Bruno Govers

L’attaquant des Flandriens vise un deuxième doublé avec son Club et espère entrer dans l’histoire.

Ils ne courent pas les rues, les footballeurs qui peuvent se gausser d’avoir raflé deux doublés championnat-Coupe pour le compte d’un même club. En Belgique, seuls les Anderlechtois Paul Van Himst, Georges Heylens et, dans une moindre mesure Jean Plaskie ont réussi cette performance. Une réserve est toutefois de rigueur en ce qui concerne le dernier cité, dans la mesure où contrairement à ce qui s’était passé en 1965, année où il fut partie prenante dans les deux épreuves, le Plas avait dû se résoudre plus souvent qu’à son tour à un rôle de réserviste, sept ans plus tard, lors de la deuxième doublette.

A ce trio ou duo, c’est selon, un autre joueur est susceptible de se joindre en cette fin de saison : Gert Verheyen, l’attaquant de Bruges. Pour le compte du Club, celui-ci avait déjà mené victorieusement de front les deux compétitions en 1996. Neuf ans après, l’ancien international peut nourrir la même ambition, en ce sens que les Bleu et Noir mènent résolument le bal parmi notre élite footballistique et qu’ils ont d’ores et déjà accompli un grand pas à destination du stade Roi Baudouin en disposant par 1 à 0 du Lierse, en demi-finales aller de la Coupe.

Gert Verheyen : Sans livrer un match d’anthologie, nous avons signé un résultat très intéressant. Notre victoire 1 à 0 est étriquée dans les chiffres mais, pour avoir su garder nos filets intacts, le retour augure de bonnes perspectives. Jusqu’à présent, nous sommes toujours parvenus à inscrire au moins un but lors de chacun de nos matches à l’extérieur cette saison. Si nous poursuivons sur cette lancée au Lierse, les Jaune et Noir devront déjà inscrire trois goals pour se qualifier. Or, nous n’avons jamais concédé pareil total en une rencontre ces derniers mois. C’est pourquoi, sans vouloir atteler la charrue avant les b£ufs, je suis relativement optimiste. Et confiant aussi dans un bon dénouement en championnat. Avec l’avance qui est la nôtre, il serait dommage de se faire encore coiffer sur le fil. Nous devons ni plus ni moins viser le doublé.

Personnellement, vous aviez déjà signé cet exploit en 1996. Y a-t-il des similitudes entre ce doublé-là et celui que vous êtes susceptible de réaliser cette saison ?

En matière d’effectif, il va de soi qu’en l’espace de neuf ans, la situation a changé du tout au tout. Seuls Dany Verlinden et moi-même sommes les survivants de cette époque, même si Dan a troqué son maillot de keeper contre celui d’entraîneur des gardiens. S’il y a parallélisme, c’est surtout au plan de l’encadrement de l’équipe. En 1996, Hugo Broos en était à sa cinquième et avant-dernière saison chez nous. Cette fois, Trond Sollied présente exactement les mêmes chiffres puisqu’il est arrivé au Club en 2000 et qu’il lui reste une année de contrat au stade Jan Breydel. Preuve s’il en est qu’un groupe n’est pas nécessairement repu après des années de travail sous la coupe d’un seul et même mentor. Du moins, pas chez nous en tout cas.

Vous-même paraissez extrêmement motivé par ce double défi. Est-ce la matérialisation d’un exploit peu banal qui vous stimule ou le détachement par rapport à votre père, Jan, qui avait réalisé cette même performance en 1972 avec Anderlecht ?

