Comment bossent les futurs Diables ?

L’avenir du football belge est entre les mains d’illustres inconnus. Présentations et explications au moment où les U17 préparent leur EURO.

Cinq ans après l’EURO 2007 de Tournai, qui avait vu la génération d’ EdenHazard atteindre les demi-finales, les U17 participeront à un nouveau Championnat d’Europe : du 4 au 16 mai en Slovénie, sous la direction de PatrickKlinkenberg, un Liégeois de 50 ans qui est le seul non-professionnel parmi les coaches des catégories d’âge à l’Union Belge : il est professeur d’éducation physique.

 » J’ai été engagé en 1999 par FransMasson sur base de mon mémoire de fin d’études à l’école des entraîneurs « , se souvient-il.  » Il traitait de la défense de zone, que la fédération essayait précisément de mettre en place dans les catégories d’âge.  »

Le personnage se considère surtout comme un chercheur, un pédagogue. Sa carrière de footballeur fut modeste : il a débuté à Fourons, puis a rejoint les équipes d’âge du Standard où il passa cinq ans avec la génération de MichelPreud’homme. Son père lui demanda de privilégier les études plutôt que le sport, et il abandonna tout projet de foot professionnel pour partir à l’Elan Dalhem, où il joua cinq ans en Promotion. L’AS Eupen s’intéressa à lui, mais les joueurs en fin de contrat ne bénéficiaient pas encore d’une liberté de transfert à l’époque et il dut se résoudre à poursuivre sa carrière à Genoelselderen, en P1 limbourgeoise. Sa carrière d’entraîneur fut tout aussi modeste : il fréquenta toutes les séries Provinciales. Il fut aussi assistant de JoséHuynen en D3 à Huy et de NebaMalbasa chez les Espoirs du FC Liège. En revanche, il possède un diplôme international de préparateur physique : il a suivi les cours en France, en Italie et en Suisse.

Klinkenberg est ambitieux pour l’EURO 2012 en Slovénie. Son équipe s’est qualifiée en terminant première de deux tournois quadrangulaires successifs, d’abord en Croatie, puis en Hongrie et vise le dernier carré voire plus si possible.  » Au premier tour, on rencontrera la Pologne, les Pays-Bas et la Slovénie. Au sein de cette génération, les joueurs mettent leur talent au service du collectif. L’UEFA nous a félicités pour la qualité du jeu développé lors du tour précédent. Et Manchester City envoie des émissaires. Pas pour visionner des joueurs dans l’optique d’un transfert, mais pour étudier la manière dont nous travaillons, notamment sur le jeu en possession du ballon. C’est VincentKompany, que j’ai eu sous ma direction au début de sa carrière, qui les a aiguillés vers moi. Mais, dans le succès, je tiens à associer mes adjoints : le préparateur des gardiens FabriceLecomte et l’assistant BjörnMoens, qui s’occupe aussi des analyses vidéo.  »

Cette équipe est actuellement dans la vitrine de l’Union belge et un des résultats probants d’un système mis en place par un duo totalement méconnu du grand public : MarcBrowaeys et MarcVanGeersom, deux anciens gardiens de but. Leur carrière de joueur fut particulièrement modeste. Le premier, originaire de Zottegem, a joué huit ans comme réserviste à Waregem (avec seulement trois matches à son actif). Puis, il est descendu en D2 et en-deçà (Zottegem et Olsa Brakel) où la combinaison sport et boulot a empêché un retour envisagé vers la D1. Le second, originaire de Gand, a joué une dizaine d’années en D1 et D2 : Waregem, RC Gand, Ostende, Beerschot et Alost.

 » Je ne sais pas si c’est un hasard, mais il y a beaucoup d’anciens gardiens parmi les entraîneurs « , constate Van Geersom.  » Michel Preud’homme et Peter Maes, pour ne citer qu’eux, sont aussi d’anciens gardiens. Il y a aussi beaucoup de défenseurs. Peut-être parce que notre position nous a obligé à lire le jeu et à réfléchir sur la manière dont allait se comporter l’attaquant adverse, alors qu’un attaquant agit souvent de façon intuitive.  »

 » On a aussi toujours dû donner des directives à nos coéquipiers « , ajoute Browaeys.  » Et se faire entendre. « 

 » Mourinho ou Dury n’ont pas été des grands joueurs… « 

Van Geersom est depuis 23 ans au service de l’Union belge. Au départ, il n’était qu’un entraîneur de jeunes et s’est occupé de toutes les catégories. Lorsqu’ ArielJacobs a quitté la fédération en 1999, il lui a succédé comme coordinateur des équipes nationales de jeunes. Le petit groupe d’entraîneurs s’est alors étoffé et le premier qui s’est ajouté à la liste fut Browaeys. Deux autres entraîneurs ont été engagés depuis : EricAbrams (qui, en plus d’être entraîneur, est aussi le coordinateur de l’école TopsportVlaanderen) et Patrick Klinkenberg.

Pour rappel, Van Geersom avait succédé à ChristopheDessy lorsque celui-ci est parti au centre de formation de Nancy. Puis, il fut engagé comme directeur de l’école fédérale des entraîneurs, et aujourd’hui, il est aussi le directeur de l’aile flamande de la fédération. Il a été engagé sur base de ses brillants résultats à l’école d’entraîneurs de l’Union belge. C’est aussi de cette manière qu’avaient été engagés Frans Masson, MichelSablon et ArielJacobs. Lorsque Van Geersom est entré en fonction, il n’y avait encore que trois équipes qui disputaient des compétitions internationales : les Diables Rouges, les Espoirs et ce qu’on appelait les Juniors UEFA. Les instances de football européen n’ont créé que récemment des tournois pour les catégories plus basses, comme les U15, U16 ou U17.

