Cocktails pour un champion

Tonus physique, fraîcheur mentale, innovation tactique, cadre de travail : qui détient les meilleurs atouts pour gagner le titre ?

Les six meilleurs clubs belges ont entamé la deuxième partie du parcours des play-offs 1, cette redoutable bataille de 10 matches échelonnés sur à peine six petites semaines. Alors que les ténors peuvent lever le pied entre deux affiches de la phase classique, les mécaniques ne cessent de monter dans les tours.

Personne ne peut se permettre le plus petit moment de répit. Les équipes vivent dans un tunnel inhabituel avec des corps et des volontés poussés à bout, presque aux limites de la rupture. Qui tiendra la distance ?

Le physique

 » Cette fois, tous les grands sont de la partie « , constate Manu Ferrera, le T2 de Gand.  » La saison passée, Courtrai, Zulte Waregem et Saint-Trond avaient pris part au bal. C’était plus facile contre eux mais ils ont été remplacés par Genk, le Standard et Lokeren. Au vu des qualités et des ambitions de chacun, les rencontres atteignent un niveau nettement plus élevé qu’en 2009-2010 mais elles sont aussi plus éprouvantes et demandent une préparation et un outil haut de gamme.

Avec son Académie Robert Louis-Dreyfus, le Standard dispose d’un immense avantage. Personne d’autre ne profite de telles installations en Belgique. Les Bufflalos doivent parfois traverser toute la ville pour bénéficier de séances de relaxation. Cela pompe de l’énergie. Les Liégeois ont tout sous la main : hôtel, vestiaires, unités de soins, bains, saunas, salles de power-training et terrains d’entraînement. Ils ne doivent jamais quitter leur chez eux. Cela ne signifie pas qu’ils seront champions mais ces conditions de travail facilitent la récupération. Et c’est important car la fraîcheur fera la différence. Nous avons disputé 53 matches cette saison si on tient compte du championnat, de l’Europe et de la Coupe de Belgique. Aucune équipe des PO1 n’a joué autant de matches que Gand.  »

Expert en matière de préparation physique, Guy Namurois, du Standard, approuve les propos de l’adjoint de Francky Dury :  » On ne peut carburer à fond du début à la fin d’une saison. Le Standard est au boulot depuis le 26 juin dernier ; cela fait plus de 10 mois et c’est énorme. Il aurait été intéressant de vivre deux moments de très haute conjoncture. Or, en raison d’une cascade de blessures inattendues ( Steven Defour, Axel Witsel, Cyriac, Mémé Tchite, etc.), le Standard a atteint pour la première fois son rythme de croisière à la fin de la phase classique du championnat. La qualification pour les PO1 a été acquise sur le fil et est due, en partie, au retour des éclopés mais aussi à un excellent stage de préparation hivernal. Dominique D’Onofrio et son adjoint n’ont pas 11 joueurs sous la main mais 23 ou 24 qui sont aptes à rendre service. A Anderlecht, cette évidence a payé cash : la compo de D’Onofrio a étonné mais a surtout prouvé que c’est tout un effectif qui bosse et participe au projet. Si un blessé revient plus vite au Standard qu’ailleurs, c’est une preuve de sérieux et de vigilance.

