Climat LOURD

Bruno Govers

Malgré un contexte difficile, le Français ne regrette pas son passage chez les Bruxellois.

Titulaire mardi passé en Ligue des Champions à l’occasion du cuisant revers des Mauves au Werder Brême (5-1), Fabrice Ehret a dû s’accommoder quatre jours plus tard, lors du choc contre La Louvière, d’un simple rôle de réserviste puisqu’à la surprise générale, Walter Baseggio occupa le flanc gauche de la ligne médiane durant toute la rencontre.

 » Il y a deux raisons « , a dit Hugo Broos après la partie à la presse.  » D’abord, c’est un choix. Et puis, Fabrice a longtemps été blessé et a dû revenir plus tôt que prévu. Il n’est pas encore à 100 % « .

Au même moment, le joueur s’interrogeait :  » S’agissait-il d’un choix tactique ou l’entraîneur voulait-il me ménager ? Je n’en sais strictement rien car il ne s’épanche jamais. L’essentiel, de toute façon, c’est que l’équipe, sans bien jouer, soit venue à bout de ces adversaires vaillants qu’étaient les Loups. Pour Anderlecht, le plus important était de se remettre en selle après la déconvenue au Weserstadion « .

Vous aviez précisément opté pour Anderlecht, l’été dernier, avec l’espoir de participer à la Ligue des Champions. A défaut de durer dans cette épreuve, vous l’aurez malgré tout vécue de près ?

Fabrice Ehret : C’est une maigre consolation, mais c’est une consolation quand même, dans la mesure où, sur le plan physique, je suis revenu de très loin. Compte tenu du fait que j’ai bénéficié de temps de jeu contre le Werder Brême, tant au Parc Astrid qu’en Allemagne, je peux même m’estimer davantage verni que Nenad Jestrovic pour qui cette compétition aura été maudite puisqu’il n’y a guère goûté depuis qu’il est à Anderlecht. Mais c’est sûr que je m’attendais à autre chose, à l’image de la plupart des gens, ici au Sporting. La chute n’en est que plus dure.

Anderlecht s’est-il montré trop présomptueux ?

Quand on a échoué de très peu dans la qualification pour le deuxième tour de cet événement, comme il en avait été pour les Mauves la saison passée, il me paraît tout à fait logique de nourrir certaines aspirations quelques mois plus tard. Surtout lorsqu’on s’est efforcé de conserver l’essentiel de ses forces vives, tout en recrutant des nouvelles têtes (il sourit). Au moment d’afficher clairement ses ambitions, la direction ne pouvait toutefois se douter que l’équipe allait être versée dans la poule la plus forte. Lyon, le Celtic et, dans une moindre mesure déjà, le Bayern, c’était jouable. Mais dans le cas qui nous occupe, la tâche était autrement plus ardue.

Face à une concurrence moins huppée, notre team ne fermerait pas la marche dans sa poule qualificative. Pour moi, Anderlecht reste du sérieux, même si, à l’évidence, il manque de répondant face au gratin européen. Personnellement, je ne regrette rien en tout cas. Car je n’ai jamais joué, jusqu’ici, dans un environnement aussi huppé. D’accord, je n’ai connu que le Racing Strasbourg dans ma carrière mais je me suis quand même frotté aux meilleurs, en France, avec les Alsaciens. Et, vu ce vécu, je n’hésite pas à dire que, dans l’Hexagone, le Sporting se situerait aux premières loges aussi.

Moins technique qu’en France

Même si vous n’êtes plongé que depuis peu dans le grand bain du football belge, que vous inspire-t-il ?

A priori, je m’attendais à un plus grand clivage entre les formations de pointe et la deuxième partie du tableau. Mais je m’étais trompé. En France, un déplacement chez les mal lotis, comme Saint-Etienne et Ajaccio, ne constitue jamais une sinécure pour les grosses écuries. Je croyais, à cet égard, que les résultats étaient un peu plus prévisibles en Belgique mais la difficulté y est tout aussi ardue. Car ce n’est que sur le fil que nous nous sommes imposés au FC Brussels, par exemple, voire au KV Ostende. Dans l’ensemble, le niveau est peut-être moins technique qu’en France mais ces adversaires compensent leur infériorité dans ce domaine par une combativité de tous les instants. Un match, ce n’est manifestement jamais de la rigolade ici.

Surtout au Sporting où le mot crise a d’ores et déjà été prononcé. En êtes-vous surpris alors que le club occupe, malgré tout, la deuxième place du championnat ?

Des périodes de remous, j’en avais déjà connu au Racing Strasbourg au cours des six saisons que j’ai passées là-bas. Et ce club ne tenait pas, pour autant, le haut du pavé. En soi, abstraction faite du palmarès et de l’aura, il y a bel et bien des similitudes entre le porte-drapeau du football alsacien et Anderlecht. Au stade de la Meinau aussi, les supporters ne se satisfaisaient pas seulement des résultats stricto sensu. Il fallait, de surcroît, toujours y ajouter la manière sans quoi les gens montaient aux barricades. De ce point de vue-là, il n’y a rien de neuf, pour moi, au Parc Astrid. La seule chose qui m’étonne un peu, c’est le climat lourd qui pèse sur l’équipe alors qu’elle est toujours bien placée dans la course au titre. Je comprendrais que les gens maugréent si, comme l’Ajax, nous étions relégués à distance respectable des leaders. Mais ici, rien n’est fait.

Il aura fallu patienter jusqu’au derby pour que le public bruxellois vous découvre. Auparavant, vous aviez assisté aux matches en spectateur en raison d’une déchirure.

