Congo Belge

Parmi les 23 internationaux congolais convoqués le 9 février dernier contre le Gabon, neuf évoluaient ou ont joué en Belgique.

Le 9 février à Mantes-la-Ville, dans la grande banlieue de Paris, le Congo a disputé une rencontre amicale face au Gabon (défaite 2-0) sans ses internationaux évoluant au pays, principalement dans les trois grands clubs (Tout Puissant Mazembe de Lubumbashi, Motema Pembe et Vita Club de Kinshasa). Ceux-ci participaient au Championnat d’Afrique des Nations (CHAN), épreuve réservée aux joueurs non expatriés organisée au Soudan. Robert Nouzaret, le sélectionneur des Léopards, a donc fait appel aux joueurs évoluant à l’étranger.

Pour le Français et son adjoint congolais, Muntubile Santos, l’occasion était donc belle de ratisser large : histoire de voir un maximum de candidats à l’£uvre en vue de la rencontre de fin mars avec l’Ile Maurice dans le cadre des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations.

Ce vaste tour d’horizon aura été profitable à bon nombre de Belgicains. En effet, parmi les 23 étrangers retenus contre le Gabon, on relevait cinq éléments évoluant chez nous ( Marcel Mbayo, Tsholola Tiko et Benjamin Mokulu de Lokeren, Andréa Mutombo de Saint-Trond et MatumonaZola de Mons) plus quatre autres avec un passé en Belgique : Yves Ma-Kalambay (ex-Anderlecht, actif à Swansea, au Pays de Galles à présent), Mike Mampuya (ancien de Genk et du Lierse, aujourd’hui à Doxa Katokopia à Chypre), Joachim Mununga (passé du FC Malines au Genclerbirligi Ankara au cours du dernier mercato) et Landry Mulemo, qui a quitté le Standard l’été passé à destination d’un autre pensionnaire de l’élite turque : Bucaspor.

Tous n’ont pas le même vécu en équipe de RDC. Si Mbayo et Zola font figure d’anciens, Mununga, qui a opté pour le Congo malgré un passé de Diablotin, a encore tout à découvrir. Et l’avenir dira si le même cas de figure sera d’application pour Ma-Kalambay et Mutombo, sélectionnés pour la première fois lors de cette rencontre pour du beurre mais qui restent indécis quant à leur orientation future.

Marcel Mbayo, le papy des Léopards

A près de 33 ans, il a été repris pour la première fois en vue de la CAN 1998 et a participé aux phases finales de cette épreuve en 2002, 2004 et 2006. Le Lokerenois compte 43 sélections et 5 buts : « Quand j’ai débuté au Burkina Faso en 98, l’entraîneur était un compatriote, Iloyo Watunda. Le joueur le plus réputé du onze de base s’appelait Roger Hitoto et jouait à Lille. Du gardien Nikombe Tokala au fer de lance Epotele Bazamba, les autres étaient tous d’illustres inconnus. Le contraste était grand entre notre effectif, composé essentiellement de joueurs évoluant au Congo et les autres nations, dont les meilleurs jouaient déjà tous, à l’une ou l’autre exception près, en Europe. Comme les Camerounais Jacques Songo’o, Rigobert Song et Marc-Vivien Foe, les Ghanéens Abedi Pelé et Samuel Kuffour ou les Ivoiriens Cyrille Domoraudet Bonaventure Kalou. On avait terminé troisièmes de cette compétition, après l’épreuve des tirs au but, face au pays organisateur. Par après, nous avons toujours répondu présents à ce stade jusqu’en 2006, en atteignant encore les quarts de finale en 2002 face au Sénégal. Cette année-là, nous n’avions qu’une seule véritable vedette, Lomana Lualua, qui jouait à Newcastle. Une fois encore, le décalage était grand avec notre adversaire qui comptait déjà pas mal de noms à l’étranger. Comme le gardien Tony Sylva ou les attaquants El Hadj Diouf et Khalilou Fadiga. Si nous avons été performants, c’est parce que nous avions tous envie de nous mettre en valeur. C’est ce qui m’est arrivé, comme à Jean-Paul Boeka Lisasi : nous nous sommes retrouvés à Lokeren à la fin des années 90. D’autres nous ont imités ensuite en prenant la direction de la Belgique ou de la France et nous avons eu de plus en plus d’expatriés. En principe, la sélection aurait dû aller de l’avant mais, au contraire, elle est rentrée dans le rang.  »

Matumona Zola rêve d’un renouveau

Né dans l’ex-Zaïre, Zola (29 ans) n’a qu’un grand rendez-vous à son actif : la phase finale de la CAN 2006, en Egypte. Depuis, la RDC a toujours été absente du plus prestigieux rendez-vous continental.

