saison dernière à Saint-Trond. Son choix pour la difficile voie du 3-4-3 repose sur autre chose : la mise en évidence des qualités des joueurs majeurs de son noyau, et l’absence de profils incontournables pour envisager les choses autrement.

LE ROI LIOR

Privé de l’implication de José Izquierdo, en attente d’un transfert, le staff brugeois espère toujours voir débarquer dans la Venise du Nord un matchwinner aussi déterminant que le Colombien dans les trente derniers mètres. D’ici là, c’est Lior Refaelov qui bénéficie du statut de key-player, dont les qualités sont mises en évidence par le jeu brugeois. Une habitude chez Leko, qui avait déjà installé un système à deux attaquants la saison dernière au Stayen pour sublimer les atouts de Yohan Boli, incontestablement le Trudonnaire le plus décisif avant la trêve hivernale.

Théoriquement installé sur le flanc droit, l’Israélien se déplace systématiquement vers l’axe, et libère le couloir pour les sprints de HelibeltonPalacios. Refa fait alors parler sa vista, et exploite la pointe de vitesse d’Emmanuel Dennis, mis sur orbite par le maître du jeu brugeois pour ouvrir le score face à Basaksehir. Accompagné par Ruud Vormer et Palacios, c’est aussi Refaelov qui offre à Bruges son triangle le plus abouti dans les combinaisons, permettant ainsi à une équipe qui manque cruellement de dribbleurs rapides de faire des différences sur les côtés.

Le problème, c’est que ce jeu à trois s’active trop souvent à hauteur de la ligne médiane, et rarement dans les trente derniers mètres. La faute, notamment, au manque d’audace et de qualités de Brandon Mechele en possession de balle. Le Brugeois panique rapidement avec le ballon, et préfère souvent la passe en retrait à la provocation balle au pied, pourtant indispensable pour créer le surnombre sur le flanc, et mettre ainsi en difficulté le bloc adverse.

SANS 6 ET SANS BALLON

Derrière, le choix d’un trio défensif ne sautait pas aux yeux. Mechele affiche rapidement ses limites à la construction, tandis que Benoît Poulain et Stefano Denswil ont d’évidentes difficultés à gommer leurs habitudes des années Preud’homme. Les deux hommes recourent trop rapidement au long ballon, après quelques passes latérales échangées, plutôt que de combiner méthodiquement avec leur milieu de terrain. Le football de Leko regarde énormément vers son rond central, une zone que MPH préférait éviter.

Si le coach croate a opté pour cette défense à trois, c’est à cause de l’absence d’un numéro 6 de qualité dans son noyau. Timmy Simons n’a plus les jambes pour assurer ce rôle à long terme, dans un Club où la tendance est à la reconstruction et au nouveau projet. Marvelous Nakamba, lui, n’a rien d’un milieu défensif, plus proche du profil de Vormer que de celui d’un LeanderDendoncker. Quant à Jordi Vanlerberghe, son manque de vitesse d’exécution est clairement rédhibitoire pour envisager un football ambitieux. Le jeu de jambes de Nakamba et Vormer avait pourtant besoin d’une protection, et c’est en ajoutant un défenseur central supplémentaire que Leko la leur a offerte.

La solution déclenche un autre problème. Parce que ni le Zimbabwéen ni le Néerlandais ne sont capables d’installer une possession quand ils sont mis sous pression, ils doivent souvent remettre la balle vers leur défense, dogmatisée au long ballon croisé. Impossible, donc, de mettre en place une maîtrise du ballon suffisante pour souffler après une phase de pressing. Bruges est à fond sans arrêt, et n’a pas assez d’essence dans le moteur pour appuyer sur l’accélérateur pendant toute une rencontre.

Face aux Stambouliotes, le Club a été souverain pendant une demi-heure, a fini la première période sur la réserve, et a couru sans carburant tout au long de la seconde mi-temps. Les idées de Leko ne s’envisagent pas sans cette phase de possession réparatrice, et ce Bruges privé d’un 6 de qualité n’a actuellement pas les armes pour l’installer.

 » PUSH, PUSH  »

Retranché dans son camp, Bruges a abandonné Jérémy Perbet, qui a couru après un ballon qu’il ne touchait finalement jamais face à son ancien club. Le Français n’est apparu que pendant la première demi-heure, quand le bloc installé plus haut lui permettait de combiner avec Dennis, dans un registre qu’il affectionne.

Préféré à Jelle Vossen, Perbet a montré qu’il était un presseur généreux et intelligent. La phase est presque passée inaperçue, mais c’est lui qui est à l’origine du deuxième but brugeois contre Istanbul. Au départ, il y a une passe anodine vers GaëlClichy et un cri venu du banc :  » Push, push « . Leko invite ses hommes à presser, et la course intelligente de Perbet pousse Basaksehir à la faute. Bruges récupère le ballon, et obtient un coup franc planté au fond des filets par un Stefano Denswil plus inspiré pour frapper au but que pour défendre.

Ivan Leko veut voir son équipe dans le camp adverse. Ambitieuse, avec ou sans ballon. Un football que ses hommes n’ont pas encore dans la tête, ni dans les poumons. Mais le travail de répétition acharné et minutieux commence à porter ses fruits. Face à Basaksehir, Mechele était déjà plus audacieux que contre Bilbao, quelques jours plus tôt. De quoi exposer encore plus ses limites balle au pied. Le signal que ce Bruges-là semble avoir besoin de deux choses : du temps, et des titulaires.

PAR GUILLAUME GAUTIER – PHOTO BELGAIMAGE

Le football de Preud’homme cherchait le contact, celui de Leko le fuit.

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