L’Académie constitue un magnifique outil de travail pour les 4 kinés, le docteur et les joueurs. Je suis certain que le Standard en tirera de plus en plus d’avantages. Tout y est planifié, organisé et le staff sait à chaque instant ce qui convient aux joueurs. Le T1 insiste sans cesse sur le travail. Et que constate-t-on ? Les joueurs ont été mis face à leurs responsabilités par Dominique D’Onofrio et ils les assument : certains se rendent seuls à la salle de musculation quand ils en éprouvent le besoin. Il n’y a que quelques mètres à parcourir pour y aller et ils ont leur programme. Bref, ils respectent leur statut de footballeur pro, se soignent et sont à l’écoute. J’ai parlé de Philippe Gilbert à l’un ou l’autre. C’est un exemple à suivre. Il ne laisse rien au hasard. Gilbert aurait pu lever le pied après l’Amstel Gold Race. C’était une belle victoire. Sa saison était déjà bonne. Mais non, un vrai champion en veut plus et Gilbert a été chercher, et de quelle façon, les bouquets de la Flèche Wallonne et de Liège-Bastogne-Liège. C’est la bonne mentalité. Après les PO1, il faudra se concentrer tout de suite sur la finale de la Coupe qui a lieu quatre jours plus tard. Je connais Axel Witsel depuis des années. Il pose des questions, écoute son corps, sait quand il doit se reposer. Il a aussi profité des matches de l’équipe nationale pour penser à autre chose, recharger les accus, bien dormir. Rien n’est dû au hasard. Axel a brillé avec les Diables Rouges et son petit creux au Standard fut vite oublié. A Anderlecht, Koen Daerden, entre autres, a parcouru beaucoup de terrain. Or, il ne joue pas souvent : cela prouve qu’il vit et travaille comme un vrai pro malgré son temps de jeu limité. Plus tard, Aloys Nong a affirmé que les Brugeois n’avaient pas pu suivre le rythme du Standard en fin de match : ils étaient cuits, nous pas. Depuis le début des PO1, l’accent est forcément mis sur la récupération et la fraîcheur. Les footballeurs n’ont plus rien à envier aux athlètes des autres sports. En général, la fatigue se fait surtout sentir 48 heures après un match. Alors, le calme s’impose. C’est un moment charnière avec massages, soins, relaxation, etc.

Il est évident qu’on ne peut plus imposer d’entraînements éprouvants pour le moment : il faut entretenir l’acquis d’une saison. Les joueurs dorment à l’Académie avant et après un match et une nuit à l’extérieur, la veille des matches en déplacement. En gros, nous gardons les joueurs sous la main durant quatre jours par match. A l’Académie, ils ont leur chambre individuelle, leurs habitudes et n’ont aucun souci à se faire. Où pourraient-ils mieux se reposer ? Les repas sont bien étudiés aussi. Dominique D’Onofrio pourrait les obliger à y passer les six semaines des PO1. Ce serait trop, évidemment. Il leur accorde généralement un jour de congé par semaine. De plus, pour éviter une éventuelle routine, il nous arrive de quitter l’Académie comme quand nous nous sommes rendus aux Thermes de Chaudfontaine. Les joueurs apprécient ces conditions exceptionnelles : c’est très motivant. « 

Victime d’une triple fracture de la pommette, David Hubert est actuellement sur la touche. Le capitaine de Genk ne désespère pas d’encore pouvoir prendre part aux deux ou trois derniers matches des play-offs, en portant un masque qu’il a essayé la semaine dernière. S’il ne participe pas aux entraînements collectifs pour l’instant, il vit de l’intérieur la vie du groupe.

 » Je constate que les entraînements sont un peu plus légers qu’en cours de saison régulière, plus axés sur la récupération « , avance Hubert.  » Ils s’intensifient en fin de semaine, lorsqu’on approche du jour de match, mais ils sont alors plus courts. Au contraire d’Anderlecht ou du Standard, par exemple, l’équipe n’est pas mise au vert la veille d’un match. En revanche, tout le monde dort à l’hôtel au retour d’un match. Question de contrôler la récupération et l’alimentation. Il est aussi arrivé que, le jour du match, tout le groupe se donne rendez-vous à l’hôtel à 11 heures afin de déjeuner, puis de faire la sieste. Toujours cette question de contrôler la récupération et l’alimentation. « 

