‘Compter jusqu’à 3! ‘

Alors qu’il se remet d’une blessure au poignet, le Courtraisien se dit prêt à revenir en Coupe Davis.

A 27 ans, Xavier Malisse sait que les mois à venir ne seront pas de tout repos car il veut revenir dans le top 50 de l’ATP et jouer au moins encore trois ou quatre saisons. Mais il ne perd pas le moral.  » L’angoisse est mauvaise conseillère « , dit-il.  » Et après la pluie vient le beau temps. C’est ce que j’ai appris ces derniers mois. Ce sport est tellement beau et je ne peux pas m’en passer. C’est pourquoi je suis très motivé à revenir : pour rapidement démontrer ce que je vaux. Y compris en Coupe Davis « .

Depuis février et deux belles victoires aux tournois de Delray Beach (USA) et de Chennai (Inde) où il avait sorti Rafael Nadal en demi-finales, le Flandrien souffre d’une tendinite au poignet droit. Une opération fut repoussée et tous les soins du joueur confiés au kiné Lieven Maesschalck. Malisse a entre-temps repris les entraînements avec des balles molles, se fait échographier toutes les semaines et espère passer aux vraies balles cette semaine.  » La prudence est de mise. J’apprends à davantage écouter mon corps. Cela n’a pas de sens de forcer. Je ne frappe pas de gros coups, mais plutôt des coups slicés, pour ne pas trop éprouver mon poignet « .

Malisse respire le calme et la sérénité. Sa popularité est intacte, car nous devons interrompre l’interview à plusieurs reprises pour lui laisser signer des autographes.

Cette blessure est survenue à un très mauvais moment, car vous teniez la forme de votre vie…

Xavier Malisse : Absolument. Physiquement et mentalement, tout était parfait. En novembre et décembre, je m’étais entraîné dur pour au moins garder mon classement ou monter un peu. J’avais de bonnes sensations. Je trouvais immédiatement les bons coups et mon meilleur tennis est revenu. La première victoire à Chennai ne tarda pas, ce qui m’a insufflé un fameux boost de confiance. L’Open d’Australie ne fut pas bon, avec une défaite précoce en 4 sets contre Arnaud Clément. Les circonstances n’étaient pas favorables : la chaleur, l’attente, etc. Je n’étais plus frais sur le court. (il grimace) Mes balles sortaient toutes. Il y a des jours comme ça où rien ne réussit. Et puis est venue la belle victoire à Delray Beach, où j’ai battu James Blake après trois sets haletants en finale. C’est dommage que ces efforts et cette énergie aient été anéantis à cause d’un stupide faux mouvement à Memphis. J’ai dû m’arrêter net car la douleur n’était pas supportable. L’impuissance qui te frappe à ce moment-là est la pire des choses.

 » Le x-man d’avant est mort et enterré  »

Après avoir reporté l’opération, vous avez demandé à Lieven Maesschalck de vous occuper de votre poignet ?

On a reporté une intervention chirurgicale d’une part parce que tous les grands tournois pointaient à l’horizon et d’autre part à cause de l’indisponibilité de trois mois qui s’ensuit. J’ai essayé la cortisone mais le mal est revenu. Le tendon de mon poignet droit est trop plat, telle est la cause. Lieven Maesschalck me fait faire des exercices simples pour renforcer le tendon, en plus des massages. C’est une méthode alternative qui semble apporter les meilleurs résultats. En fait, je suis un optimiste et quelqu’un d’assez calme et de spontané. Les gens ont souvent une fausse image de moi, due sans doute à certaines erreurs de jeunesse. Mais ce temps est révolu, le x-man d’avant est définitivement mort et enterré.

Quelle est selon vous l’explication à toutes ces blessures au poignet chez Clijsters, Flipkens, Zvonareva, Ancic, Srichapan et Murray par exemple ?

La surcharge et le dépassement de ses limites. Le tennis moderne exige beaucoup du corps, sans parfois que le joueur ou la joueuse s’en rende compte. Le calendrier très chargé fait en sorte qu’il faut être au top chaque match. Un mois de plus de récupération me semble le minimum. Repos total après l’US Open, à la mi-septembre. Parce qu’aujourd’hui, on joue déjà des exhibitions en Belgique en novembre, avant de commencer la préparation. Le nombre d’absents à l’Australian Open en est la preuve : il y a trop de tournois. Le business prend souvent l’ascendant sur l’aspect sportif.

Chez les hommes, vous êtes le seul Belge qui défend facilement sa place dans le top 50, mais vous traînez une réputation de nonchalance. Pourquoi valez-vous une place dans le top 20 ?

Ma condition physique n’était bonne qu’à 80 % pendant des années. J’ai trop longtemps tout misé sur le talent et la finesse. Ce fut une erreur. J’ai perdu facilement trois à quatre ans, malgré le fait que j’ai aisément accroché le top 50. Je ne semblais pas adapté au tennis tout en puissance. Ce n’est que les deux dernières années que j’ai repris vigueur. On n’est jamais trop âgé pour apprendre. Je suis devenu plus adulte et plus posé. La grande différence avec avant, c’est que je peux parfaitement évaluer quand l’effort prime sur le relâchement. J’ai trouvé l’équilibre entre travail dur et amusement. Sur le court aussi, je suis moins impulsif, j’essaie de contrôler mes réactions. Ces détails font la différence (il grimace). Compter jusqu’à trois, cela peut faire des miracles ! Les poussées de colère, les frustrations ne servent plus à rien dans le tennis actuel. Un autre truc qui me motive beaucoup : repenser aux beaux moments, comme ma demi-finale à Wimbledon. Un ami en Floride a réalisé un montage vidéo du plus beau tennis de ma carrière et cela m’aide aussi.