 » La situation politique instable a eu des répercussions sur l’équipe. L’organisation faisait défaut et lors des rassemblements, les joueurs n’avaient pas toujours la tête au football. La plupart des professionnels actifs en Europe devaient payer eux-mêmes leur déplacement et le remboursement se faisait souvent attendre. Sur place, ils étaient confrontés à des joueurs actifs au pays et qui leur réclamaient de l’argent, sous prétexte qu’ils n’étaient pas aussi nantis. Dans ces conditions, il n’était pas toujours facile de faire la part des choses. Et certains, lassés par cette situation, ont fini par décrocher. Comme Roger Lukaku notamment. On ne sera pas étonné si ses fils Romelu et Jordan privilégient la Belgique. Il y a eu pas mal de cas semblables ces dernières années, malheureusement. Si le Congo avait pu compter sur tous ceux qui entraient en ligne de compte pour défendre ses intérêts, les Léopards n’auraient pas connu une période creuse entre 2006 et 2010. Trop de joueurs lui ont échappé pendant cette période. Des gars comme Vincent Kompany et Anthony Vanden Borre ou le Français Gaël Kakuta et le Portugais José Bosingwa. Le cas du Congo est comparable à celui du Maroc : les Lions n’ont plus rien réalisé de bon ces dernières années mais leur avenir est à nouveau prometteur, dans la mesure où pas mal de joueurs originaires de ce pays optent pour lui. La preuve avec Mehdi Carcela. Je m’attends à un renouveau pour le Congo également.  »

Joachim Mununga, le converti

Né en 1988 à Ottignies-Louvain-la-Neuve et repris régulièrement dans les différentes sélections de Diablotins, Mununga fut même du voyage avec les Diables Rouges à la Kirin Cup au printemps 2009. Approché par le Congo, il a décidé de dire oui et a disputé son premier match contre le Gabon. Même s’il pourrait toujours virer de bord avant le prochain match officiel des Léopards, son choix est arrêté.

 » Mon c£ur a longtemps balancé. D’un côté, il y avait le pays où toute ma famille a ses racines. De l’autre, la nation où j’ai grandi et qui m’a donné l’occasion de me faire un nom, aussi bien au FC Malines qu’au sein des différentes équipes nationales. Georges Leekens, m’avait quand même appelé dans le noyau élargi pour la Russie. Le Congo s’était manifesté un peu plus tôt, dans le cadre d’un match amical contre le Mali, mais j’avais demandé un temps de réflexion. Finalement, c’est lors d’un échange de vues avec le staff technique, cet hiver, que j’ai été conquis. Le football est en plein essor en RDC, comme le prouve la double victoire finale du Tout Puissant Mazembe en Ligue des Champions d’Afrique en 2009 et 2010. Et de plus en plus de joueurs évoluent dans des championnats de haut niveau. C’est le cas d’ Hérita Ilunga (West Ham) et du capitaine des Léopards, Youssouf Mulumbu (West Bromwich Albion). La sélection compte aussi Larrys Mabiala à Nice, Cédric Mongongu à Monaco et André-Joël Sami à Nancy. Sans oublier Dieumerci Mbokani à Wolfsburg. Et on fait tout pour que les internationaux se retrouvent dans les meilleures conditions. La fédération et l’Etat débloquent les fonds nécessaires au confort des joueurs. Le président Joseph Kabila s’érige en généreux donateur. Il est le premier supporter des Léopards. Certains prétendent que si j’ai opté pour le Congo, c’est parce que les perspectives y étaient meilleures que chez les Diables, la concurrence y est forte. Si Leekens a songé à moi pour la Russie, c’est que je possède tout de même des qualités aussi, non ? C’est le choix du c£ur qui l’a emporté…  »

