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COMMENT ÇA MARQUE ?

Focus sur la reconstruction du jeu offensif des Zèbres, entre nouvelles armes et anciennes munitions sorties du placard.

Mamadou Fall va très vite. Trop vite, même, pour la plupart des défenseurs du championnat. C’est à partir de ce constat que la reconstruction du secteur offensif de Charleroi, décapité par les départs de Jérémy Perbet et Dieumerci Ndongala, a débuté l’été dernier. Les sprints du Sénégalais deviennent l’atout principal des Zèbres, et Felice Mazzù imagine, progressivement, une nouvelle animation offensive. À partir des qualités de son nouvel ailier, puis des adaptations que la présence de Fall impliquera inévitablement chez ses adversaires.

Rares sont les équipes qui osent défendre à la ligne médiane quand pèse l’incessante menace d’un joueur trop rapide pour être rattrapé. Mamadou Fall invite souvent l’adversaire à se replier, ou à renforcer son flanc gauche défensif. Car lancé dans son couloir face à un homme seul, le Sénégalais n’a plus qu’à pousser le ballon et à courir derrière pour créer le danger. Charleroi commence donc la saison en profitant de l’absence de notoriété de Fall, et marque deux de ses trois premiers buts à partir d’une action sur le flanc droit. L’objectif des Zèbres est alors d’enclencher une possession de balle sur le côté gauche, avant de renverser le jeu le plus rapidement possible vers le côté opposé pour offrir un couloir dégagé à leur sprinter.

Dans ce processus, Clément Tainmont est préféré à Amara Baby. Parce que le meilleur lieutenant de Perbet en fin de saison dernière est droitier, et rentre donc souvent dans le jeu depuis le flanc gauche, rendant son couloir moins dangereux. Au contraire, Tainmont le gaucher oblige l’adversaire à fermer sa ligne de touche pour éviter un centre souvent précis. Et étire donc les défenseurs adverses, obligés de laisser plus d’espace entre eux. Tout profit pour Mamadou Fall.

LE RETOUR DE TAINMONT

Contre des Eupenois focalisés sur le danger représenté par la nouvelle recrue des Zèbres, Tainmont profite d’ailleurs d’une liberté inhabituelle pour briller sur son flanc. La saison dernière, le Français avait souffert de l’attention accrue que lui portaient les adversaires, suite à son excellent exercice 2014-2015 qui l’avait propulsé parmi les meilleurs ailiers du championnat. En écartelant à nouveau les défenseurs adverses, Charleroi a ressuscité Tainmont, directement impliqué sur 6 des 16 buts des Zèbres depuis le coup d’envoi de la saison, en étant plus souvent à la source qu’à la conclusion des actions (un but, trois passes décisives, un tir repoussé conclu par Sotiris Ninis et un centre transformé par David Pollet après une reprise ratée de Fall).

Très menaçants sur les côtés, avec la complicité d’un Pollet peu à peu retrouvé dans les seize mètres, les Carolos concentrent l’attention de leurs adversaires sur la défense des flancs, mais ne parviennent pas à profiter des libertés que ce paramètre leur offre à l’intérieur du jeu. Plus dangereux dans ses passes que dans ses courses, Ninis exploite trop rarement les intervalles dans l’axe à force de vouloir toucher trop vite et trop souvent le ballon. C’est sans doute ce qui explique sa mise à l’écart après cinq journées, au profit d’un Djamel Bakar dont le profil fait inévitablement penser à Neeskens Kebano.

Avec l’arrivée de Bakar et la libération progressive de Damien Marcq, pour lequel Mazzù et son staff reconnaissent travailler  » depuis quelque temps à un rôle plus offensif « , Charleroi grandit dans ce fameux  » jeu intérieur « , si cher à son entraîneur et si rare dans la zone de vérité depuis le départ de Kebano. Face à Anderlecht, puis à Ostende, trois des quatre buts marqués par les Zèbres naissent dans l’axe du terrain, dont un qui parvient à exploiter une course vers l’intérieur de Mamadou Fall dans le dos d’une défense abandonnée par un milieu de terrain qui oublie de presser Marcq aux abords du rond central.