 » Je veux exercer un sport d’équipe  »

Pensez-vous déjà à la carrière post-sportive ?

De temps à autre mais je ne suis pas encore décidé. Rester dans le circuit ne me paraît pas une option réaliste. Donner des cours, très peu pour moi. Je rêvais d’ouvrir un bar lounge mais l’horeca n’est pas le meilleur secteur, hein. Mon père me le déconseille d’ailleurs. Je préférerais alors envisager deux à trois saisons de golf professionnel. J’ai actuellement un handicap de 10 et c’est une éventualité. Je suis certain d’une chose : j’habiterai et je travaillerai en Belgique, car la plupart de mes amis habitent et bossent ici. Et je veux exercer un sport d’équipe, comme le foot en salle. Depuis mes six ans, je suis supporter d’Anderlecht. L’amitié qui me lie à Olivier Deschacht m’a permis de suivre quelques matches et d’assister à la fête pour le titre de tout près. Cette explosion de joie me restera en mémoire encore un petit temps.

Vous sentez-vous à 100 % Belge ou avez-vous encore des liens avec l’Amérique ?

Mis à part la météo par moments, j’apprécie de plus en plus la douceur de vivre de notre pays. A 18 ans, la Floride fait rêver et on trouve cela fabuleux. Mais lorsque l’on réside un temps là-bas, on remarque la superficialité de la mentalité américaine. Et c’est dur de vivre avec cela. Au niveau sportif par contre, j’ai subi l’influence des USA. Chez nous, on est souvent conservateurs et focalisés sur le court terme, alors que là-bas les sportifs sont traités d’une toute autre façon. Il y règne un climat propice au sport. Ils adulent leurs héros, et se basent sur les performances. Il y a peu de place pour le dégoût.

David Felgate est-il le seul coach qui sait comment vous titiller ?

Apparemment oui. Je n’ai pas besoin d’un coach qui me corrige toutes les deux minutes. Il se concentre souvent sur les principaux points d’attention. Il ne faut pas non plus crier sur moi car j’ai tendance à devenir difficile alors. David s’occupe de monter la charpente et fait attention aux détails. Le tout dans un respect mutuel énorme, qui est la base d’une bonne collaboration  »

Coupe Davis : une réunion en septembre

Venons-en à un thème plus sensible : la Coupe Davis. Etes-vous encore candidat pour défendre nos couleurs ?

Oui, depuis l’an dernier déjà. Mais j’étais mis hors-jeu par l’action de deux autres joueurs. Je le regrette. A la longue, cela devient difficile. J’étais prêt pour un retour dans l’équipe, mais je n’ai pas été sélectionné. Dès lors, que devais-je faire ?

Julien Hoferlin constitue-t-il toujours le principal point d’achoppement ? Vous lui reprochez d’être à la fois un coach privé (celui d’Olivier Rochus) et capitaine de l’équipe de Coupe Davis ?

La commotion a commencé en France. On m’a insulté parce que soi-disant je suis sorti jusque très tard dans la nuit. Un mensonge scandaleux. Si cela s’était avéré vrai, j’aurais accepté d’en supporter les conséquences. Le problème est simple : aussi longtemps que l’équipe aligne les victoires, tout est rose mais dès qu’une défaite survient, les critiques s’accumulent. Cela a notamment empoisonné ma relation avec la fédération. Les attentes étaient trop élevées. Une demi-finale, c’est un miracle pour le tennis belge masculin. Il faut rester réaliste. En plus, l’aspect financier n’était pas non plus toujours correct. Mais pour moi c’était accessoire, je parlais et je jouais toujours pour le groupe. La dernière année, je l’ai fait pour moi parce que j’étais placé sur une voie de garage par les garçons pour lesquels je m’étais battu. Maintenant, on est un peu dans la m… Et le capitaine décide toujours qui sera sélectionné.

C’est possible sous Hoferlin ?

Mouais. Certainement. Mais je suis aussi d’avis que le coach doit être quelqu’un de neutre. Ne me comprenez pas mal : j’aime bien Julien, il est un bon entraîneur et je n’avais pas de problèmes avec lui.

Quel est alors le véritable bon choix ?

Johan Van Herck. Il est lui-même ancien joueur, il a sa propre école de tennis, y connaît un bout dans ce sport et alignera toujours les meilleurs. Enfin, ce n’est pas à moi d’en décider.

Kristof Vliegen et Olivier Rochus aimeraient bien compter sur vous en 2008 ?

En septembre, lors d’une nouvelle réunion, nous en saurons plus. Cela me dérange que je sois à nouveau absolument nécessaire à l’équipe. Lorsqu’elle gagnait, ma présence était accessoire. Je ne suis pas un jouet qu’on ramasse lorsque cela convient et qu’on jette par après.

Ils doivent d’abord présenter leurs excuses ?

Non, je souhaite avant tout davantage de clarté. D’Olivier je peux encore accepter les choses, car il a toujours disputé la Coupe Davis. Kristof, c’est autre chose et c’est un sujet plus sensible. On parle d’une période d’un an à un an et demi. C’est aussi typiquement belge. Je ne vois pas assez de respect à mon égard alors que je remarque de la jalousie. Dommage, car nous pouvons être la meilleure pub pour le tennis masculin. Je n’oublierai jamais le message que m’a donné mon ancien coach : -Mieux vaut une bonne personne qu’un bon joueur de tennis. Cette phrase, je la porterai en moi jusqu’à la fin de ma vie. l

par frederic vanheule

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