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CONQUÉRANT DE L’IMPOSSIBLE

Il a marqué dans le derby milanais, leclasico espagnol et, dernièrement, dans le clash de Manchester. Il a conquis des titres partout où il est passé. A près de 35 ans, Ibra relève aujourd’hui un ultime défi : rendre à United sa splendeur passée.

Un maillot jaune au dossard dix est accroché au grillage. Zlatan Ibrahimovic recule. Malmö est encore endormie mais il comprend que la magie est née ici, entre les immeubles pour ouvriers de Rosengard. C’est ici que tout a commencé pour lui.

Deux pieds, du caractère et un ballon. Il n’en faut pas plus pour conquérir le monde, apparemment. Il n’a découvert le centre de sa propre ville qu’à seize ans. Né d’immigrés, il vivait dans un monde étriqué avant de déployer ses ailes. Ensuite, il est venu, il a vu, il a vaincu mais, surtout, il est resté lui-même. Unique. Parfois impossible, parfois désarmant, souvent insaisissable.

A l’issue de son dernier match, contre la Belgique, à Nice, un de ses sponsors lui a offert une vidéo de quatre minutes. On l’a visionnée trois millions de fois en deux mois. A la fin, la tenue du Suédois est fixée à la grille du terrain qui porte son nom depuis dix ans, là où, gamin, il s’initiait aux mystères du ballon rond.

Son âme, son passé, son football sont ici, à ce qui s’appelle maintenant ZlatanCourt. Il a financé la clôture et affirme en être plus fier que de tout ce qu’il a gagné. C’est excessif mais c’est quand même ici, durant des heures d’insouciance que le joueur phénoménal s’est formé. Un écriteau annonce :  » Ici est mon coeur, ici est mon histoire, ici est mon jeu. Transmettez-le. Zlatan. « 

Sur le maillot, une dernière phrase : là où s’achève un chapitre commence un nouveau.

Il est, aujourd’hui, le visage d’un des plus grands clubs du monde et rend à United le fear factor disparu avec Sir Alex Ferguson. Grâce au réseau de José Mourinho mais aussi à son légendaire numéro neuf. Dans le tunnel, Ibrahimovic regarde droit devant lui, sans crainte ni doutes. Il est le gladiateur qui défie la mort et rayonne d’immortalité en pénétrant dans l’arène. Il communique ce sentiment à ses coéquipiers.

Mourinho savait ce qu’il faisait en l’embauchant, dans un environnement où il ne compte que des ennemis : Zlatan est son bouclier, sa voix. Un footballeur que tout le monde admire. Il a le charisme d’un champion mais pas son comportement. Il a appris en Italie ce que signifiait le sport de haut niveau, notamment en regardant Pavel Nedved. Il ne fait pas de concessions à son identité. Zlatan est resté lui-même, une star inadaptée à son milieu. Il dit ce qu’il veut, fait ce qu’il veut, marque quand il veut. Parce qu’il en a envie. En apparence du moins.

DE FOOTBALLEUR DES GHETTOS À DIEU

Ses déclarations à la presse sont authentiques parce qu’il est imprévisible. Il joue le jeu, dirige l’entretien, provoque et, en plus, a le sens de l’humour et une bonne touche d’assurance. Ses interviews spéciales ont encore décuplé sa popularité. Il y a ainsi cette interview à une chaîne télévisée suédoise il y a quelques années :

Le journaliste :  » Qui va gagner les play-offs pour le Mondial ?  »

Zlatan :  » Seul Dieu le sait.  »

Le journaliste :  » Je peux difficilement lui poser la question.  »

Zlatan :  » Comment ça ? Vous êtes en train de le regarder.  »

Ça semble mégalomane mais c’est sa façon d’indiquer que la question ne lui plaît pas. Il pourrait se taire mais non. Il se permet ce qui lui vient à l’esprit. Il ne se maîtrise pas toujours. Du temps de l’Ajax, il disait ainsi :  » Je suis le footballeur des ghettos, qui s’est battu pour arriver, sans aide. Les déclarations dingues et les écarts font partie du lot.

