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Comment la méthode Storck doit révolutionner Genk

Candidat au titre, Genk était à trois points de Bruges ce dimanche. Pas du Club, mais bien du Cercle, antépénultième au classement. Si le changement d’entraîneur a provoqué un choc, ce n’est pas celui qu’espérait la direction.

Les joueurs de Genk vivent des heures difficiles. Pendant un an, même quand les résultats se détérioraient, l’entraîneur leur a conservé sa confiance et multiplié les compliments. « Je suis toujours très fier de mes joueurs. Je ne peux guère leur faire de reproches, si ce n’est un manque d’efficacité », a insisté John van den Brom jusqu’à la fin. Les joueurs qui bénéficiaient de sa confiance pouvaient aussi se permettre de disputer un moins bon match.

Le nouvel entraîneur, BerndStorck, a redistribué ses pions contre le Rapid Vienne et Gand, à la fois dans l’équipe de base et en cours de match. Contre Vienne, il a effectué trois remplacements au repos. Et il n’a pas gardé sa langue en poche à l’issue du premier match. « On a joué comme des gamins, pas comme des adultes. »

Le lendemain, première question: voyait-il les choses plus positivement après une nuit de sommeil? En guise de réponse, Storck a été encore plus dur que la veille: « Le staff technique s’est réuni après le match contre le Rapid. Il nous a fallu une heure et demi pour décortiquer les fautes commises pendant les vingt premières minutes. Je n’ai encore jamais vu d’équipe commettre autant d’erreurs. Je suis très surpris de la pauvreté tactique de l’équipe. Mes directives étaient des principes de base, qu’on apprend en catégories d’âge. On n’a pas non plus fait preuve d’engagement physique ni de la volonté absolue de conquérir le ballon. Ça m’a surpris et déçu. » Bienvenue au KRC Genk de Bernd Storck…

Reset

« Peut-être a-t-on attendu un peu trop longtemps », a-t-on entendu dans les couloirs de Genk. Le Head of Football DimitrideCondé a reconnu avoir opté pour cet entraîneur afin de créer le fameux « choc psychologique ». En ajoutant, menaçant, comme s’il sentait que la plupart des joueurs n’allaient pas accepter ce nouveau management de gaîté de coeur: « Ceux qui ne suivent pas voleront dehors. » Connaissait-il déjà l’ampleur du reset prévu par Storck?

D’abord, les smartphones ont été bannis du vestiaire, l’entraîneur estimant que les joueurs doivent se parler davantage. Il avait procédé de la même manière à Mouscron et au Cercle. Bernd Storck repart à zéro partout où il passe. Il commence par expliquer l’ABC du football. Mais jusqu’à présent, il travaillait avec des vestiaires présentant peu de références. Reste à voir comment son approche critique va passer dans un noyau peuplé d’internationaux et de gars qui rêvaient de Premier League ou de Serie A l’été dernier et ont désormais du mal à se motiver pour un match contre Eupen ou le Cercle Bruges.

Qu’il soit confronté à des internationaux ou à des sans-grades, Storck ne change pas de méthode. Sa communication est très directe, il ne tolère aucune autre façon de faire et il veut que les joueurs procèdent comme il l’entend. Il leur tend des outils au fur et à mesure. « Je suis un professeur de football. » Au Cercle et à Mouscron, les joueurs devaient se coltiner un décrassage après chaque séance. Généralement, ça ne dure pas plus de cinq minutes: le temps d’un tour ou plutôt d’un demi-terrain, en coupant les angles. Mais Storck veillait à ce que chacun boucle cinq tours, sans tricher.

Van den Brom préférait faire confiance à ses joueurs, leur donner une tape sur l’épaule, Storck commence par dire ce qui ne va pas. Au Cercle et à Mouscron, il n’a pas hésité à signaler d’emblée leurs points faibles à ses meilleurs éléments en ajoutant: « Si tu ne t’améliores pas, tu ne joueras pas le week-end prochain. » Chacun avait l’impression constante qu’aussi bon soit-il, un match moins convaincant suffirait à l’écarter de l’équipe.

Storck veut développer un football dominant. De ce point de vue, sa vision est conforme à celle du Racing. Mais ses joueurs doivent avant tout gagner leurs duels et se servir de leur corps. Il exige de certains joueurs que 80% de leurs passes arrivent au bon endroit. Il était consterné de voir le pourcentage de bonnes passes inférieur à 80% contre le Rapid Vienne. « À ce niveau, il faut un taux de réussite de 90%. Nous sommes restés 20% en-dessous. »

« Les talents doivent travailler »

Il est encore loin du football qu’il veut instaurer, a-t-il reconnu après le match d’Europa League. Peut-être le KRC Genk ne possède-t-il pas les joueurs qu’il faut pour cela? Storck n’est pas d’accord. « Quand Klopp a rejoint Liverpool, Firmino,Salah et Mané n’avaient jamais appris comment gagner des duels, car c’est ça, le pressing: conquérir le ballon. Klopp les a reconvertis et a travaillé jusqu’à ce qu’il s’exécutent à la perfection. Ito et Bongonda n’ont jamais travaillé ces aspects-là non plus. J’en ai déjà discuté avec Bongonda: son esprit le comprend, mais son corps ne veut pas encore suivre. »

Une simple victoire ne suffira pas à remettre Genk sur les bons rails, a déjà prévenu le nouvel entraîneur. Après avoir visionné quelques matches et travaillé plusieurs jours avec le noyau (« Trop de joueurs se sont promenés »), il a relevé une certaine autosatisfaction dans le chef de ses hommes. « Ce n’est pas parce qu’ils ont gagné une Coupe il y a six mois qu’ils doivent se reposer sur leurs lauriers maintenant. Quand on n’arrête pas de crier  » nice, nice, nice« , on recule. Quelques joueurs continuent à vivre dans le passé à l’époque où ils ont reçu des propositions, mais la réalité, c’est qu’ils doivent retrousser leurs manches aujourd’hui. Les grands clubs profitent de leur succès pour travailler encore plus dur afin de progresser. Un joueur qui n’utilise pas son corps, qui chute dans un duel et regarde l’arbitre en espérant qu’il siffle ne m’apporte rien. Les talents doivent travailler aussi. »

Storck avance donc pas à pas, sachant que le calendrier est trop chargé pour lui permettre d’intégrer beaucoup de schémas à l’équipe. Comme au Cercle et à Mouscron, il va d’abord corriger des détails. Comment tirer au but, comment négocier une rentrée en touche. « Je vais expliquer à chaque joueur, à chaque ligne, ce que j’en attends et comment ils doivent procéder, d’abord par petites touches, pour ne pas trop leur compliquer les choses. »

Une chose est sûre: cette année, les joueurs n’enverront pas de cartes postales avec leurs « bonjour ensoleillé de Benidorm ».

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