CLUB BRUGES : UNE ROTATION QUI A DU BON ?

Chaque semaine, Sport/ Foot Magazine pose la question qui fait débat.

Faire le compte des compositions d’équipe du Club Bruges n’est pas simple. Cinq ou six changements par match ne sont pas une exception. Peu de joueurs sont sûrs de leur place chez les Bleu et Noir : l’arrière gauche LaurensDe Bock, l’arrière droit Thomas Meunier, le défenseur central OscarDuarte, le gardien MathewRyan. Et l’avant Felipe Gedoz depuis son arrivée. Le meneur, VictorVazquez, à l’exception du match à Ostende. Les autres font la navette entre le terrain, le banc et la tribune.

Tout le monde joue et reste en contact avec le football au plus haut niveau. Mais n’est-ce pas nuisible aux automatismes ? Dimanche, après sa nette victoire 3-0 contre le Standard, Michel Preud’homme a reconnu que le Club avait joué son plus mauvais match de la saison. Il avait déjà été mauvais cette année à Malines, après une autre victoire européenne.

A ce moment-là, un troisième match en une semaine avait été le match de trop pour des joueurs à peine rétablis de blessure (Vadis Odjidja, NicolasCastillo), pour un homme qui n’occupait pas son poste habituel (Vazquez) ou pour ceux qui digéraient mal trois matches en huit jours (FernandoMenegazzo). Un mois plus tard, le noyau est étoffé, la fraîcheur ne devrait plus être un thème mais ça ne va toujours pas. Est-ce dû à la rotation ou celle-ci va-t-elle produire ses effets plus tard et le Club doit-il simplement surmonter un moment difficile ?

Implication, oui. Automatismes, non !

Glen De Boeck pèse les avantages et les inconvénients.  » Chacun joue et est impliqué. C’est certainement un plus. Le groupe reste calme, chacun sait qu’il aura ses minutes de jeu et est concentré à l’entraînement. Cette rotation est partiellement due à la nouvelle formule du championnat. A terme, elle va permettre aux joueurs de conserver leur fraîcheur.

Le Club n’a pas disputé de Coupe d’Europe la saison passée, il a été rapidement éliminé de la Coupe mais c’est différent cette année. Le principal inconvénient à mes yeux, c’est que la fraîcheur n’est pas le seul paramètre. Il y a aussi la forme, individuelle et collective, la possibilité de trouver les autres. Or, ça ne se développe qu’à force de jouer ensemble. Personnellement, je préfère cette formule.

Joueur, l’approche de Michel me poserait problème. Je me rappelle la belle période qu’a vécue Anderlecht sous la direction d’Aimé Anthuenis. Il alignait pratiquement toujours les mêmes onze ou douze joueurs, en Ligue des Champions, en championnat, et ça marchait. Je m’interroge aussi quand j’entends dire que des joueurs ne pourraient pas disputer deux ou trois matches par semaine. Ce n’est pas un problème quand on se soigne. Il n’y a rien de plus chouette que de jouer tous les trois ou quatre jours, quand même ?

Pas touche à l’arrière-garde

Une question est difficile : la moindre qualité du jeu du Club est-elle liée à la rotation ? Ce n’est pas mesurable. N’oubliez pas que le Club a enrôlé beaucoup de joueurs fin août et qu’ils ne connaissaient pas notre championnat. Ils se trouvent dans une période d’adaptation. Plus ils vont jouer – et je suppose que c’est pour ça qu’ils sont plus souvent alignés – plus ils développeront des automatismes. A terme, on va arriver à une équipe plus stable.

Je ne suis pas assez proche du groupe pour dire si la rotation est liée à la gestion des joueurs. Le Club a déjà dit qu’Obbi Oulare était peu aligné parce qu’il n’était pas encore mûr physiquement. J’ai dû ménager des joueurs aussi. OlegYachtchouk au Cercle ou Cédric D’Ulivo à Beveren. Si on les fait jouer trop souvent, on les expose à des blessures. Est-ce le cas de Vazquez ou de LiorRefaelov ? Ce n’est pas un hasard si les défenseurs sont plus sûrs de leur place que leurs collègues offensifs. Il y a moins de concurrence derrière mais aussi plus d’exigences. Comme le Club a beaucoup de joueurs d’un niveau équivalent, il opère plus de changements dans le compartiment offensif, même en cours de match.  »

Un effet de surprise garanti

Pascal Renier, un ancien joueur du Club reconverti dans le management des joueurs, reconnaît que pendant sa carrière, ces changements l’auraient embêté.  » La communication est une tâche essentielle. Elle doit être claire et cohérente. Il faut expliquer aux joueurs pourquoi on agit ainsi. Si on y parvient et qu’on rallie tout le monde, ça ne doit pas nuire au jeu. Si chacun est attentif pendant les discussions tactiques, les grandes lignes doivent être claires, puisque le concept ne change pas. Mais cela requiert beaucoup de communication car un groupe est composé d’individus très différents. Menegazzo a passé la trentaine, il a fait carrière financièrement et sportivement. Reste l’honneur : un footballeur veut tout jouer mais Menegazzo comprend plus facilement qu’il joue à Helsinki le jeudi et se retrouve dans la tribune contre le Standard. Par contre, je peux imaginer que Silva, loué pour un an et en quête d’un nouveau contrat ou d’une autre équipe, veuille se montrer davantage, et que BjörnEngels grince des dents quand il marque deux buts à Ostende, puis fasse banquette en Coupe d’Europe, un match que tout le monde regarde.

L’effet de surprise joue et c’est peut-être une des raisons du bon parcours européen du Club jusqu’à présent. Notre groupe de management a six joueurs dans le noyau d’Helsinki et je connais bien l’adjoint. Il m’a téléphoné avant le match pour savoir comment le Club allait jouer. Je lui ai dit : – Franchement, je n’en sais rien. Par contre, cet effet est moins manifeste en championnat.  »

Le suivi comme norme ?

Le suivi scientifique est le dada de la direction. Les joueurs sont constamment analysés et ceux qui s’entraînent quelques jours dans le rouge sont retirés du groupe un moment. D’après Geert De Vlieger, c’est une des explications à cette rotation. Comme la formule de la compétition.  » Nous savons que les mois de mars, avril et mai sont décisifs. Il s’agit donc de disposer de joueurs frais à ce moment, même si atteindre son pic de forme n’est pas évident. Le Standard a essayé la saison passée en accordant moins d’importance à l’Europa League et en pratiquant la rotation. Ça ne lui a pas réussi. Le Club s’y prend autrement. Il veut lutter sur tous les fronts. Il n’aligne pas sa meilleure équipe ici et une moins bonne là. De là ces changements incessants.

Un suivi scientifique vous apprend beaucoup sur les capacités physiques d’un footballeur. L’Anderlecht de jadis pouvait compter sur BartGoor, DidierDheedene ou YvesVanderhaeghe, des joueurs capables d’abattre des kilomètres. D’ailleurs, ils en avaient besoin pour atteindre leur meilleure forme. Le Club aligne d’autres types de joueurs. On ne peut pas comparer les deux. Or, la fraîcheur et la créativité sont essentielles dans le compartiment offensif, qui subit le plus de changements.

Je voudrais balayer un argument de la table : le fait que la rotation conserve sa satisfaction à tout le groupe. Ça n’intéresse vraiment pas Preud’homme.  » ?

PAR PETER T’KINT

 » Le Club veut lutter sur tous les fronts. Une rotation est logique dans ces conditions.  » Geert De Vlieger

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