Club de mon coeur

Le prince héritier des entraîneurs hollandais revient à Bruges.

Il a passé quatre saisons dans la Venise du Nord. Maintenant, il doit tenter de démanteler le bloc brugeois pour sauver la campagne européenne du FC Utrecht.

Utrecht a zéro sur six. Vous devez être très déçu ?

Foeke Booy : Pour être franc, nous traversons une mauvaise période. Les joueurs misent sur la sécurité : ils font circuler le ballon ou le remettent au gardien au lieu de développer leur football. Nous ne manquons pas d’atouts mais pour être bons au niveau européen, nous devons tous être en forme. Mon rôle est de rendre confiance aux joueurs, de les motiver. Lorsque deux hommes sont en méforme, on peut les remplacer mais il ne faut pas non plus tout changer.

D’après les supporters, quand Stefaan Tanghe n’est pas bon, Utrecht ne tourne pas.

C’est vrai. Tanghe est la figure clef de l’équipe. Nous remarquons immédiatement s’il est bien ou pas. Stefaan assume toujours ses responsabilités et ne se cache pas quand ça ne va pas. Il continue à travailler.

Comment a-t-il évolué depuis son arrivée ?

Le premier semestre, notre style de jeu et nos entraînements l’ont perturbé. La pression que nous exerçons vers l’avant requiert un type d’entraînement dur, avec des exercices physiques, de la force, des séances de course et de la coordination. En plus, il est issu d’une culture plus défensive. Au début, il opérait dans un rôle libre sur le flanc droit. Maintenant, il occupe une position centrale.

Est-il une vedette ?

Sur le terrain. Sinon, il est introverti. Stefaan s’exprime avec ses pieds. C’est ainsi qu’il donne ses consignes aux autres. Lorsqu’il parle, c’est calmement. Il n’est pas non plus nécessaire de gesticuler ni de crier.

Que vous apporte Hans Somers ?

Il convient à la culture du club : il sait retrousser ses manches, il joue bien et a le sens du but. Ses débuts ont été pénibles car il est arrivé blessé de Turquie. Jeune, il est déjà expérimenté.

Johan Derksen, rédacteur en chef de Voetbal International, décrit Utrecht comme une équipe moyenne dont vous retirez le maximum…

Nous savons jouer mais nous sommes des travailleurs. Nos supporters entonnent toujours ce refrain : – Sang, sueur et larmes. C’était déjà ainsi à mon arrivée, il y a dix ans. On ne peut changer la mentalité d’un club. Ici, il faut être solide pour tenir le coup car quand ça va mal, les supporters se manifestent. Ils exigent le maximum, ils sont directs. Ici, un joueur ne peut se dissimuler.

Le club était virtuellement en faillite quand vous êtes devenu entraîneur principal.

On ne m’avait pas expliqué la situation. Je savais que nous ne pouvions effectuer de transferts mais ça ne me dérangeait pas car j’estimais pouvoir retirer beaucoup du noyau existant. Puis, en décembre, j’ai appris que huit ou neuf joueurs devaient partir en fin de saison. J’ai moi-même accepté une diminution de salaire. Mon contrat devait être revu à la hausse si je restais plus d’un an. Finalement, nous nous en sommes sortis grâce à notre victoire en Coupe.

Pourquoi êtes-vous devenu entraîneur ?

Ce fut spontané. Peut-être parce que je ne sais rien faire d’autre (il rit). Ce que j’aime, c’est faire progresser les joueurs, gagner quelque chose avec eux, gâter le public. Ce n’est pas une question d’argent. Les sommes qui circulent en Espagne sont dingues. Qui vaut ça ? Je me sentirais mal si je gagnais autant. Ce qui compte, c’est de pouvoir se dire, après sa carrière, qu’on a atteint quelque chose. Ce travail coûte plus d’énergie que je ne le croyais, il me poursuit même quand je rentre à la maison. On ne peut rien laisser au hasard car le moindre accroc provoque des réactions en chaîne. C’est le plus dur. Au début, je n’osais prendre un instant de repos mais c’est évidemment nécessaire. Il y a un mois, j’ai profité d’un week-end libre pour partir avec ma famille dans les Ardennes belges.