Il y a longtemps que la notion de compétition a disparu avec mon paternel. En début de carrière, j’étais le fils de Jan mais, chemin faisant, c’est lui qui est devenu le père de Gert (il rit). S’il est exact que je l’ai supplanté dans bon nombre de domaines û titres, Coupes, sélections en équipe nationale û, il faut bien avouer aussi que comparaison n’est pas raison. Tout d’abord, j’ai eu la chance, comparativement à lui, d’évoluer dans deux des trois ou quatre plus grands clubs du pays, à Anderlecht d’abord, puis au Club Bruges, alors que lui-même n’a joué au sommet qu’au Sporting. D’autre part, sur le plan international, les rendez-vous sont beaucoup plus fréquents aujourd’hui qu’à son époque. Il est donc logique que je l’aie distancé. Bien sûr, je pourrais encore me distinguer par rapport à lui en inscrivant à mon nom un deuxième doublé alors que lui-même n’en a connu qu’un. Mais c’est un détail qui relève pour ainsi dire de l’anecdote. Personnellement, mon envie est surtout liée à l’âge. J’ai près de 35 ans, aujourd’hui, et je mesure bien sûr mieux que quiconque que je n’aurai plus…36 occasions de parapher semblable prestation. C’est pourquoi j’en veux tout particulièrement sur un terrain et que je me dépense sans compter pour arriver à mes fins.

Une régularité de tous les instants

Après une moindre passe marquée par des points précieux perdus contre Genk, Lokeren et le Standard, le Club aura par deux fois joué gros jeu dernièrement face au même adversaire : La Louvière, qui s’est dressée sur votre route tant en championnat qu’en Coupe. Vous aviez invariablement donné le bon exemple dans ces circonstances en menant vos coéquipiers à la victoire par le biais de buts et d’assists. Entendu que ces mêmes Loups ont coupé l’élan d’Anderlecht, est-ce au Tivoli que le titre s’est joué ?

Oui et non. Le championnat est une épreuve de longue haleine où chaque unité est précieuse. Le Sporting a subi un coup d’arrêt dans le Centre, alors qu’il était en pleine euphorie mais, à l’analyse, les trois points qu’il a perdus sur son terrain face à Ostende pèsent, à mon sens, d’un poids autrement plus lourd dans la balance. A notre niveau, l’important n’est pas de réaliser une perf face à un rival direct mais, plutôt, d’afficher une régularité de tous les instants. Et, à cet égard, sans jeu de mots, Bruges est bel et bien… constant (il rit). A l’analyse, il appert que nous n’avons gagné jusqu’ici qu’un seul match au sommet : lors de notre déplacement au Standard, au premier tour. Pour le reste, nous avons toujours perdu des plumes, que ce soit contre Anderlecht ou Genk. En revanche, aucun de nos concurrents n’a affiché la même maîtrise face à tous les autres sociétaires de notre élite. Les chiffres l’attestent puisque nous avons accumulé, grosso modo, autant de succès à domicile qu’en déplacement et que notre average est pour ainsi dire le même.

Vous-même en étiez à 11 buts et autant d’assists avant la venue du Germinal Beerschot le week-end passé. Dans votre cas aussi, on peut parler de régularité.

Sans vouloir me pousser du col, je suis satisfait de ma saison. J’ai joué jusqu’ici à un niveau honorable, sans excès dans un sens comme dans l’autre. A l’image de l’ensemble de l’équipe d’ailleurs, puisque nous n’avons pas vraiment connu de hauts et de bas. Par le passé, il nous est arrivé à l’une ou l’autre reprises de galvauder un précieux acquis suite à une cascade de mauvais résultats, au sortir de l’hiver notamment. Cette fois, nous avons nettement mieux limité les dégâts. C’est une question de maturité, sans doute. La plupart des composantes de l’équipe, comme Timmy Simons, Philippe Clement, Olivier De Cock voire moi-même, sommes dans la fleur de l’âge. A force de jouer ensemble depuis pas mal d’années, nous savons aussi comment réagir, aussi bien dans la félicité que dans l’adversité. Il y a tant de discipline et d’autodiscipline dans cette équipe qu’à la limite, nous n’aurions même pas besoin d’entraîneur pour nous coacher. Même si Trond Sollied ne manque évidemment pas de mérite non plus.

Vous n’avez pas toujours été son plus farouche partisan. Pourtant, la trentaine entamée, n’avez-vous pas disputé les meilleures années de votre carrière sous ses ordres ?

