© Jan Mees

Comment monter en grade

En 2012, le Beerschot voulait réaliser un rêve : récupérer son ancien matricule, le 13, qu’il avait dû abandonner suite à sa radiation en 1999. Le projet a échoué, mais l’idée a inspiré l’Union belge et d’autres clubs. C’est ainsi qu’OHL a pu racheter, cet été, son matricule 18.

Subitement, Oud-Heverlee Louvain fait officiellement partie des 20 plus vieux clubs du pays. Cet été, la direction a annoncé qu’OHL jouerait dorénavant avec le matricule 18. En 2002, lorsque le Stade Louvaniste (démissionnaire en 2002), le Daring Louvain (démissionnaire en 2003) et les Zwarte Duivels Oud-Heverlee (ou ce qu’il en restait) se sont unis (sans qu’il y ait eu fusion officielle pour autant) pour ne plus former qu’un seul club, OHL en l’occurrence, le nouveau projet n’avait besoin que d’un seul matricule. Et l’on avait opté à l’époque pour celui de Oud-Heverlee, le 6142, car il n’avait pas de dettes.

 » Mais le prestigieux matricule 18, celui du Stade Louvaniste – le plus ancien des trois clubs – reflète mieux le tout début de notre histoire « , a signalé récemment le site internet d’OHL.  » C’est un matricule qui fait référence à la tradition footballistique de la ville de Louvain, où l’on joue au football au plus haut niveau depuis 115 ans « , a expliqué Paul Van der Schueren lors de l’un de ses derniers jours comme CEO d’OHL . Van der Schueren avait précédemment siégé à la direction des jeunes du Stade.

En 2017, le Lyra, à l’époque en P1, a également annoncé qu’il jouerait dorénavant avec un ancien matricule : le 52. À l’origine, le Lyra a porté ce numéro jusqu’en 1972, lorsqu’il a fusionné avec le Lierse. Un peu plus tard, quelques nostalgiques des Rouge et Blanc ont fondé un nouveau Lyra : le Koninklijke Lyra TSV, devenu entretemps Lyra-Lierse Berlaar.

Le club a dû adopter un tout nouveau matricule : le 7776, car la règle était alors la même que celle qui prévaut pour les plaques d’immatriculation des voitures : dès qu’elle a été retirée, elle est perdue à tout jamais.

La requête de Vanoppen

Depuis, la règle a été assouplie. Grâce à l’intervention de l’ancien dirigeant Patrick Vanoppen, un agent immobilier qui, entre 2011 et 2013, a conduit le Beerschot à sa perte. Il voulait laisser un souvenir impérissable aux supporters nostalgiques du Kiel en permettant au club de récupérer son matricule d’origine, le 13.

Celui-ci avait été perdu lors de la radiation du club, le 12 juin 1999. L’ancien président du Beerschot Paul Nagels, qui a soutenu l’initiative de Vanoppen, a déclaré en 2011 dans ce magazine :  » Récupérer le 13 est l’un de mes rêves. Un matricule, c’est comme un étendard. L’étendard a été profané, nous devons le remettre à l’honneur. Mais, auprès de l’Union belge, qui gère les matricules, il n’y avait pas encore de procédure claire pour la restitution d’un numéro.

On partait du principe que le club devait payer les dettes fédérales liées à l’ancien matricule (+/- 20.000.000 de francs belges, soit 500.000 euros) mais jusqu’en 2014, l’Union belge n’avait pas encore défini clairement la signification de ‘dettes fédérales’, une expression qui apparaît pourtant régulièrement dans le règlement de la fédération.

La requête de Vanoppen a incité la fédération à rédiger une règle spécifique pour les clubs qui souhaiteraient racheter un ancien matricule. Fin 2012, cela a débouché sur une décision du Comité exécutif. Celui-ci déciderait désormais ‘souverainement, dans des cas exceptionnels’ de rendre un matricule ‘historique’ à un club qui en ferait la demande.

Une telle requête n’est prise en considération que si certaines conditions sont remplies. Par exemple, le matricule ne peut pas avoir été utilisé pendant dix ans et la fédération ne peut pas l’avoir attribué à un autre club. Le club auquel le matricule appartenait ne peut plus exister, et aucun dirigeant du club demandeur ne peut avoir exercé une fonction dans le club disparu. Le demandeur doit aussi pouvoir prouver un ‘lien’ avec le club qui possédait le matricule, et – last but not least – de l’argent doit être versé (voir encadré).

La nouvelle procédure de l’Union belge

Mais les soucis financiers de Vanoppen ont réduit le projet à néant. Avant que le Beerschot n’ait pu profiter des nouvelles règles régissant la récupération d’un matricule, le club anversois a été déclaré une deuxième fois en faillite en 2015. C’est ainsi que le matricule 3530 du Beerschot AC a également disparu.

Comme dans le cas du Stade Louvaniste en 2002, toutes les dettes de ce matricule envers la fédération étaient loin d’avoir été effacées. Pour l’Union belge, la nouvelle procédure régissant les matricules est aussi une manière de récupérer l’argent perdu lors d’une faillite.

Mais les romantiques du football trouvent scandaleux que les matricules supprimés puissent être récupérés après une dizaine d’années contre quelques milliers d’euros. Car, souvent, ces anciens matricules cachaient bien plus de dettes.

