Condamné à mort

Pol Toletti (66 ans), Gembloutois d’origine, joua au foot au Wallonia Namur, jusqu’en Promotion. Il fit parallèlement une carrière intéressante en tennis de table, évoluant même en D3 nationale. Il mit fin à la pratique intensive du sport lorsqu’il s’engagea comme militaire de carrière en Allemagne.

A la fin des années 50, il entre dans la légion étrangère. « Un coup de tête consécutif à mon divorce », dit-il. Il se retrouve ainsi dans l’enfer de la guerre d’Algérie. La légion souhaite que ce pays reste soumis à la France. Les Algériens arrachent finalement leur indépendance avec la bénédiction du Général de Gaulle. Le bataillon de Pol Toletti cesse alors d’exister. Plusieurs de ses membres intègrent les rangs de la redoutable OAS (Organisation de l’Armée Secrète), qui continue à combattre pour une Algérie française et entend faire payer cher à de Gaulle sa décision de libérer les Algériens. Un attentat est organisé par l’OAS et Pol Toletti y participe activement: il est chargé de signaler l’arrivée du Président français. L’attaque échoue, mais les auteurs sont démasqués. Après avoir vécu dans la clandestinité, avec de faux papiers et un look modifié très régulièrement, Toletti est arrêté sur dénonciation et condamné à mort en 1962!

« J’ai voyagé de prison en prison: La Santé à Paris, Fresnes, Clairvaux, Aix-en-Provence, Les Petites Beaumettes à Marseille, Toul, etc. Tous des établissements réservés aux détenus politiques. Nous étions un peu plus libres que les prisonniers de droit commun, dans la mesure où nous pouvions pratiquer de nombreuses disciplines sportives. Mais il n’était évidemment pas question de quitter l’enceinte de la prison. Nous étions considérés comme dangereux et on nous donnait ce qu’il fallait pour nous abrutir, nous mettre en permanence entre le sommeil et l’éveil. Les cuisiniers fourraient du bromure dans notre pain pour nous calmer. Nous avions droit au parloir rapproché quand nos femmes venaient nous voir, mais nous étions trop anesthésiés pour apprécier leurs visites. La petite Marseillaise avec laquelle je vivais au moment de mon arrestation ne venait me rendre visite que tous les quatre ou cinq mois quand j’étais emprisonné dans le Nord de la France, mais j’étais incapable de la toucher! La légion étrangère nous aidait financièrement. Elle nous faisait parvenir chaque semaine un quota de bières et de cigarettes. Ceux qui ne buvaient ou ne fumaient pas, passaient leur temps à organiser un petit trafic à l’intérieur de la prison ».

L’auteur principal de la tentative d’attentat contre le Président fut fusillé. Pol Toletti fut épargné. « Tous les jours, les gardiens entraient comme des ouragans dans ma cellule en me disant que mon tour était venu, que j’allais être transpercé de balles. Finalement, je m’en suis bien sorti. A chaque 14 juillet, je bénéficiais d’une remise de peine: condamné à mort, puis à perpétuité, à 20 ans, à 18 ans, à 15 ans. Et je suis sorti après 10 ans, 9 mois et 10 jours de taule… Je n’oublierai jamais mon retour en Belgique: des gendarmes français ne m’ont pas lâché d’une semelle dans le train qui me ramenait à Namur. Ils avaient reçu pour consigne de me faire quitter le territoire français une fois pour toutes. J’ai gardé des images terribles de mon emprisonnement. Si je n’avais pas reçu une formation militaire, je n’en serais pas sorti vivant ».

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