Je n’ai pas à me plaindre mais même si la dernière impression est favorable, elle ne doit tout de même pas occulter non plus la bonne période que j’ai vécue ici avec Hugo Broos. J’étais quand même performant aussi, à ce moment (il rit). Reste que si je suis toujours vaillant de nos jours, je le dois sûrement pour une bonne part à l’entraîneur actuel. Le Norvégien est un orfèvre au plan du dosage du travail et son approche n’est pas sans expliquer ma bonne condition. Je me sens bien dans ma peau et dans ma tête, c’est l’essentiel à mon âge.

Tête de Turc

Bien dans votre tête, dites-vous. Est-ce à dire que vous digérez sans peine les quolibets de la foule ? Car en déplacement, vous êtes régulièrement la tête de Turc des fanas locaux.

A la longue, je m’en suis fait une raison. Je ne sais pas pourquoi les gens me prennent en grippe mais heureusement, leur attitude n’a que peu d’incidence sur mon niveau de jeu. De là à dire que leur conduite m’incite à me surpasser, il y a quand même une marge. Détrompez-vous, je ne puise pas dans ces injures et autres quolibets des motifs de me sublimer. Mon seul credo, ma seule motivation, c’est le plaisir. Je n’hésite pas à dire que j’éprouve toujours autant de satisfaction de nos jours qu’à la lointaine époque de mes débuts au Lierse, à 17 ans. Mais, je le concède, ce qui a changé pendant tout ce temps, c’est le regard des suiveurs à mon propos. L’agressivité verbale prend parfois des dimensions insoupçonnées, et je le déplore. Curieusement, j’ai déjà remarqué souvent que les gens sont plus sympas avec moi de l’autre côté de la frontière linguistique. En Flandre, on me jalouse, mais en Wallonie, on me respecte. A l’occasion d’une sortie en famille, dans les Ardennes, j’ai été abordé un jour par un Liégeois qui m’a dit : -Monsieur Verheyen, j’ai beau être supporter du Standard, je vous félicite pour ce que vous avez fait avec les Diables et à Bruges. Désolé, mais je n’ai jamais eu droit à un tel compliment lors d’une balade à Gand ou Anvers.

A propos des Diables, justement, on dit que vous avez laissé un vide qui n’a jamais été comblé sur le flanc droit.

C’est un constat qui ne laisse pas indifférent. Mais je ne peux m’empêcher de penser que les gens ont souvent la mémoire courte. Car à l’époque où je faisais partie de l’équipe nationale, on évoquait déjà, par intermittences, ce problème de déséquilibre entre les deux flancs. Il n’y a donc rien de neuf sous le soleil.

Certains ont crié au fou quand, à près de 32 ans, le Club vous a proposé un nouveau contrat de cinq ans. Comment expliquer que vous êtes toujours resté incontournable malgré la concurrence de gars parfois plus doués comme Andres Mendoza ou Khalilou Fadiga ?

Tout simplement parce que je ne m’avoue jamais vaincu. C’est dans ma mentalité. Il y a eu une époque où nous étions huit pour trois places à pourvoir aux avant-postes. A aucun moment, je ne me suis toutefois dit : -Aïe aïe Gert, tu n’as aucune chance contre celui-là. Au contraire, je me suis toujours fait la réflexion que c’est eux qui étaient à plaindre.

Bientôt 35 ans, c’est un âge respectable pour un attaquant. Que vous réserve l’avenir ? Allez-vous reculer dans le jeu ?

Il ne serait pas anormal que je descende d’un cran un jour. Demi droit, pourquoi pas ? Mais je ne me vois pas terminer ma carrière dans une position plus reculée, au back. Je ne me sens bien que lorsque je peux humer la surface de réparation. Pas la mienne, mais celle de l’adversaire (il rit).

Bruno Govers

 » EN FLANDRE, ON ME JALOUSE. En Wallonie, on me respecte  »

 » A la limite, nous n’avons PAS BESOIN D’ENTRAîNEUR pour nous coacher  »

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