Club house

On a fouillé dans nos archives pour reconstruire le parcours de Davy De fauw, le nouveau défenseur brugeois.

En 2010, quand un journaliste a rendu visite à Davy De fauw à Kerkrade, il savait qu’Adrie Koster, alors entraîneur de Bruges, était sous son charme.  » Le Club sera toujours mon favori. Mon plus cher désir est de rejouer parmi l’élite de mon pays et si ça pouvait être à Bruges, j’en sauterais de joie.  »

Il a dû patienter quatre saisons et faire un détour par Zulte Waregem, avec lequel il a failli être champion il y a deux ans. Cet été, alors que personne ne s’y attendait, à commencer par lui, le Club a frappé à sa porte. Il tenait enfin son transfert à Bruges, la ville qu’il a quittée en février 2002, à l’âge de 19 ans, ses rêves envolés. Reconstruction.

Club Bruges (1987-2002)

Davy De fauw a cinq ans quand il s’affilie au Club. Il est tranquille et modeste mais il n’hésite pas à dire ce qu’il pense, comme le remarquent ses entraîneurs.  » J’ai été capitaine dès les équipes d’âge. Je ne m’érigeais pas sciemment en meneur mais je dirigeais les autres « , confie-t-il à Sport Foot Magazine.

Un bon footballeur mais rien d’exceptionnel, note Kevin Roelandts.  » On pouvait compter sur Davy. Il jouait toujours son match mais sans être de ceux auxquels on prédit la réussite.  » Pourtant, les scouts néerlandais, présents au quotidien le long des terrains belges, relèvent le nom du frêle défenseur.

 » J’avais 19 ans, je jouais en équipe B de Bruges et je m’entraînais parfois avec l’équipe Première mais Trond Sollied ne m’a jamais adressé la parole. Nous n’avons pas eu le moindre contact. Finalement, j’ai douté de moi-même. Mes parents m’avaient conduit d’Aalter à Bruges pendant 14 ans, j’avais tout fait pour mon sport mais je n’émergeais pas. N’ayant pas été repris dans le noyau A, j’ai entamé des études d’assistant social. Le Club ne m’a jamais signalé qu’il comptait sur moi. J’ai donc cherché une alternative au football.  »

Les doutes persistent, jusqu’à ce que Frank Rijkaard, l’entraîneur du Sparta Rotterdam, le remarque en 2001, durant un match pour Espoirs. Rijkaard, vainqueur de la Ligue des Champions avec Milan en 1989 et en 1990 puis avec l’Ajax en 1995, demi-finaliste de l’EURO 2000 avec les Pays-Bas, s’intéresse à De fauw.  » Je ne pouvais pas en croire mes yeux. Quand le Club a pris connaissance de l’intérêt du Sparta, il a voulu prolonger mon contrat mais j’ai pensé : pas de ça avec moi.  »

Sparta Rotterdam (2002-2006)

Il est jeune, peu sûr de lui mais dès leur premier entretien, Rijkaard lui insuffle confiance.  » Je n’oublierai jamais mes premiers pas sur le terrain d’entraînement du Sparta. Rijkaard m’a dit : – Dave, je crois vraiment en toi. Tu vas réussir. J’ai eu la chair de poule en entendant celui qui avait été un des meilleurs joueurs du monde et qui me prenait par l’épaule.  »

Moins d’un mois plus tard, De fauw est titulaire en D1 hollandaise.  » J’ai effectué mes débuts contre Willem II. Le deuxième match m’a opposé à Feyenoord. J’étais l’adversaire direct de Leonardo, un habile dribbleur. Il m’a trimballé aux quatre coins du terrain. Je n’ai pas été bon mais Rijkaard m’a dit : – Tire des leçons de tes erreurs. Tu joues la semaine prochaine. C’est la philosophie néerlandaise.  »

Au Kasteel, le port d’attache du Sparta, il s’épanouit.  » Les Néerlandais sont plus sociables et plus ouverts que les Belges. Ça les surprend quand je le dis mais j’ai été très bien accueilli dans ce club. Je suis devenu plus serein ballon au pied. Avant, je ne pensais qu’à me débarrasser du ballon, mais là, j’ai appris à bluffer. Comme les Néerlandais le font si bien.  »