Charleroi semble s’être trouvé un nouvel équilibre, et c’est aussi la défense qui en profite. Parce que les Zèbres sont assez menaçants pour que les adversaires n’osent plus leur accorder trop de profondeur. L’arrière-garde peut alors relancer sans trop de pression, garder le ballon pour installer une possession propre jusqu’au moment où un jeu en triangle viendra changer le rythme sur un flanc pour lancer une offensive bien préparée. Et quand Zulte Waregem, puis Bruges viennent presser très haut pour empêcher aux Carolos de maîtriser le tempo, profitant du manque de vitesse de Chris Bedia quand il reçoit le ballon loin du but adverse, Mazzù trouve encore la parade : il entame la seconde période avec Mamadou Fall aux côtés de l’Ivoirien dans un 4-4-2 qui fait reculer l’adversaire, et éloigne les Zèbres de leur rectangle, là où le manque de centimètres de Steven Willems et Javier Martos devient réellement préjudiciable.

NINIS FACE AUX BLOCS BAS

Ce Charleroi-là n’encaisse pas et est alors présenté comme une équipe de contre. Pourtant, seul un des seize buts des hommes de Mazzù cette saison (le troisième face à Eupen) a été inscrit suite à une reconversion rapide, quand le ballon est arrivé en trois passes des mains de Nicolas Penneteau aux pieds de David Pollet. Souvent, les Zèbres souffrent du manque de justesse technique de Fall ou des excès d’individualisme de Cristian Benavente, et exploitent mal les possibilités qui leur sont offertes.  » On doit s’améliorer dans le dernier geste « , affirme d’ailleurs l’entraîneur après le nul blanc concédé à Westerlo. Une situation qui coïncidera avec le retour de Sotiris Ninis dans un onze qu’il avait quitté au bout de quatre rencontres de championnat.

Le Grec devient un atout en se rapprochant de son attaquant de pointe, avec plus de mobilité. Il est plus souvent à la conclusion des actions qu’à leur élaboration et termine la session limbourgeoise du Sporting (réception de Genk, déplacement à Saint-Trond) avec deux buts et une passe décisive au compteur. Dans une équipe au football plus ambitieux, Ninis serait sans doute installé devant la défense, pour organiser le jeu de son équipe. Avec des risques défensifs que Felice Mazzù ne souhaite pas assumer :  » À Saint-Trond, nous avons voulu trop bien jouer « , a souligné le mentor des Zèbres.  » Cela a libéré des espaces. Nous ne devons pas nous évaporer dans notre animation vers un football ultra-offensif. Nous ne pouvons pas quitter nos zones sans déjà penser à la perte de balle.  »

Les attaques carolos sont rares, parce qu’elles sont calculées. L’improvisation n’a pas sa place dans une division offensive où l’absence de talents hors-normes impose un plan de bataille réfléchi pour ne pas  » attaquer n’importe comment « , comme aime le répéter Mazzù. Même les coups de pied de but de Penneteau sont étudiés. Ils sont souvent envoyés vers le flanc gauche où Tainmont et Pollet ont à la fois assez de centimètres pour gagner le duel aérien et assez de vitesse pour en profiter dans la profondeur.

Encore trop désordonné dans sa découverte de l’élite du football belge, Mamadou Fall a d’ailleurs quitté le onze de base depuis que sa pointe de vitesse ne surprend plus personne. C’est sans lui que Charleroi a recommencé à dessiner des buts sur le flanc droit face à Saint-Trond, une première depuis le mois d’août. Le bon classement des Zèbres a indirectement coûté cher au Sénégalais, puisque les adversaires se regroupent plus près de leur but qu’avant, conscients des difficultés des Carolos à contourner une défense organisée.

Mais Felice Mazzù n’a pas prévu d’en rester là. Méticuleusement, il profite des rencontres amicales lors de chaque trêve internationale pour tester de nouvelles options, tout en les travaillant à l’entraînement. Ceux qui ont suivi les quelques voyages des Zèbres en France depuis le début de saison savent ainsi qu’un 3-5-2 de plus en plus au point pourrait bientôt sortir du chapeau carolo. Et que Cristian Benavente a goûté à la pointe de l’attaque d’un onze plus technique que jamais lors de la rencontre amicale à Esch (Luxembourg). Les ressources tactiques de Charleroi sont encore loin d’être épuisées.

PAR GUILLAUME GAUTIER – PHOTOS : BELGAIMAGE

Mamadou Fall va très vite. Trop vite, même, pour la plupart des défenseurs du championnat.

 » À Saint-Trond, nous avons voulu trop bien jouer  » FELICE MAZZÙ

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