Après le match contre l’AZ, on m’a félicité : – Quel but fantastique, Zlatan. Pour rigoler, j’ai répondu : – Ça n’est pas trop mal ? C’est un clin d’oeil, évidemment. J’ajoute que c’est en effet un but spécial dont l’équipe et moi sommes contents. Mais vous imaginez ce qu’on fait de ce genre de déclaration…  »

Marco Verratti a raconté comment Ibrahimovic s’était adressé à son entraîneur avant un match contre l’Olympique Lyon. Carlo Ancelotti semblait tendu.  » Croyez-vous en Jésus ? « , lui a-t-il demandé.  » Oui « , a répondu l’Italien. Et Zlatan de conclure :  » Bien, alors croyez en moi. Relax.  » C’est son sens de l’humour, sa façon de communiquer, avec un ego surdimensionné.

A l’Ajax, il n’était pas encore un conquérant. Il ne savait même pas ce que représentait le football. Quand Ronald Koeman, l’entraîneur, lui demande de centrer au lieu de chercher à réaliser une action, Ibrahimovic a répondu :  » Si je m’étais contenté de ça à Malmö, je jouerais toujours en Suède.  »

Pour lui, le football était avant tout un plaisir. Il voulait montrer à quel point il était incroyable, quel bagage technique il possédait malgré sa taille élevée. Ce n’est qu’après avoir quitté Amsterdam qu’il a réalisé que son talent devait être accompagné de buts et de prix s’il voulait atteindre le sommet.

UNE GARANTIE DE TITRES NATIONAUX

Le Suédois a réussi. On pourrait tapisser un palais tout entier avec son palmarès. Zlatan est apparemment une garantie de titres nationaux et il chérit toutes les coupes comme des trophées de guerre. Sa mentalité est certainement une source d’inspiration pour le noyau de Manchester United, de la même façon qu’à Turin, ses coéquipiers de la Juventus lui ont injecté leurs gènes de vainqueurs. Ils lui ont appris à apaiser sa faim en restant affamé.

C’est pour ça que, depuis quelques années, chaque prix remporté a une place particulière dans sa maison. A titre de souvenir, de motivation. Il a déclaré à ce propos :  » Quand on a mon talent, le succès est un choix. Si on travaille dur, le succès suit. Tôt ou tard. Dans mon cas, il est arrivé tôt et il ne m’a pas tourné le dos car j’ai continué à travailler d’arrache-pied. J’ai toujours eu l’ambition d’être le meilleur partout.

Donc, quand quelqu’un était rapide, je voulais aller encore plus vite. Si quelqu’un dribblait bien, je voulais faire mieux. Si quelqu’un marquait beaucoup, je devais le surpasser. Et si quelqu’un avait un superbe jeu de tête, je mettais tout en oeuvre pour l’obtenir. Même quand un aspect ne faisait pas partie de mes qualités, mon objectif était de le transformer en atout.  »

Cette volonté a fait de lui un avant complet. Zlatan est hors-catégorie, un maître en plusieurs disciplines. Il est capable de tout. Presque tout. Il a marqué de toutes les manières possibles : de loin, de près, de la tête, d’un crochet, de la pointe du pied, du talon, du point de penalty, sur coup franc… En outre, avec Cristiano Ronaldo, il est le seul à avoir marqué à toutes les minutes d’un match.

 » Je mesure près de deux mètres mais je suis capable de dribbler et de changer de direction comme si je ne faisais que 1m60 « , a-t-il déclaré il y a quelques années.  » Je pense que je dois ces actions spectaculaires à la pratique des arts martiaux dans ma jeunesse. De 12 à 18 ans, je m’y suis adonné en plus du football. Ça m’a rendu très souple.  »

Son haut fait technique ? Son retourné acrobatique à Stockholm, durant un match amical contre l’Angleterre. Qui d’autre aurait cru possible de réaliser ça à 25 mètres du but ? C’est de la fantaisie, de l’audace, la liberté totale sur un terrain. Tous les systèmes vidéo sont impuissants face à une action pareille. La plupart des footballeurs auraient contrôlé le ballon et, peut-être, tiré. Il a fait ce à quoi nul ne s’attendait.

