Combat de rue

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

L’affaire Roussel illustre toute l’ingratitude qui peut régner dans le monde des footballeurs et des managers.

On oublie tout ! Toutes les belles déclarations de Cédric Roussel entendues en cours de saison dernière. Par exemple :  » Je dois tout à Mons, qui m’a sorti du trou  » ;  » Je n’oublierai jamais tout ce que Jean-Claude Verbist et Marc Grosjean ont fait pour moi  » ;  » Roger Henrotay et son fils Christophe û qui est un ami personnel depuis longtemps û ont fait énormément pour ma carrière  » ;  » Ma priorité pour l’année prochaine, c’est de rester à Mons, un club familial où je me sens comme un poisson dans l’eau « .

Entre Roussel et le club qui évolue à deux pas de la maternité où il est venu au monde, c’est aujourd’hui la guerre. Par presse interposée. Il y a quelques semaines, il était question d’une prolongation du séjour du buteur au Tondreau : les deux parties avaient trouvé un accord financier (verbal) et n’attendaient plus qu’un geste de Wolverhampton, qui possédait toujours Roussel pour deux ans et était censé descendre le prix du transfert.

Aujourd’hui, on a l’impression que Cédric Roussel a un peu perdu les pédales en voyant que les entraînements reprenaient partout mais qu’il était toujours sur le carreau. Il tire sur tout ce qui bouge du côté de Mons et c’est bien triste de voir l’histoire d’amour se terminer dans une ambiance aussi détestable.

Cédric Roussel : J’ai passé des vacances horribles parce que je ne savais pas à quoi m’en tenir. Entre les coups de téléphone des journalistes et de pseudo-managers à l’affût de la bonne affaire, je n’ai jamais pu me reposer l’esprit. La preuve que j’ai mal vécu l’interruption, c’est que j’ai perdu trois kg. Habituellement, j’en prends cinq pendant l’été ! Je suis allé courir deux fois tous les jours parce que je ressentais le besoin d’évacuer ma rage et ma frustration. Physiquement, je suis au top.

Il a été question d’une reprise des entraînements à Wolverhampton : le cauchemar ?

Tout à fait. J’aurais dû reprendre ce mardi mais je n’en avais pas du tout envie, et l’entraîneur des Wolves, Dave Jones, non plus. Il ne veut définitivement plus voir ma tête. Ça tombe bien : je ne veux plus voir la sienne. Il m’a seulement fait savoir, via le chiefexecutive du club, qu’il me donnait trois jours supplémentaires pour trouver un club, que je ne devrais être à Wolverhampton que vendredi si je n’avais rien trouvé entre-temps.

Jones et vous jouez au chat et à la souris depuis plusieurs mois : ne devriez-vous pas avoir, un jour, une bonne explication ?

J’aimerais bien, oui. Lui dire une fois tout ce que j’ai sur le c£ur. C’est prévu à mon programme…

En cas de retour à Wolverhampton, auriez-vous été condamné au noyau B ?

Tout à fait. Pas de stage d’avant-saison, rien. Alors que mon contrat a été fortement augmenté suite à la montée du club en D1. Il l’aurait encore été à la fin de cette saison, en cas de maintien. Et de nouveau l’année suivante. Tout cela pour un joueur sur lequel on ne comptait plus du tout. J’étais un boulet pour Wolverhampton.

Qu’est-ce qui vous motive à jouer cette saison en Belgique plutôt que dans un autre championnat ?

J’ai un goût d’inachevé en bouche : je n’ai pas reçu une vraie chance en équipe nationale et je veux la retrouver le plus vite possible pour prouver que je mérite ma place. Ce sera plus facile en restant en Belgique. J’ai quand même démontré, en terminant meilleur buteur, que j’avais le niveau pour évoluer avec les Diables, non ? Je n’ai que très peu goûté à la sélection, mais j’en retiens déjà des souvenirs fantastiques, avec une ambiance extraordinaire.

L’autre raison qui me pousse à rester en Belgique est familiale. Si j’ai fait une très bonne saison avec Mons, c’est parce que j’avais retrouvé mon cocon. J’étais bien dans ma tête parce que j’avais ma famille autour de moi. C’est pour cela que je vais continuer à habiter à Bray, dans la villa que j’ai achetée il y a quelques mois.

Aimé Anthuenis vous a-t-il expliqué pourquoi il ne vous avait pas repris pour les matches contre la Bulgarie et Andorre ?

Non, j’ai dû me contenter de ses déclarations dans la presse, où il a notamment dit que Sandy Martens était plus polyvalent que moi. Je ne lui en veux pas : au vu des résultats de la Belgique et de la manière employée, qui pourrait lui donner tort ? A moi de prouver au coach qu’il peut encore avoir besoin de moi dans le futur.

 » Mons a tout fait pour me conserver ? Mon £il  »

Entre Mons et vous, ce fut l’amour fou pendant un an mais c’est aujourd’hui la guerre : pourquoi ?

