Coach Européen de l’Année ESM 2006-2007

Le samedi 22 septembre avant le coup d’envoi du match contre Parme, Carlo Ancelotti a reçu le trophée de Coach Européen de l’Année 2006-2007 décerné par ESM (European Sports Magazines dont fait partie Sport/Foot Magazine). On l’avait rencontré peu avant…

La nouvelle de sa nomination, le coach du Milan l’a apprise officiellement le lundi 10 septembre, jour où il nous a conviés à Milanello à 14 heures. Comme on était en pleine trêve pour les équipes nationales, Carletto pensait vivre une journée calme avec un simple entraînement à 15 heures en compagnie des rares joueurs non retenus par leurs sélections respectives.

La journée était carrément estivale mais si, au centre d’entraînement du Milan AC, il faisait chaud ce n’était pas seulement parce que le thermomètre indiquait plus de vingt degrés.

Primo, la Squadra Azzurra y avait établi ses quartiers pour préparer les rencontres contre la France et en Ukraine, comptant pour l’Euro. Tous les internationaux italiens étaient rentrés à Milanello après avoir bénéficié d’une matinée de liberté.

Secundo, et cela concernait plus le coach milanista, le matin même l’affaire Ronaldo avait pris une plus grosse ampleur au point que le docteur Jean-Pierre Meersseman, coordinateur du Milanlab, avait été présenté comme le bouc émissaire. Tous les chroniqueurs présents espéraient avoir l’avis du coach sur la question. Cachant son regard derrière des lunettes noires, Ancelotti est entré par la porte latérale et est d’abord passé par son bureau avant de se diriger vers la salle de réunion. Ce fut Vittorio Mentana, le directeur de la communication du club, qui prit la parole en premier, insistant sur le fait que la direction avait décidé que l’on n’allait plus parler du cas Ronaldo. Ancelotti avait du mal à cacher son désappointement et sa perplexité :  » On me demande comment va Ronaldo. Que l’on pose plutôt la question aux médecins. Moi, on m’a annoncé son retour pour lundi, puis pour mercredi… « . Finalement, Ronaldo est rentré le 13 septembre…

Le coach champion d’Europe paraît un peu nerveux quand Pippo Inzaghi vient le saluer. Heureusement, cette visite a le don de le détendre :  » Grâce à tes deux buts en finale de la Champions League, j’ai été désigné Coach de l’Année avec à la clé un chèque de 500.000 euros… que je ne partagerai pas avec toi « . La première partie de la phrase (le trophée) était vraie, pas la deuxième (le chèque) !

Le succès face à Liverpool à Athènes a indiscutablement joué un rôle important dans votre désignation mais il n’y avait pas que ça qui méritait l’attention, non ?

Carlo Ancelotti : Je suis conscient que si je n’avais pas gagné la Champions League, je n’aurais probablement pas reçu ce prix. Je crois aussi que l’on a voulu récompenser tout le travail effectué le long de la saison. Nous avons livré de nombreuses prestations de qualité et notre demi-finale retour contre Manchester United a probablement été le plus beau match que nous ayons disputé depuis que je suis à la tête de cette équipe.

Ce succès vous a-t-il fait oublier votre échec toujours face à Liverpool en 2005 après avoir mené 3-0 à la mi-temps ?

Un tel revers n’est pas facile à oublier même si le temps fait son effet. Pour atténuer ma déception, je me répète que nous avions évolué ce jour-là à un niveau encore plus élevé que contre Manchester.

La défaite en plus !

Il vaut effectivement mieux que nous n’ayons pas perdu en mai dernier sinon je n’aurais pas été très souriant aujourd’hui.

Une fois votre carrière de joueur terminée, vous avez vite été adjoint d’Arrigo Sacchi en équipe nationale. Vous avez débuté en D2 à Reggio Emilia avant de passer à Parme, la Juventus et à Milan : on peut dire que vous avez eu de la chance !

Sans doute. Mais ma vraie chance est celle d’être toujours allé jusqu’au bout de mes contrats. A Parme et à la Juventus, j’ai traversé des moments où les résultats ne répondaient pas à l’attente et, malgré cela, les directions m’ont conservé leur confiance. Ce fut la même chose après notre échec en finale de la Champions League à Istanbul en 2005. Cette fois-là aussi, on aurait pu penser que le Milan allait repartir sur de nouvelles bases et que j’aurais aussi dû faire un pas de côté alors que j’avais encore un contrat d’un an. Ce changement de cap n’a pas eu lieu.