 » Les Belges devraient être plus brutaux  »

Dans quelle mesure votre séjour en Belgique a-t-il modifié votre vision du football ?

Je respecte le foot belge. Vous avez de bons joueurs, peut-être trop modestes. Ils gagneraient à être plus brutaux. La Belgique pense avant tout en termes défensifs. Longtemps, ce fut tabou aux Pays-Bas mais à force de prendre des claques, nous avons revu notre point de vue. J’ai appris à progresser à partir d’une bonne organisation. J’aime le jeu dominant, offensif, mais il n’est possible que quand on a le ballon. Pour l’avoir, il faut bien défendre. Ronald Koeman et Ruud Gullit l’ont appris en Espagne et en Italie et transmettent cette expérience ici aussi. Attaquant, j’ai été confronté au manque d’espaces, en Belgique. On exigeait plus de moi qu’aux Pays-Bas, je devais bouger beaucoup plus. J’ai travaillé ma puissance tout seul. Ceux qui s’imaginent retirer le maximum d’un minimum d’efforts se trompent d’adresse. Un joueur, même un jeune, qui est doué mais ne fait rien m’entend !

Pourtant, les techniciens recueillent les applaudissements. Vous l’avez vécu, avec Amokachi. Est-ce injuste ?

Non, si l’équipe connaît le succès grâce à eux. Si cette personne ne fait pas ce qu’elle doit, elle épuise son crédit. Ces joueurs-là peuvent à la fois se permettre beaucoup et peu de choses. Moi, quand j’étais moins bien, je jouais simplement. Parfois, je me suis demandé ce que je faisais sur le terrain. Dans ce cas-là, il faut se contenter de travailler dur pour les autres. Travailler n’est pas une question de forme : on peut toujours le faire.

Vos séances sont-elles plus dures que les belges ?

Non. Au Club, après certains entraînements, j’étais juste capable de me coucher. Georges Leekens savait exactement quand nous devions être au sommet de notre forme et quand il fallait s’entraîner dur. Certaines séances étaient plus dures qu’un match.

On vous surnomme le Prince héritier, le futur Entraîneur de l’Année.

Je suis plutôt timide. Je ne cherche pas la presse quand ça va. Nos bons résultats ne sont pas passés inaperçus et on m’est tombé dessus d’un coup. Je m’entends bien avec les journalistes. Cependant, je ne m’attarde pas sur les succès. Après notre victoire en Coupe, je me suis accordé un jour de fête puis j’ai recommencé à travailler.

Utrecht va de mieux en mieux.

Nous avons modifié l’image négative du club. Tout le monde nous pointait comme les premiers candidats à la relégation, la première année. Le club vient d’entamer sa première année sans dette, il peut préparer l’avenir. C’est chouette. Je remonte la barre progressivement.

Rêvez-vous d’entraîner le Club Bruges ?

Je l’espère. Je ne prendrais pas n’importe quel club. Il doit avoir des perspectives. Le Club Bruges est resté ancré dans mon c£ur, comme Utrecht. Ici, j’ai le temps et la chance de pouvoir progresser, y compris dans ma nouvelle fonction de directeur technique, qui me donne une autre vision des choses, qui accroît mon bagage. Je dois travailler davantage mais ça ne me gêne pas. On n’en meurt pas.

Quand serez-vous satisfait de votre saison ?

Quand nous aurons atteint nos quatre objectifs. Nous avons déjà gagné la Supercoupe et atteint ce tour en Coupe UEFA. L’Amstel Cup débute après la trêve, pour nous. En championnat, nous voulons plus de points que la saison passée, ce qui nous placerait juste en dessous du top trois, avec un billet européen à la clef. Utrecht a le huitième budget du pays. Toute place au-dessus de la huitième est donc un succès.

Geert Foutré

 » J’aime attaquer mais il faut d’abord avoir le ballon. Donc, D’ABORD DéFENDRE  »

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