La vie n’est pas facile à Rotterdam : le Sparta lutte chaque année pour son maintien et les supporters ne ménagent pas leurs critiques. En 2002, le club est rétrogradé. De fauw en est devenu capitaine et il assume davantage de responsabilités.  » J’ai appris à donner mon avis. Il le fallait pour m’imposer au milieu de tous ces Néerlandais à la grande gueule. Avant cela, je ne disais pas un mot mais depuis, je dis ce que j’ai sur le coeur. On le voit sur le terrain. En match, il faut être brutal. A Rotterdam, c’est simple, on passait son temps à s’insulter.  »

Au printemps 2006, le Sparta, coaché par Adri van Tiggelen, a retrouvé l’élite néerlandaise. Les clubs se disputent De fauw.  » Je pense que mon avenir se trouve aux Pays-Bas car personne ne me connaît en Belgique. Ici, je joue plus à mon aise, en plus.  » Il opte pour Roda, qui évolue depuis plusieurs années dans le subtop.

Roda (2006-2011)

Ce club est entraîné par Huub Stevens.  » Il m’a fallu du temps pour oublier l’agitation de Rotterdam. Roda est plus belge, plus sérieuse aussi. Là, on ne s’occupe que du football, comme dans les grands clubs belges : il y a des gens qui règlent tout à votre place. Quand mes parents venaient me voir jouer, le club leur offrait un repas.  »

Les lecteurs de Voetbal International nominent De fauw dans l’équipe de la saison deux années de suite mais il reste un illustre inconnu en Belgique.  » Aux Pays-Bas, neuf personnes sur dix savent qui je suis. En Belgique ? Une sur dix. On me demande souvent pourquoi je ne joue pas en équipe nationale. Que puis-je répondre à ça ?  »

Raymond Atteveld, le successeur de Stevens, ne tarit pas d’éloges sur le Flandrien.  » Il a d’abord été un arrière droit offensif mais nous l’avons posté au centre pour construire le jeu de l’arrière. Il a un tempérament offensif et il décèle les brèches. C’est un des piliers de l’équipe.  »

Le petit monde de Davy De fauw s’effondre le 7 décembre 2007. Roda mène sur le terrain du PSV à un quart d’heure de la fin et Atteveld le retire.  » Je me suis demandé pourquoi car il me remplaçait rarement. J’ai pensé qu’il voulait gagner du temps et je suis revenu très lentement vers le banc. La semaine précédente, il m’avait enguirlandé parce que j’avais quitté le terrain trop vite à la 85e minute. Puis j’ai fini par me poser des questions en le voyant gesticuler.  »

Dans la tribune, son père Jaqui avait eu un malaise et Atteveld voulait que le capitaine rejoigne sa mère.  » L’arrêt cardiaque de mon père a été le moment le plus traumatisant de toute ma vie. Heureusement, il y avait deux ou trois médecins dans les parages et ils l’ont réanimé. Moi, je me contentais de crier : – Pa, vis, n’abandonne pas. Pendant 22 minutes, il n’a pas eu la moindre réaction. Nous n’avons appris qu’il avait recommencé à respirer qu’une fois arrivé à l’hôpital. Je n’ai jamais ressenti un tel soulagement. J’étais là, en tenue de football… J’ai passé six nuits au chevet de mon père. Mes parents ont tout fait pour moi, ils ont parfois roulé 400 kilomètres pour suivre un match en déplacement à Heerenveen. Si l’issue avait été fatale, je ne crois pas que je serais revenu rapidement sur un terrain de football.  »

Harm van Veldhoven mène le club en finale de la Coupe des Pays-Bas en 2008. Feyenoord, sur ses terres, est trop fort. Un an plus tard, plus rien ne va à Kerkrade. Le club n’assure son maintien qu’au terme des barrages et la presse affirme que De fauw a un accord avec le Sparta, son ancien club.  » C’est faux, je suis lié à Roda jusqu’en 2012  » contre-t-il.