Yves Makalambay bientôt décidé

Il a joué au goal, chez les Diablotins, depuis les moins 16 jusqu’en catégorie Espoirs. L’été passé, Yves a défendu pour la première fois les couleurs du Congo lors d’une rencontre amicale face à l’Arabie Saoudite (défaite 2-0). Sélectionné ensuite face au Mali (revers 3-1), il en était à son troisième match contre le Gabon mais, à 25 ans, il se pose toujours des questions quant à son avenir.

 » Si j’ai répondu à l’appel du Congo il y a quelques mois, c’était en hommage à mon père, Jean-Pierre, décédé quelques semaines plus tôt, le 10 avril 2010. Il a beau m’avoir toujours soutenu avec les sélections belges, il a souvent rêvé de me voir jouer pour les Léopards. C’est pourquoi je n’ai pas hésité lorsqu’on m’a convoqué pour ces matches. Leur caractère amical n’avait aucune incidence sur mon avenir. Il en ira différemment lors de la rencontre face aux Mauriciens. A cette occasion, il faudra opérer un choix et je reste partagé. D’un côté, j’ai sans doute une bonne carte à jouer avec les Léopards : j’y fais partie du top 4 des gardiens au côté de Parfait Mandanda, Robert Kidiaba et Nicaise Kudimbana. En Belgique, je suis loin du compte. Leekens y a l’embarras du choix et il me paraît difficile de m’y faire une place au soleil. Reste que si je fais un choix, c’est pour la vie. Et les conseils vont dans les deux sens. Chaque semaine, j’ai Kompany au téléphone qui me dit de bien réfléchir. Il aimerait que j’opte pour la Belgique, comme lui. Mais si je veux me mettre en valeur avec une équipe nationale, j’ai plus de chance d’y parvenir avec le Congo. Je vais encore bien mesurer le pour et le contre dans les semaines à venir et ferai un choix définitif fin mars.  »

Andréa Mutombo pense au cas Tchité

Prêté par le Standard à Saint-Trond cette saison, Mutombo a disputé ses premières minutes pour le Congo contre le même Gabon, Andréa (20 ans) ne se met pas la pression.

 » Le Congo reste très spécial pour moi. J’y suis né et, à deux reprises, j’ai eu l’opportunité de retourner visiter le reste de la famille, à Kinshasa. Le football a toujours été un point sensible pour nous, en ce sens que mon oncle, qui n’est autre que le père de Pelé Mboyo, était le président du Vita Club local. Inutile de préciser qu’en raison de nos trajectoires respectives, on nous pousse tous deux à opter pour le Congo. S’il y avait eu l’un ou l’autre désistement pour ce match contre le Gabon, mon cousin aurait d’ailleurs fait figure de suppléant. Pour lui, le choix est donc imminent aussi. Mais nous ne nous mettons pas la moindre pression. Si d’aventure il choisit de rallier le Congo ou la Belgique, je ne vais pas nécessairement l’imiter. Si la Belgique peut nourrir des ambitions au cours des années à venir, le Congo aussi. Malgré l’absence d’une demi-douzaine d’internationaux du Tout Puissant Mazembe, l’équipe a fait plus que bonne figure face au Gabon au complet. Il y a manifestement de la qualité chez les Léopards et régulièrement des noms s’ajoutent. Le dernier en date, c’était Mununga, pas le premier joueur venu. Si un gars de sa trempe choisit le Congo, je suis sûr que d’autres voudront lui emboîter le pas. Et peut-être moi aussi, qui sait ? Mais il faut que cette décision soit mûrement réfléchie car après, il sera trop tard. Mémé Tchité est bien placé pour le savoir !  »

PAR BRUNO GOVERS – PHOTOS: REPORTERS / ICON SPORT – CUCHIETTI

 » Si la Belgique peut nourrir des ambitions au cours des années à venir, le Congo aussi.  » (Andréa Mutombo)

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