Combiner avant tout

Le médian croate espère que, lorsqu’il rentrera dans l’équipe, Mouscron aura retrouvé son fonds de jeu.

Tout en regrettant de ne pas avoir pu prêter main forte à ses partenaires, Tonci Martic abondait dans le sens de ceux-ci: « Contre le RWDM, il n’y avait qu’un seul mot d’ordre: gagner. Et de préférence, une victoire nette et sans bavure, pour provoquer un déclic ».

Cette victoire est arrivée, nette dans les chiffres mais pas encore sans bavure au niveau de la manière. C’est normal, après un zéro sur 15 qu’une équipe ne puisse pas entièrement se libérer. Néanmoins, une amélioration fut perceptible et le rôle de certains revenants fut déterminant. Gordan Vidovic a conféré plus de sérénité à la défense tout en prenant une part active à la construction et à la concrétisation. Marco Casto a arpenté son flanc gauche sans relâche. Koen De Vleeschauwer a apporté sur le côté droit les débordements qui avaient fait défaut contre Charleroi. Et le tout jeune Jonathan Blondel, à qui Hugo Broos avait confié le rôle de chef d’orchestre dans l’entrejeu, a démontré pendant 70 minutes qu’il n’avait pas froid aux yeux avant de s’éteindre sous la débauche d’efforts consentis.

« Le score peut laisser penser que notre victoire fut aisée », analyse Tonci Martic. « Ce n’était pas le cas. On n’a pas encore vu un grand Mouscron, mais cette victoire va faire du bien. Je tiens aussi à rendre hommage aux supporters. Après la défaite au Standard, notre cinquième d’affilée, ils étaient venus au stade pour nous accueillir à 1 heure du matin. La semaine dernière, alors qu’il pleuvait sans discontinuer, ils étaient près d’une centaine à avoir assisté à l’entraînement en déployant une banderole mentionnant: -Allez l’Excel, les supporters sont là! Cela faisait chaud au coeur. Ils ont aussi contribué à crever l’abcès ».

Tonci Martic n’a pas encore été d’un grand secours à l’Excelsior. Pour le médian croate, cette saison-ci a commencé comme la précédente. A savoir, par des blessures bénignes mais embêtantes: « J’avais fait une très bonne préparation, mais à la fin de celle-ci, j’étais un peu fatigué. C’est normal que la préparation soit dure, et je pense que ce travail portera ses fruits sur le long terme. Toutefois lorsque j’ai commencé le championnat, je manquais de fraîcheur. Lors du premier match, à Alost, j’ai été retiré à la mi-temps pour insuffisance. Comme l’entraîneur l’a déclaré, il aurait pu changer onze joueurs ce jour-là, mais j’étais parmi les trois qui ont été sacrifiés. Cela m’a fait une drôle d’impression, c’était la première fois que cela m’arrivait. Pour la venue de La Gantoise la semaine suivante, j’étais sur le banc. Par la suite, je n’ai plus fait que de courtes apparitions en fin de match. J’ai rejoué comme titulaire lors du match amical à Lens. Une bonne rentrée, selon moi. Malheureusement, je me suis occasionné une petite élongation aux adducteurs. J’ai eu le tort de reprendre les entraînements trop tôt. Je pensais que quelques jours de repos auraient suffi et j’espérais déjà rejouer au Standard. Le Dr. Declercq me l’a déconseillé. Il m’a recommandé d’attendre la guérison complète. J’espère pouvoir effectuer ma rentrée samedi à St-Trond ».

« J’avais pressenti ce départ laborieux »

C’est donc, la plupart du temps, depuis le banc ou la tribune que Tonci Martic a assisté au début de saison catastrophique de l’Excelsior: « A Alost, l’équipe est apparue apathique. Je ne veux pas chercher d’excuses gratuites, mais je constate que chaque fois que nous jouons le dimanche après-midi, nous éprouvons des difficultés à rentrer dans le match. Peut-être notre horloge biologique est-elle dérèglée? L’organisme s’est habitué à jouer le samedi soir et n’est pas encore bien réveillé à 15 heures. C’est à Alost que nos malheurs ont commencé. Quelque part, je le pressentais un peu. En préparation, nous avions joué des matches amicaux contre des équipes de Provinciale et notre circulation de ballon avait déjà manqué de fluidité. Il ne fallait pas s’étonner, dès lors, de retrouver les mêmes symptomes contre Alost. Une bonne équipe, quoi qu’avaient pu penser bon nombre d’observateurs qui la considéraient comme un oiseau pour le chat. Nous avons eu affaire à une bande de jeunes qui se sont battus sur tous les ballons. Ils ont d’ailleurs confirmé ce bon résultat par la suite. De notre côté, nous avons pu constater que notre fonds de jeu n’était plus ce qu’il était. La transition, de la défense vers l’attaque en passant par le milieu de terrain, était laborieuse. Trop souvent, les défenseurs recherchaient directement les attaquants. Un long ballon peut arriver, mais pas systématiquement ».