Tout a commencé à la veille du match au GBA. Jean-Claude Verbist m’a demandé quelles étaient mes intentions pour la saison prochaine. Je lui ai répondu que Wolverhampton demandait 3 millions. Il m’a alors dit que le club ne pourrait pas me garder et je me préparais dès lors à quitter Mons. Je lui ai demandé de ne pas révéler l’information parce que je voulais d’abord l’annoncer à Marc Grosjean. Une demi-heure plus tard, il y avait un communiqué Belga ! Verbist m’a dit que ça ne venait pas de lui. Mais il était le seul au courant de mon départ. Je n’ai pas apprécié du tout et nos relations se sont fortement tendues. L’entraîneur m’a tiré la tête parce qu’il n’avait pas été mis au courant en priorité. Je lui ai juré que je n’y étais pour rien.

N’était-il pas possible d’aplanir ce petit différend, entre adultes ?

Il était trop tard. Parce que d’autres choses m’ont déplu. Le président Leone disait partout qu’il faisait le maximum pour me conserver, mais il ne faisait rien du tout. Plus tard, quand la presse a parlé d’un retour possible à l’Albert, les dirigeants ont continué à faire des déclarations négatives, du style : -Si Roussel revient, il faudra faire attention à sa mentalité. Cela m’a choqué. Grosjean lui-même a dit cela à la presse alors que nous avions eu d’excellents rapports pendant toute la saison. On l’a peut-être obligé à tenir un discours pareil face aux journalistes : ça ne m’étonnerait pas du tout de la direction.

Avez-vous vraiment entretenu de bons rapports avec le coach et vos coéquipiers jusqu’à la fin de la saison ?

Oui. J’ai toujours mis de l’ambiance dans la groupe. La plus belle preuve que j’étais bien accepté, c’est que des coéquipiers m’ont contacté tout au long de la semaine passée pour me demander quand j’allais revenir à Mons. Cela me fait très mal que quelques personnes remettent maintenant ma mentalité en cause. Mais bon, si ces gens-là préfèrent travailler avec des footballeurs qui se laissent marcher sur les pieds, c’est leur problème. Ils veulent de très bons joueurs pour rien du tout, mais alors, ce n’est pas dans le foot qu’ils doivent se lancer.

 » Une fois Mons sauvé, la direction ne voulait plus gagner  »

Qu’en est-il du préaccord que vous aviez trouvé avec Mons à quelques semaines de la fin du championnat ?

Cela remonte au mois de janvier. Nous avions effectivement trouvé un accord pour une prolongation de contrat, au cas où Mons aurait pu s’arranger avec Wolverhampton. Mais pas mal de choses ont changé entre-temps : je suis devenu international, j’ai terminé meilleur buteur et Wolverhampton a augmenté mon contrat suite à la montée en D1. Il n’était donc plus question que j’accepte les chiffres décidés en janvier. Je ne pouvais pas perdre autant d’argent sous prétexte que j’avais la possibilité de rester dans un club où je me sentais bien. En janvier, j’avais clairement dit aux dirigeants que j’étais d’accord avec leur offre, mais sous réserve de ce qui allait se passer au cours des mois suivants. Je ne vais pas perdre une fortune pour faire plaisir au président Leone. J’aurais accepté de sacrifier 25 % de ce que je pouvais gagner ailleurs, mais pas plus.

Avouez que c’est triste d’en être arrivé là !

C’est vrai, mais je préfère retenir les grands moments de la saison dernière. Tout s’est bien passé jusqu’au moment où nous avons été sauvés. Dès ce moment-là, j’ai eu l’impression que certains étaient contents d’avoir atteint l’objectif et ne voulaient plus gagner trop de matches. Des rumeurs m’ont rapporté que le président était satisfait après les défaites parce que cela lui évitait de payer des primes. J’ai constaté un gros manque d’ambition dans la direction dès que Mons n’a plus été menacé. Cela ne plaisait pas du tout aux joueurs. En plus de cela, la dispute entre Verbist et Grosjean a miné le groupe. Il y avait aussi de grosses tensions entre Verbist et certains joueurs. Tout cela m’a encouragé à aller voir ailleurs, à chercher une direction plus ambitieuse et qui me respecterait plus. Pour moi, le trio Leone-Verbist-Grosjean, c’est le Triangle des Bermudes…

Vous oubliez tout ce que vous devez à Mons ?

Non. Je pars avec des regrets. Vis-à-vis des supporters et de mes coéquipiers. Et de Grosjean, s’il ne pense pas tout ce qu’il a déclaré. Par rapport à la direction, par contre, je n’ai aucun regret. Je sais que je ne trouverai peut-être plus jamais la même communion qu’à Mons avec le public et le groupe, mais j’ai 25 ans et je suis ambitieux : je ne peux pas m’attacher qu’à ces aspects-là. J’aimerais commencer à gagner des trophées. Théoriquement, mes meilleures années sont pour très bientôt : je n’ai plus de temps à perdre.

 » J’ai perdu trois kg pendant l’été ; d’habitude, j’en prends cinq. C’est la rage et la frustration « 

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