Devenir le recordman des coaches milanais

Le champion du monde Marcello Lippi a été élu Coach Européen de l’Année 2006 et vous maintenant : l’école transalpine se porte bien. Est-ce pour cette raison que des grands pays du foot, le Calcio est le seul à ne pas avoir un seul coach étranger ?

L’école italienne est importante, bien structurée et très enrichissante. Elle t’enseigne tant d’aspects du jeu. La preuve, c’est que les coaches italiens qui se sont expatriés ont obtenu de bons résultats. Giovanni Trapattoni a décroché des prix en Allemagne, au Portugal et maintenant en Autriche. Fabio Capello en Espagne. Et je ne cite que des plus connus.

Si : en 1999, j’ai reçu une offre très concrète de Fenerbahçe. J’ai même rencontré les dirigeants et nous étions sur le point de passer un accord quand est arrivée la proposition de la Juventus. J’ai opté pour le club turinois.

En 2003, vous êtes devenu le quatrième entraîneur à avoir gagné la Coupe des Champions après l’avoir remportée comme joueur. Quelle sensation cela vous procure-t-il de vous retrouver en compagnie de Miguel Muñoz, Giovanni Trapattoni, Johan Cruijff et Frank Rijkaard qui, depuis 2006, est venu s’ajouter à la liste ?

Je suis honoré de me retrouver en compagnie de ces personnes qui ont également été des joueurs de grande classe. Ceci étant, je n’ai jamais cru que le fait d’avoir évolué au plus haut niveau constituait un avantage et encore moins une condition indispensable pour être un bon coach. Je ne peux pas vous dire le contraire vu que mon maître à penser est Sacchi, qui n’a jamais évolué à un niveau respectable.

Maniant bien l’autodérision, il a déclaré :-J’ai vite compris que je ne deviendrai jamais un bon footballeur vu que j’avais les genoux qui se cognaient et deux pieds tordus.

(Il sourit) C’est la preuve qu’il avait bien la tête sur les épaules. Et je crois que c’est cela qui importe car tout le monde peut avoir une conception réaliste du football. Je comprends très bien que des personnes comme José Mourinho ou Rafa Benitez, se retrouvent à la tête de clubs de haut niveau. Cette tendance se vérifie aussi en Italie où plusieurs clubs ont confié la direction de leur équipe à de jeunes techniciens n’ayant pas une carrière convenable en D1.

Vous avez prolongé votre contrat jusqu’en 2010. Si vous tenez jusque-là, vous serez le coach à avoir dirigé le plus de rencontres de Milan. Difficile de croire que vous ne pensez pas à ce record appartenant à Nereo Rocco qui a coaché 279 matches en championnat alors qu’au début de cette saison vous en étiez à 207 ?

Pour moi, c’est un objectif important. C’est vrai qu’à la fin de ce contrat le compte devrait y être. On ne travaille pas seulement pour la victoire mais également pour laisser une trace. Ce record constituerait une grande satisfaction.

 » Certains prétendent que les résultats apportent la sérénité dans un club. Moi, je dis le contraire « .

Quelle trace pensez-vous avoir laissé au cours de vos six premières saisons ?

Du point de vue technique, il y a un cycle de résultats qui parle de lui-même. Mais ce qui m’apporte la plus grande satisfaction, ce sont les rapports humains. Certains prétendent que les résultats apportent la sérénité dans un club. Moi, je dis le contraire, la sérénité et la confiance amènent les résultats. Et j’en suis d’autant plus convaincu quand j’analyse la saison que nous venons de vivre. A cause du scandale, nous avons repris la compétition deux mois plus tôt avec des joueurs fatigués et d’autres qui n’étaient toujours pas remis de leurs problèmes physiques. Ce fut très dur de voir tous ces éléments ne pas avoir le rendement escompté et si nous n’avions pas fait preuve d’une grande solidarité nous ne serions jamais restés dans le coup en Ligue des Champions. D’ailleurs, ce ne fut qu’après notre victoire en quarts de finale contre le Bayern (2-2 à Milan et 2-0 à Munich) que nous nous sommes dit : -Maintenant, tout est possible et nous devons y aller à fond.

Quand on voit les résultats obtenus par les équipes ayant été sanctionnées (8 pour vous alors qu’il y avait eu la menace d’aller en Série B), on croirait pourtant que le handicap de points a eu le don de les booster.

Cela n’a pas été notre cas. Je le répète notre succès en Ligue des Champions a été l’objectif le plus difficile à atteindre. C’est la victoire la plus belle et qui a engendré le plus d’émotions car jusqu’en janvier nous ne nous sommes pratiquement pas entraînés normalement.

Deux Ligues des Champions pour un titre national : certains parlent de déséquilibre.