« Les stoppeurs ont plus souvent le ballon que les médians »

Pourquoi Mouscron pratique-t-il de la sorte? « Sans doute parce que les défenseurs ne trouvent pas le relais qu’ils cherchent dans l’entrejeu », pense Tonci Martic. « Il ne faut pas constamment revenir sur le passé, mais il faut avouer qu’ Yves Vanderhaeghe avait un rôle clef dans notre système de jeu. Il venait chercher le ballon, pivotait et le relançait vers l’attaque ou vers le flanc. Geoffrey Claeys a essayé de reprendre ce rôle, super important pour l’équipe, mais trop souvent, au lieu de relancer le ballon vers l’avant, il le rend au stoppeur. A Mouscron, les stoppeurs sont davantage en possession du ballon que les médians. Ce n’est pas normal. Les médians risquent d’attraper un torticolis à force de regarder les ballons passer au-dessus de leur tête. Si au moins nous essayions de combiner, je pourrais comprendre… Nous n’essayons même pas. Pourtant, nous avons de bons joueurs. A Westerlo, Dejan Mitrovic était capable de faire la différence. Et nous pouvons aujourd’hui compter sur un Jonathan Blondel qui est bourré de talent. Lorsqu’on commence à combiner, on constate directement la différence. Pour l’instant, Mouscron évolue contre nature. Ce football à l’emporte-pièce n’est pas le nôtre. Voici deux ou trois ans, les spectateurs se régalaient en admirant notre circulation de ballon. L’entraîneur ne demande pas de pratiquer par de longs ballons, au contraire. Lorsque je regarde le match depuis le banc ou depuis la tribune, j’essaye souvent de me mettre à la place de demi gauche. En me demandant ce que j’aurais fait si j’avais été sur le terrain. Souvent, je constate que le demi gauche reçoit très peu de ballons. Cela m’avait souvent frustré lorsque je jouais. Je suis un joueur qui aime toucher souvent le ballon. Or, sur le flanc, je le touche en principe moins fréquemment qu’un médian central. Lorsque c’est le cas, je m’énerve et je quitte ma place de demi-gauche, pour prendre une position plus axiale et me rendre plus disponible. Aussitôt, l’entraîneur me rappelle à l’ordre et me demande de regagner ma position originale, désaxée. Parfois, dix minutes s’écoulent sans que je touche le ballon. Et ma première touche de balle s’effectue parfois… de la tête! Or, j’aime recevoir le ballon dans les pieds ».

« Vidovic peut incarner la solution »

Quelle est la solution, à court terme? « Selon moi, Gordan Vidovic peut incarner l’une des solutions », estime Tonci Martic. « Samedi, il a déjà démontré ce qu’il pouvait apporter. La saison dernière, son absence avait aussi été ressentie: lorsqu’il n’était pas là, on jouait moins dans les pieds. Sans lui, nous avons de bons défenseurs, mais ils sont moins précis à la relance et apportent moins d’idées dans les combinaisons. Si on a peur de combiner, on ne progressera jamais. Notre système de jeu n’a pas été modifié et peu de joueurs ont changé, il n’y a donc aucune raison que ce système ne fonctionne plus. Il est vrai que les joueurs partis étaient des pions importants. Cette saison, nous ne pouvons plus compter sur Nenad Jestrovic, qui était capable d’inscrire des buts tout seul, en venant chercher le ballon à 40 mètres, en dribblant trois adversaires et en fonçant sur l’objectif. La saison dernière, son efficacité en zone de conclusion avait caché certaines lacunes dans les autres compartiments. Voici trois ans, Zoran Ban avait inscrit 16 buts. C’était l’époque où Mouscron se créait dix occasions par match. Le contexte était idéal pour Zoran: c’est un joueur qui est très bon dans les seize mètres et qui a un temps de réaction très rapide. Mais il est tributaire, davantage que Nenad Jestrovic, des services de ses partenaires. Je suis persuadé que, lorsque nous aurons retrouvé notre fonds de jeu, nous marquerons encore de nombreux buts avec nos attaquants actuels ».

« Nous ne devons craindre personne en Belgique »

Tonci Martic a fait une autre constatation: « A plusieurs reprises, cette saison, nous avons très mal commencé le match: que ce soit contre Alost, La Gantoise, Lommel ou Charleroi. Lorsqu’un but a été encaissé, nous essayons de réagir. Mais sans succès. Cela aussi, c’est une différence par rapport à autrefois. Aujourd’hui, lorsque nous encaissons un but, le moral en prend un coup car nous savons que nous éprouverons beaucoup de difficultés à revenir. Autrefois, personne ne paniquait lorsque nous encaissions le premier but. Nous savions que nous allions encore nous créer une dizaine d’occasions par la suite. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Lorsque les minutes s’égrènent sans que l’on se crée des occasions, l’inquiétude grandit. Contre Charleroi, c’était mauvais. C’était la conséquence des matches précédents. Les joueurs étaient crispés. Nous sommes restés à quatre derrière, même lorsque le Sporting était réduit à dix. Etait-ce nécessaire, alors que nos adversaires n’alignaient qu’un seul attaquant? Ceux qui ne restaient pas confinés derrière se ruaient vers l’avant. Dans l’entrejeu, il n’y avait personne. A dix contre onze, il aurait fallu écarter le jeu. Faire circuler le ballon, puisqu’il y avait forcément toujours un homme libre. Nous sommes capables de le faire, même avec les joueurs actuels. Nous ne devons avoir peur d’aucune équipe en Belgique ».

Daniel Devos

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