Le mental

Les pics de forme n’obsèdent pas les joueurs à Genk :  » On essaye d’être en forme toute la saison « , poursuit Hubert.  » Je sais qu’avec la formule de la division des points par deux, on aurait pu se dire : -Après tout, si on perd un match, ce n’est pas grave, ce match ne vaut jamais qu’un point et demi ! Mais je ne connais aucun footballeur qui aborde un match sans avoir l’intention de le gagner. Tout cela a amené certains observateurs à estimer que Genk avait abordé les play-offs émoussé, et les deux défaites concédées au Standard et à Anderlecht avaient apporté de l’eau à leur moulin. C’était, c’est vrai, la première fois que l’on perdait deux matches d’affilée cette saison. Dans ces cas-là, il faut éviter que le doute s’installe et c’est là que le discours de Frankie Vercauteren est important. Il a porté ses fruits puisqu’on s’est bien repris. Je ne crois pas que le groupe ait jamais douté, il n’y avait pas de raison : on croit en nos qualités.  »

A Gand, on a fait appel à un psychologue.  » Il est à l’écoute du groupe et des individualités « , relève Ferrera.  » C’est un observateur et il transmet ses remarques au coach qui en tient compte pour motiver les joueurs qui en ont besoin.  » Or, si les préparateurs physiques se sont définitivement imposés dans le foot, il n’en va pas de même pour les psychologues et autres sophrologues. Mais ne seraient-ils pas utiles à ce moment des P01 où chaque geste et chaque attitude peuvent valoir leur pesant d’or.

Aux Pays-Bas, Michel Preud’homme a fait appel au spécialiste anglais Bill Beswick, qui a déjà travaillé avec le golfeur Tiger Woods, Derby County, Middlesbrough, Manchester City et à Twente la saison passée. Beswick s’entretient individuellement et collectivement avec les joueurs. La Belgique a du retard dans ce domaine. Et ces spécialistes ne devraient-ils pas aussi étudier le comportement des coaches ? Dury et Ariel Jacobs sont très sérieux, le banc du Standard réagit de façon très émotionnelle, Vercauteren donne l’impression de relativiser aussi sereinement les succès que les défaites : ne serait-il pas important à ce stade de la compétition de leur donner des idées pour encore mieux gérer leur effectif face à ses défis ?

La tactique

La tactique des équipes adverses est-elle encore plus décortiquée que d’habitude avant chaque match des PO1 ?  » Non : à force de se rencontrer aussi souvent, tout le monde connaît tout le monde, c’est logique « , prétend David Hubert.  » Je ne sais pas si l’on peut encore surprendre l’adversaire par des trouvailles tactiques. De toute façon, à Genk, on essaie de ne pas trop s’adapter à l’adversaire. On joue sur nos propres qualités, quelle que soit l’équipe en face. On croit en nos qualités, c’est aux autres d’essayer de nous contrer. « 

Le même sentiment règne à Anderlecht, au Standard et à Gand.  » La différence ne se fait pas à ce niveau-là. Gand a rencontré six fois le Standard cette saison « , estime Ferrera.  » On peut tout essayer : nous n’avons aucun secret l’un pour l’autre.  » Pas sûr car malgré les affirmations d’Herman Van Holsbeek, Anderlecht a sursauté en découvrant la composition du Standard lors de leur premier rendez-vous des PO1. Il y avait eu des suppositions dan la presse quotidienne mais la mise en place s’était déroulée dans le secret de l’Académie.

 » Motivation et fraîcheur feront la différence à la fin des PO1 « , explique encore Ferrera.  » Le mental aussi. Chaque journée de ces PO1 peut tout remettre en question : il faut des nerfs d’acier pour supporter de telles variations. Je ne sais pas qui sera champion. Mais si le Standard avait disposé de son équipe actuelle depuis le début de la saison, il aurait déjà le titre en poche. Pour moi, cela ne fait aucun doute. « 

PAR PIERRE BILIC ET DANIEL DEVOS – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Après les PO1, il faudra se concentrer tout de suite sur la finale de la Coupe quatre jours plus tard.  » (Guy Namurois)

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