 » Pourtant, j’ai immédiatement su que le ballon allait rentrer. Je croyais en moi « , a-t-il récemment expliqué à propos du but qui lui a valu le FIFA Puskas Award 2013. C’est d’ailleurs bizarre : le but a été marqué en 2012, mais juste trop tard pour être repris dans les suffrages de cette année.

GLADIATEUR, SON FILM PRÉFÉRÉ

Il est dominateur mais surtout différent. Petit, il ne regardait pas la télévision suédoise. Son père bosnien et sa mère croate se sont séparés quand il avait deux ans. Avec sa soeur et son petit frère, il mangeait ce qu’il y avait, le soir. Ibrahimovic a confié qu’il en avait conservé l’habitude de toujours avoir un frigo bien rempli. A Malmö FF, tous ses coéquipiers avaient un nom qui finissait en -son.  » J’étais à part « , a-t-il raconté il y a trois ans au magazine allemand Der Spiegel.

 » Mon entraîneur voulait que je joue au service de l’équipe, que je délivre des passes simples. Que je coure plus aussi. Moi, je pensais : fuck you ! Si je peux passer trois hommes, je le fais. Je ne serai jamais un vrai Suédois. Pourquoi donc jouerais-je comme un Suédois ? L’entraîneur m’a souvent remplacé. Mes coéquipiers avaient la vie plus facile : ils étaient blonds, ils jouaient en fonction de l’équipe et ils couraient beaucoup. Ça me fâchait. c’est ce qui a fait de moi le joueur que je suis.  »

Cette rage lui a donné de l’énergie. Jusqu’à nos jours. Il veut faire ses preuves, plus encore quand on le défie. Le slalom qu’il a réalisé à l’ArenA d’Amsterdam, se jouant des défenseurs du NAC un par un, est un des plus beaux buts de l’ Eredivisie en 60 ans mais aussi un cri. Un cadeau aux gens qui avaient douté de lui. Récemment, il a twitté : I need new haters, the old ones became my fans. Traduction :  » J’ai besoin de nouveaux haïsseurs. Les anciens sont devenus mes fans.  »

Avis aux défenseurs chargés de neutraliser Zlatan Ibrahimovic : surtout, ne le provoquez pas. Encore faut-il avoir l’audace de le faire. Moustapha Bayal Sall s’y est essayé une fois en Ligue 1. Le défenseur de Saint-Etienne a donné une tape dans le dos du Suédois et lui a dit en riant qu’il n’aurait pas l’ombre d’une chance. Zlatan l’a regardé en souriant et a répondu qu’il demanderait son remplacement quand il aurait inscrit trois buts.

L’avant a marqué le premier peu avant la pause. Le deuxième a suivi à l’heure et le troisième est survenu dix minutes plus tard. Bayal Sall, ridicule, a vu Ibrahimovic se diriger vers la touche après son hat-trick. Une mise en scène quasiment sadique. Au Spiegel :  » Il n’est pas facile de se motiver tous les jours. Il m’arrive de me lever le matin en pensant, fuck, je dois encore jouer. Heureusement, je me remonte assez vite, même pour des futilités.  »

Regardez-le bien, à quelques minutes du coup d’envoi. La poitrine en avant, le regard fixé au loin, concentré. Ibrahimovic a comparé ce moment à une scène de Gladiateur, son film préféré.  » Un moment donné, l’empereur monte dans l’arène et demande au gladiateur d’ôter son masque. Celui-ci obtempère et dit alors : – Mon nom est Maximus Decimus Meridius. Je me vengerai, dans cette vie ou dans la suivante.

C’est comme ça que je me sentais ou que je voulais me sentir. Je voulais faire face au reste du monde et montrer qui je suis vraiment à tous ceux qui ont douté de moi. Je ne pouvais pas imaginer quelqu’un me freiner.  »

PAR SÜLEYMAN ÖZTÜRK – PHOTOS BELGAIMAGE

 » J’ai toujours eu l’ambition d’être le meilleur  » ZLATAN IBRAHIMOVIC

 » J’ai besoin de nouveaux haïsseurs. Les anciens sont devenus mes fans.  » ZLATAN IBRAHIMOVIC

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