Le Club Bruges le visionne mais rien de concret n’en sort. Genk fait de même mais recule devant le montant du transfert. Quelques mois avant ses 30 ans, durant sa cinquième saison à Kerkrade, De fauw est pourtant prêt à tenter une nouvelle aventure.  » Rester est une option. Je n’exclus pas non plus un retour en Belgique mais je rêve de jouer un jour en Bundesliga.  »

Huub Stevens, en poste au PSV, l’approche, le Borussia Mönchengladbach est intéressé mais après presque dix ans aux Pays-Bas, De fauw revient en Belgique.  » J’ai été ému quand le responsable du matériel de Roda a pleuré en apprenant mon départ.  »

Zulte Waregem (2011-2014)

Darije Kalezic surprend en lui confiant d’emblée le brassard.  » S’il a été capitaine aussi longtemps aux Pays-Bas alors qu’il est belge, c’est pour quelque chose.  » Eddy Van den Berghe, l’adjoint :  » Davy parle couramment néerlandais, français et anglais. Il peut donc communiquer avec tout le monde tout en étant accepté par chacun, grâce à son aura, à son palmarès et à ses prestations.  »

Zulte Waregem vit une saison difficile avec Kalezic. Celui-ci a joué la plus grande partie de sa carrière aux Pays-Bas, où il a ensuite effectué ses débuts d’entraîneur. Il s’est trompé au sujet du championnat belge. De fauw :  » Les entraîneurs néerlandais pensent avant tout à l’attaque alors que la plupart de leurs collègues belges développent d’abord un concept défensif. Aux Pays-Bas, un défenseur est jugé sur ses qualités footballistiques alors qu’ici, on lui demande de neutraliser son adversaire direct. J’ai effectué une sorte de voyage dans le temps : j’ai dû me rappeler l’époque où je jouais en équipes d’âge à Bruges et où je devais veiller à l’organisation.  »

En décembre 2011, Zulte Waregem flirte avec les sièges éjectables et rappelle Francky Dury. De fauw redevient arrière droit.  » J’ai également évolué au coeur de la défense aux Pays-Bas mais en Belgique, compte tenu de l’accent placé sur les duels physiques, je m’exprime mieux depuis un flanc.  »

Dury ramène Zulte Waregem en eaux calmes puis, la saison suivante, termine à la deuxième place derrière Anderlecht, qui ne devance le petit club que lors de la dernière journée. Junior Malanda, Thorgan Hazard et Franck Berrier sont les étoiles de l’équipe mais dans notre classement du Top Foot, au terme du championnat régulier, c’est Davy De fauw, âgé de 31 ans, qui trône en tête : il n’a pas raté une minute de jeu.

Au début de la saison suivante, c’est le choc : ce n’est pas De fauw mais Thorgan Hazard qui reçoit le brassard. Patrick De Cuyper, l’homme fort du Gaverbeek à ce moment, a pris la décision mais Hazard rend le brassard à De fauw.  » Davy prouve tous les jours qu’il est un bon capitaine.  »

Que fait un bon capitaine, au fait ?  » Les entretiens individuels sont importants mais je m’adresse également à tout le groupe. Avant et après chaque match, je prends la parole dans le vestiaire. Pas plus de quinze secondes : les détails auxquels on doit être attentifs, des petites choses pour motiver mes coéquipiers… Sur le terrain, je m’adresse parfois très directement à eux, surtout en match. A l’entraînement, je le fais plutôt avec un clin d’oeil car c’est mieux accepté. On peut dire la vérité en souriant aussi…  »

Zulte Waregem se qualifie une fois de plus pour les PO1, dont il termine quatrième, mais ses piliers s’en vont les uns après les autres. Y compris De fauw, qui signe un contrat de deux ans au Club, le 20 juin dernier.

Club Bruges (depuis cet été)

Plus de douze ans après son départ, De fauw enfile à nouveau le maillot bleu et noir. Officiellement, il a été recruté pour pallier le départ de Tom Högli mais la direction du Club tient aussi compte du transfert éventuel de Thomas Meunier.  » J’ai eu un entretien positif avec Michel Preud’homme « , explique le défenseur sur le site du Club.  » Ma polyvalence constitue un gros atout.  » ?

PAR CHRIS TETAERT

 » A Rotterdam, on passait son temps à s’insulter.  »

Il mène avec Roda sur le terrain du PSV quand son père fait un arrêt cardiaque dans la tribune.

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