Je comprends qu’on puisse le prétendre. Pourtant, déjà quand je suis arrivé en 1988, en tant que joueur, on m’a directement bien spécifié que l’objectif numéro un c’était la C1. La politique du club est restée identique et la Champions League fait désormais partie de notre ADN. Maintenant, quand on a un noyau comme le nôtre, on se doit de lutter sur tous les plans et faire en sorte de ne pas être rapidement largué en championnat.

Comment voyez-vous cette saison ?

J’ai une impression très positive. La victoire d’Athènes nous pousse à aller de l’avant. Nous avons résorbé notre retard sur les autres candidats au titre et notamment l’Inter qui, il faut bien le reconnaître, a mérité son sacre. Comme l’AS Rome, nous nous immiscerons dans la lutte pour le scudetto même si, pour le moment, nous manquons encore un peu de vitesse. Ce qui se répercute sur notre jeu sans ballon et au niveau des possibilités de passes. Cela se ressent davantage en championnat qu’en Coupe d’Europe parce que l’on ren- contre des formations qui ferment plus la porte.

Si on vous avait dit en juillet que la revalidation de Ronaldo allait se prolonger, auriez-vous demandé un attaquant supplémentaire ?

Non, je considère cela comme un problème temporaire. J’ai Inzaghi et Alberto Gilardino à ma disposition. En janvier, je pourrai compter sur le Brésilien Pato (18 ans), qui est un investissement pour le futur. Du point de vue du caractère, il me semble plus timide que Kaka dans ses rapports avec ses équipiers. Mais à son arrivée, Kaka n’était pas non plus connu et tout ce qu’il faisait à l’entraînement constituait toujours une surprise. Je crois que Pato a beaucoup de souplesse dans son jeu. Il est en mesure de bien s’intégrer dans notre système, vu qu’il bouge beaucoup. Il cherche toujours le but adverse et n’est pas égoïste.

 » Cela me convient que l’on dise que mon équipe est vieille « .

A propos de Gilardino, vous l’avez aligné lors des trois premières journées et on ne peut pas dire que son début de saison a été fracassant. Il a même été hué par le public.

Je ne m’inquiète pas car son rendement en septembre n’a jamais été optimal. C’est seulement une question de temps et il va retrouver sa verve. Gilardino n’a aucun problème physique. Il faut qu’il retrouve sa tranquillité d’esprit et les choses vont changer. A l’entraînement, il se donne constamment à fond et il doit dorénavant réussir cela en match. Il est indispensable qu’il parvienne à s’isoler lors de la compétition. Il a très bien joué la première année chez nous (il a inscrit 17 buts) et a assez bien presté la saison dernière (12 buts) : il n’y a pas de raison qu’il n’en fasse pas de même cette fois-ci. Son problème est qu’il a une maturation lente et que jouer dans une grande équipe est difficile même si Milan est un club qui n’exerce pas une pression exacerbée. Ceci dit, il me déplaît forcément qu’un joueur se fasse siffler alors qu’il a exactement besoin du contraire.

Songez-vous déjà au Mondial des Clubs en décembre au Japon ?

Au niveau de la logistique, oui. Pour ce qui est de l’aspect sportif, nous y penserons ultérieurement vu qu’il s’agit de notre premier objectif de la saison.

Une victoire constituera-t-elle la fin d’un cycle ?

Non, car cette équipe peut encore remporter d’autres succès. Je ne comprends pas pourquoi on prétend que cette équipe est vieille. Ce n’est pas vrai. Il ne faut pas se limiter à calculer la moyenne d’âge du noyau. Il y a des joueurs qui ont atteint la maturité comme Pirlo et Gennaro Gattuso et d’autres qui sont en passe de la joindre comme Massimo Oddo et Marek Jankulovski et quand ils seront tous au top, on va s’amuser. Tout compte fait, cela me convient que l’on dise que mon équipe est vieille.

A ce propos, Paolo Maldini (40 ans) a été déclaré bon pour le service après l’opération subie au genou gauche le 29 mai. N’est-ce pas un peu encombrant d’avoir un personnage pareil ?

Non pourquoi ? Il n’est pas facile de le mettre sur le banc vu qu’il n’y a jamais été mais s’il joue, c’est qu’il le mérite et il le sait. Maldini peut apporter qualité et expérience à notre défense. C’est simple notre capitaine, il est… tout.

Cela doit vous arranger que, comme Alessandro Costacurta, il ait décidé de mettre un terme à sa carrière avant que vous ne deviez l’écarter ?

C’est évidemment plus facile comme cela.

par nicolas ribaudo

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