Combat BOOTS

Le roquet du Club Bruges balaye efficacement devant sa défense mais ne supporte pas l’étiquette de joueur brutal qui colle à ses crampons.

A Sclessin, Monsieur Jo a bien serré les mailles du filet brugeois entre Victor Vazquez et Vadis Odjidja. Travail d’expert du recyclage des ballons difficiles, de la lutte pour récupérer des mauvaises passes, Jonathan Blondel est, en quelque sorte, le coffreur de Bruges : celui qui prépare l’armature de la maison avant que d’autres y coulent le béton. Autrefois destiné au métier d’architecte, il a désormais les mains dans le ciment. Mais prête-t-il encore l’oreille à ceux qui dénigrent la hargne avec laquelle il abat, selon eux, sa basse besogne ?

Le personnage est complexe, un peu Docteur Jonathan et Mister Blondel. Au Standard, son analyse des événements a été excellente avant que son regard ne se strie d’éclairs de colère. Jo a souligné la bonne organisation, était heureux pour Ryan Donk qui a dédié le but égalisateur à sa défunte grand-mère et évoqué son travail de neutralisation de Nacho Gonzalez. Qui lui a valu une carte jaune. Lui et l’Uruguayen se sont livrés un beau duel, non ? Blondel est parti en vrille. Duel ? C’est un mot qu’il déteste :  » C’est cela, et vous allez dire que je l’ai blessé encore ? Au revoir ! »

Duel, pour lui, ce n’est pas un hommage à sa prestation mais une allumette qu’on craque pour l’enflammer. Cela en dit long sur ses souffrances, sur sa difficulté à accepter l’image que d’autres se font de lui. A 28 ans, il y a pourtant longtemps que le bonhomme aurait dû dépasser les clichés pour ne retenir que son importance sur l’échiquier brugeois. Ce n’est pas le cas. Est-ce à dire qu’on ne connaît pas le vrai Jo… ou qu’il ne joue pas à sa vraie place ?

 » Il y a beaucoup de préjugés à son égard « , signale Gil Vandenbrouck qui l’a vu arriver tout jeune au Futurosport de Mouscron.  » Jo a été un meneur de jeu, un 10 qui a évolué haut sur le terrain. Il a gardé ces qualités mais, avec le temps, ses différents coaches l’ont fait reculer dans le jeu. On ne voit plus que son travail de récupération, sans constater que peu d’essuie-glaces possèdent son bagage technique. Son séjour à Tottenham a peut-être contribué à donner une connotation virile à son style. Il serait regrettable que le côté engagement l’emporte sur ce qu’on demande à Jo. Ce joueur, c’est tellement plus. C’est un des meilleurs milieux de terrain de D1 mais on examine la moindre de ses fautes au microscope. Tout est agrandi et c’est dommage.  »

Le plus jeune buteur en finale de la Coupe

Petit (1m73), n’est-il tout simplement pas obligé de mordre les mollets pour exister en D1 où l’accent est mis sur l’engagement total ? Aurait-il voix au chapitre sans combat boots ?

 » Jo ne se résume pas à cette image « , lance Alex Teklak qui fut son équipier à Mouscron.  » Hugo Broos l’a lancé en D1 et sa technique a vite fait l’unanimité. Son pied gauche est magnifique et cela lui permet d’ajuster des frappes lourdes et précises. Le 1er mai 2002, il est monté au jeu à la 55e minute de la finale de la Coupe contre le Club Bruges. A 18 ans, 1 mois et 6 jours, certains auraient tremblé, mais pas Jo qui a égalisé et est le plus jeune buteur de l’histoire des finales de la Coupe. Oui, il se donne corps et âme mais je ne considère pas que ce soit un joueur volontairement méchant. Il est emporté par sa générosité. Et puis, il y a l’autre Blondel, l’homme que je connais bien, attachant mais on ne parle jamais de cet aspect de son caractère. Et je connais pas mal de joueurs qui adorent évoluer à ses côtés.  »

En 2002, Mouscron a absolument besoin de liquidités et Jo est poussé vers Tottenham en échange d’un chèque de 1,5 million d’euros. C’est trop tôt mais l’avis d’un gamin de 18 ans ne compte pas dans le foot-business. Et puis, on lui a fait miroiter des rêves qui se transforment en mirages et en torrents de larmes dans la solitude de sa chambre londonienne. Jo ne trouve pas son bonheur de l’autre côté du Channel et le Club Bruges le recrute en janvier 2004. Le retour est difficile car Trond Sollied a ses idées et mise plus sur Nastja Ceh sur le flanc gauche. Régulièrement blessé, Blondel doit faire preuve de patience. Jan Ceulemans et EmilioFerrera le prennent ensuite en charge en cherchant sa meilleure place.

Ferrera est le premier à le positionner au demi défensif. Bingo ?  » A mon avis, oui… « , note Olivier Doll, consultant de Be tv.  » C’est un technicien mais il a besoin d’avoir du pain sur la planche. Je ne pense pas qu’il serait plus à l’aise comme numéro 10. Si cela avait été le cas, on le saurait. Mais il lit bien le jeu et cela lui permet de placer des transversales. Plus haut, tout est très serré et sur le plan offensif, il est préférable pour lui de surgir de temps en temps. L’effet de surprise joue alors en sa faveur. A 28 ans, il entre dans ses plus belles années. La maturité va lui permettre de mieux exploiter ses qualités et de dompter son tempérament.  »

Mbo Mpenza partage le même avis :  » J’ai joué avec lui à Mouscron et on ne peut pas retenir que sa hargne. J’ai l’impression qu’on retient plus ses fautes que celles de certaines armoires à glaces. Je pense qu’il souffre de son manque de taille qui le pousse à ne rien céder dans les duels. Mais si Christoph Daum lui fait confiance, c’est quand même significatif. Jo a l’impression que personne ne dresse ce constat et se braque quand on évoque en priorité son travail de récupération. Au lieu de s’en offusquer, il devrait être fier de tout ce qu’il apporte dans son rôle de demi défensif.  »

Vainqueur de la Coupe avec lui en 2007, Cedomir Janevski continue à le suivre :  » A l’époque, Bruges jouait en 4-4-2 et je l’alignais sur le flanc gauche. J’appréciais ce joueur qui était encore jeune. Ce serait une erreur de modifier son style car Blondel ne serait plus Blondel. Il ne faut rien exagérer : ses fautes s’expliquent le plus souvent par un retard sur la balle. C’est un joueur talentueux qui a du caractère à la récupération. Il élimine facilement un homme, ce qui est important au centre du terrain. A mon avis, Blondel est même un box to box car il peut défendre dans son camp et porter le danger dans le camp adverse. Son étiquette de joueur brutal ne le sert pas, c’est vrai qu’il devra toujours vivre avec cette réputation. Mais il s’est beaucoup calmé et ce n’est pas fini.  »

PAR PIERRE BILIC – PHOTO : IMAGEGLOBE

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