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Comment Dieu se sent

Le selfie pris par notre confrère de VTMJarno Bertho lors de la présentation de Lionel Messi au PSG nous a rappelé novembre 2013, quand nous avions touché en catimini l’épaule du meilleur joueur de la planète pendant une photo de groupe.

Les réseaux sociaux sont impitoyables. Cette semaine, Anne-Laure Bonnet en a fait l’amère expérience. La Française, polyglotte, présentait Téléfoot avant le crash de Mediapro. Mercredi, elle s’est retrouvée au Parc des Princes pour interviewer LionelMessi. Au même moment, un twitto a repêché un ancien post de la journaliste. « Ma pire expérience? Lionel Messi. Un génie du football, mais un glaçon sur le plan humain. Il n’affiche pas la moindre émotion. Interviewer quelqu’un qui vous observe sans broncher fait mal aux yeux. » Mercredi, elle a réagi: « Je dois reconnaître mon erreur. Il est charmant durant un entretien. » Est-ce vraiment le cas?

En novembre 2013, nous avons passé une heure dans le sillage de Messi, quand il a reçu le Soulier d’Or récompensant son titre de meilleur buteur européen. Lieu du rendez-vous, la vieille brasserie Damm, Carrer Rosello 515, à Barcelone. On n’y brasse plus de bière: le bâtiment abrite des bureaux et une salle destinée à l’événementiel.

Aleksander, le correspondant du journal russe Sport Express en Espagne, qualifie l’événement d’exceptionnel. L’homme vit là-bas depuis quatre ans et suit tous les matches à domicile du Barça, mais il n’a guère eu l’occasion de voir la star en dehors des terrains. Messi ne se rend jamais dans la zone mixte à l’issue d’un match et donne tout au plus une conférence de presse par saison, durant laquelle il ne dissimule pas son ennui et ne fournit que de brèves réponses pour disparaître le plus vite possible.

L’Argentin reste une énigme aux yeux de la plupart des gens, mais on peut apprendre certaines choses sur lui en lisant ses biographies. Il aime les escalopes à la Napolitana, milanesas, comme on les appelle dans son pays. Il fait la sieste en début d’après-midi. Messi aime l’ombre: il est déjà suffisamment sous les feux de la rampe sur le terrain. Quand il n’est pas au Camp Nou, il est sur sa montagne. Oui, Dieu vit sur une hauteur, à Castelldefels, au bout d’une rue sans issue, dans un quartier résidentiel.

En novembre 2013, l’ambiance est un peu tendue. Messi est blessé aux ischio-jambiers et le fisc espagnol est à ses trousses. Nous pouvons lui parler après la remise du trophée, mais les questions doivent avoir été approuvées au préalable. Et chaque journaliste – nous sommes huit – ne peut en poser qu’une seule.

Il arrive peu après 13 heures. La remise du prix est sèche, to the point. Une brève vidéo suit un court speech de Messi, qui remercie ses coéquipiers dans la salle. Une demi-heure plus tard, c’est notre tour. Des agents de sécurité nous conduisent dans une petite salle et nous surveillent. Quand un journaliste tente de filmer, on le lui interdit énergiquement. La presse écrite est là pour écrire.

Messi parle tranquillement, mais nous regarde droit dans les yeux. Il est loin d’être aussi timide qu’on le dit. Il se fait même encourageant quand certains, sous l’effet du stress, cherchent leurs mots en espagnol. Ceux qui le souhaitent peuvent poser leur question en anglais. On voit qu’il comprend tout, mais il attend poliment la traduction.

C’est à nous. Pour LA question. Une chance. Nous optons pour une question personnelle, en espérant qu’il se lâche. Pelé, JohanCruijff ont eu un fils qui n’a jamais su se faire un prénom. Comment Messi va-t-il préparer son fils – unique à l’époque, il en a eu trois depuis – à la tâche impossible de marcher sur ses traces?

Un instant surpris, il sourit. « Si quelque chose a changé ma vie ces dernières années, c’est Thiago. Quand je rentre à la maison, après un match, un entraînement, un voyage, je vois son sourire. En ce qui concerne le football, plus tard, je ne pense pas que ça soit un problème. Je dois l’éduquer de la manière la plus naturelle possible. Comme si j’étais une personne normale. »

Il se place devant nous pour la photo de groupe. Nous frôlons son épaule. Puis nous craquons. Nous n’avons jamais demandé d’autographe à un footballeur. Un journaliste n’est pas un supporter. Mais quand on a une compagne argentine, ça crée forcément un lien avec la patrie de Leo. Est-il d’accord? « Volontiers », répond-il. Il ajoute spontanément quelques mots gentils.  » Con cariño. Leo. » Ces paroles sont maintenant encadrées. Inoubliables.

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