Lorsqu’on lui demande si un ancien joueur sans grand passé peut diriger de futures stars, Browaeys a une réponse toute trouvée :  » Je ne pense pas que JoséMourinho ou FranckyDury aient été de grands joueurs. Mais dans ces cas-là, il faut généralement commencer au bas de l’échelle et gravir les échelons. On peut difficilement commencer en D1. Je suis licencié en éducation physique et l’entame d’une carrière d’entraîneur était une suite logique. La chance que m’a offerte l’Union belge de devenir entraîneur de jeunes était unique, car le job inclut aussi l’éducation et la formation. J’ai eu l’occasion de devenir assistant ou entraîneur des gardiens à La Gantoise, lors de la première période de TrondSollied, mais j’ai opté pour la fédération par idéalisme.  »

S’il y a si peu d’anciens grands joueurs au sein de l’Union belge, est-ce à cause d’une rémunération insuffisante ou d’un manque de valorisation du job ?  » C’est à ces anciens grands joueurs qu’il faudrait le demander « , rétorque Van Geersom.  » A défaut d’une publicité médiatique, on éprouve une satisfaction personnelle en voyant des joueurs que l’on a eu sous sa direction réussir au plus haut niveau. Et la reconnaissance est surtout interne, au sein de l’Union belge. J’ai été à deux doigts d’entraîner en D2, mais lorsqu’on intègre l’Union belge, on est pris dans la spirale. On lance des projets et on veut aller jusqu’au bout. « 

Comment ça fonctionne

Van Geersom, Browaeys et Abrams sont tous les trois salariés à temps plein de l’Union belge. Klinkenberg a un job dans l’enseignement.

Il y a une quinzaine d’années, chaque entraîneur était responsable d’une catégorie d’âge. Browaeys a commencé avec les U15. En 1999, c’étaient les joueurs nés en 1984. Un an plus tard, c’étaient ceux nés en 1985. Et ainsi de suite. Aujourd’hui, chacun des entraîneurs garde la même équipe durant trois ans et s’occupe d’abord des U15, puis des U16 et enfin des U17, avant de reprendre trois ans plus tard une nouvelle génération de U15. C’est la raison pour laquelle les U17 qui ont disputé l’EURO 2007 (la génération d’ EdenHazard) étaient coachés par Browaeys, tandis que les U17 qui participent cette année à l’EURO 2012 sont coachés par Klinkenberg. Van Geersom, lui, prend en charge les U18, U19 et U20. Avec, toutefois, des assistants différents : JulienCools ou NorbertDeViaene.

Leurs souvenirs

 » J’ai participé à six championnats d’Europe avec les catégories de jeunes « , rappelle Van Geersom.  » Le dernier, c’était l’an passé en Roumanie, avec les U19 : la génération de ThorganHazard et MaximeLestienne, entre autres. Ce sont de grands souvenirs. A plusieurs reprises, on a loupé l’EURO de très peu. Il faut dire qu’en jeunes, le tournoi final ne regroupe que huit équipes, dont le pays organisateur. Pas 24 équipes, comme ce sera le cas pour les Diables Rouges dès 2016. La qualification dépend beaucoup du tirage au sort. Fin mai, on se rendra en Italie avec les U19. On est tombé dans un groupe avec l’Italie, l’Espagne et l’Albanie. Je veux bien rester optimiste, mais il faudra deux exploits car il n’y aura qu’un seul qualifié.  »

Browaeys :  » Lorsqu’on participe à un Championnat d’Europe, et a fortiori du Monde comme c’est arrivé en 2007 en Corée du Sud, on offre forcément une expérience internationale à tous ces jeunes. Mais le principal, pour nous, reste de former de futurs professionnels capables, pour les meilleurs, de rejoindre le groupe des Diables Rouges. Parfois, il est préférable d’avoir trois joueurs du top, quitte à louper l’EURO, que d’avoir une génération qui se qualifie sur base du collectif mais ne fournira aucun joueur aux Diables Rouges plus tard. « 

Leurs projets

Van Geersom :  » Depuis cinq ans, on a un projet de latedevelopers, destiné aux joueurs qui arrivent à maturité plus tard que les autres, à cause d’une croissance tardive. La difficulté est de trouver des adversaires, car les autres fédérations n’ont pas ce genre d’équipes. Jadis, en l’absence de ce projet, de futurs bons jeunes sont sans doute passés à travers les mailles du filets. Aujourd’hui, cela n’arrive presque plus. AnthonyVandenBorre, Kompany et RomeluLukaku ont été des joueurs précoces. Au contraire de MaartenMartens, par exemple.  »

Browaeys :  » Cette année, nous organisons pour la troisième fois des cours de formation pour les scouts qui visionnent les matches de jeunes. Il y a 400 inscrits. L’objectif est de leur apprendre comment détecter le talent. Et nous essayons aussi, via l’école des entraîneurs, d’influencer les entraîneurs de jeunes dans les clubs afin de les conseiller sur la meilleure manière de faire progresser ces jeunes. « 

PAR DANIEL DEVOS

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