En outre, le palmarès d’un club de football est lié à son matricule. Aujourd’hui, pour une somme relativement faible, on peut donc récupérer officiellement des titres. Enfin, selon les critiques, cette manière de travailler met à mal tout le système des matricules. Précédemment, un petit matricule représentait un ancien club qui était toujours en vie.

Dans le système actuel, un club qui aurait vacillé ne perd pas définitivement sa place dans l’ordre hiérarchique à la suite d’une faillite. Après avoir remis le club sur les rails, les nouveaux dirigeants peuvent récupérer la place du club dans l’histoire.

Valeur marchande ou pas ?

L’Union belge semble désormais attribuer une valeur marchande aux matricules, et c’est frappant, car en 2016, cette même fédération s’était encore insurgée contre ce qu’elle appelait ‘le commerce des matricules’. Trois ans plus tôt, en 2013, Patrick Decuyper, le CEO de Zulte Waregem, avait _envisagé de déménager le Essevee avec son matricule à Anvers, où le Beerschot venait d’être déclaré en faillite.

Une autre idée de Decuyper était de vendre le matricule du KV Ostende, où il voulait devenir l’actionnaire majoritaire, à des investisseurs anversois. L’homme d’affaires de Flandre Orientale considérait les matricules de manière très rationnelle. Il leur attribuait une valeur marchande, alors que pour la plupart des supporters, ils ont surtout une valeur émotionnelle. Pour eux, les matricules incarnent l’identité d’un club et ils ne peuvent jamais être liés à des aspects bassement commerciaux.

Après que tous les projets de Decuyper furent tombés à l’eau, la fédération a vu apparaître une nouvelle histoire de matricule qui avait des relents très commerciaux. Le nouveau RWDM a repris le matricule d’un club de Promotion éloigné de 50 kilomètres de Molenbeek : celui du Standaard Wetteren. Ce club était sur le point de fusionner avec un autre club de la région et n’avait plus besoin de son matricule.

Le RWDM était très intéressé parce que le rachat du matricule permettrait au club bruxellois de recommencer directement en Promotion. Lors de la composition des séries, la fédération ne prend en effet en considération que le matricule et pas le nom du club.

Le RWDM ne pouvait pas utiliser les règles sur lesquelles se basaient OHL et le Lyra, parce qu’il s’agissait d’un matricule encore utilisé et qu’il n’y avait aucun lien entre le club molenbeekois et Wetteren. Mais si le RWDM reprenait tout le patrimoine du Standaard Wetteren, entendez les dettes, le matricule en faisait partie. Et c’est ce qu’il s’est passé.

La jurisprudence du Comité exécutif

Aujourd’hui, la fédération tente de trouver un juste milieu entre les règles spécifiques qui ont régi le projet abouti du RWDM et les initiatives ratées de Decuyper. En 2016, l’Union belge a décidé que le siège d’exploitation d’un club ne pouvait pas être déplacé de plus de 30 kilomètres.

Avec cette nouvelle règle, l’Union belge veut éviter que des clubs soient tentés d’ ‘acheter’ des promotions administrativement et que des matricules déménagent massivement d’un côté du pays à l’autre. La fédération donne l’impression de ne pas vouloir céder à l’utilisation commerciale des matricules, qui seraient considérés comme de simples produits. Mais en même temps, on trouve depuis trois ans, au sein de cette même fédération, un texte auquel OHL et le Lyra ont fait référence, et qui attribue bel et bien une valeur marchande aux matricules.

On fera aussi remarquer que le texte qui régit le rachat d’un matricule ne figure pas dans le règlement de la fédération. Il figure dans la ‘jurisprudence du Comité exécutif’. Celle-ci, contrairement au règlement de la fédération, ne peut pas être consultée librement par le grand public. Ce qui explique que peu de gens soient au courant.

 » Cette jurisprudence n’a pas été reprise dans le règlement de la fédération parce qu’elle ne concerne que 0,00000001 % de nos clubs « , se justifie-t-on à l’avenue Houba De Strooper.  » Le règlement est déjà assez épais comme cela. Et suffisamment confus aussi.  » C’est sûrement vrai, mais lorsque les clubs peuvent faire appel à des textes méconnus qui figurent à côté du règlement, cela ajoute encore à la confusion.

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Plus le matricule est ancien, plus il est cher

Voici les tarifs qu’applique l’Union belge lorsqu’un club veut racheter un ancien matricule. Ce tableau comprend des tarifs de base de janvier 2013, qui doivent encore être indexés. On peut en déduire qu’OHL a payé entre 40 et 50.000 euros pour le matricule 18. Pour le Beerschot Wilrijk, le rachat du matricule 13 reviendrait à peu près au même prix. 50.000 euros, ce n’est évidemment pas grand-chose en regard des 500.000 euros de dettes fédérales en 1999.

Le matricule 30 du K. Lierse S.K., qui a été perdu lors de la faillite en mai, ne pourra pas être racheté avant 2028.
Le matricule 30 du K. Lierse S.K., qui a été perdu lors de la faillite en mai, ne pourra pas être racheté avant 2028.© BELGAIMAGE

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