C’était ma toute première blessure musculaire et, marquez pas de chance, il fallait qu’elle survienne justement lors de mes débuts dans mon nouvel entourage. De fait, j’ai voulu trop bien faire dès mon arrivée et je me suis tout simplement forcé. Depuis le mois de février, en raison de mon éviction du noyau A pour non-prolongation de contrat, je ne m’étais plus entraîné de manière intensive à Strasbourg. Et les matches avec les doublures ne suffisaient pas pour compenser ce manque. Après avoir signé au Sporting, j’avais reçu un programme de préparation que j’ai suivi à la lettre. Mais, par rapport à mes coéquipiers, j’accusais un retard conditionnel à la reprise. Ce qui ne gâte rien, l’entrée en matière ne se déroule pas, ici, de manière très graduelle, comme j’en avais toujours fait l’expérience au Racing. Au Sporting, le staff technique avait mis d’emblée les bouchées doubles. Il est vrai que la perspective de la Ligue des Champions indiquait sans doute une telle approche. A cet égard, j’ai été pris au dépourvu. Et comme je ne voulais pas demeurer en reste, j’ai exagéré. Avec les conséquences désastreuses que l’on sait.

Après un tiers de championnat, où en êtes-vous aujourd’hui ?

Au plan domestique, je tiens pour ainsi dire les trois quarts d’une rencontre. Sur la scène européenne, c’est moins, en raison de l’intensité des échanges. J’escomptais revenir plus vite à mon meilleur niveau mais les événements ne m’y ont guère aidé. D’un côté, j’ai loupé l’essentiel de l’avant-saison, une période durant laquelle on travaille de façon assidue la condition physique. Par après, en raison des fameuses semaines anglaises avec trois matches en huit jours, l’accent aura été mis inévitablement sur la récupération, alors que moi-même j’avais toujours un retard à combler en matière de souffle et de rythme. Finalement, j’ai l’impression qu’on ne me découvrira sous ma véritable identité qu’au deuxième tour, au moment où j’aurai à la fois résorbé mon handicap et que j’aurai eu la chance de me préparer en fonction des nouvelles échéances avec mes partenaires lors du stage hivernal.

Homme du match au Brussels

A l’occasion de vos débuts, au FC Brussels, vous aviez immédiatement été désigné homme du match. Une surprise ?

Oui, quand même. Je savais que j’étais attendu au tournant et que je devais à tout prix me montrer sous mon meilleur jour. J’ai eu la chance de négocier de bons ballons, d’entrée de jeu, et j’ai su dès ce moment que c’était gagné pour moi. Par la suite, face à Genk, j’ai encore marqué des points à la percussion. Car provoquer l’adversaire et aller de l’avant sont les bases de mon jeu. En réalité, il n’y a qu’en Ligue des Champions que je n’ai pas pu donner la pleine mesure. Mais le contexte était bien sûr autrement plus relevé qu’en championnat de Belgique. Après le match à Brême, j’ai eu l’opportunité de converser un peu avec mon ancien pote strasbourgeois Valérien Ismaël. Il m’a dit qu’il n’y avait aucune honte à courber l’échine face à ses couleurs, tant son équipe est forte en ce moment. Je le crois aisément.

Pour un Alsacien, le pas vers l’Allemagne semble logique. Vous-même auriez pu aboutir à Kaiserslautern ou Bielefeld. Pourquoi avoir privilégié la Belgique ?

Si un club de grande envergure comme Brême, le Bayern ou Dortmund m’avait fait un appel du pied, j’aurais à coup sûr réfléchi. Mais parmi toutes les offres qui me sont parvenues, celle d’Anderlecht était indéniablement la plus alléchante. En choisissant le Sporting, en plus, aucun problème de langue ne se posait pour moi. Il n’en aurait pas été ainsi en Allemagne, car en dépit de la proximité de l’Alsace avec ce pays, je ne baragouine que quelques mots dans la langue de Goethe. Vous me direz qu’on ne doit pas nécessairement pouvoir bien s’exprimer dans la vie de tous les jours pour bien jouer, à l’image de Johan Micoud (il rit). C’est vrai mais je préfère ne pas plonger totalement dans l’inconnu.

A Brême, vous avez tiré tous les corners et phases arrêtées à droite du but en lieu et place de Besnik Hasi. Est-ce le signe d’une imbrication toujours plus pointue ?

Je n’étais pas spécialement demandeur, en ce sens que mon coéquipier albanais se débrouille plutôt bien dans ce registre. Mais l’entraîneur a insisté et je ne me suis pas fait prier. Dans l’absolu, je pense avoir une bonne frappe.

Malgré tout, vous n’êtes pas un buteur : 11 buts en 6 saisons en France.

Ce n’est pas anormal puisqu’à Strasbourg je jouais davantage à l’arrière qu’au milieu du jeu. Pour marquer, il aurait fallu que je m’illustre sur coup franc. Mais c’était la spécialité de Corentin Martins et je ne m’y essayais donc guère. A Anderlecht aussi, il y a des spécialistes : Pär Zetterberg et Walter Baseggio. Je ne vois pas pourquoi je m’immiscerais dans le débat. Mais si on m’y invitait, je ne me déroberais pas.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris depuis votre arrivée ?

La fidélité incroyable du public. En France, en raison des distances, les supporters n’accompagnent quasi jamais le mouvement, sauf lors des derbys régionaux comme c’était le cas lorsque Strasbourg affrontait Metz par exemple. Ici, je suis étonné par ces milliers de supporters qui suivent l’équipe dans tous ses déplacements. D’accord, la Belgique est un petit pays, ce qui facilite les choses. Mais à Brême, ils étaient tout de même près de 3.000 à nous soutenir. C’est fantastique.

Bruno Govers

 » A Strasbourg aussi, il fallait LE RéSULTAT ET LA MANIèRE  »

 » PROVOQUER L’ADVERSAIRE est la base de mon jeu  »

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