CLAN PORTUGAIS

Depuis dix ans, le filon portugais ne cesse d’être exploité. Trois nouveaux joueurs – tous défenseurs – ont rallié Liège.

La semaine passée, le Standard a repris le chemin des terrains. A l’image du centre d’entraînement, l’équipe est pourtant encore en chantier. 15 joueurs seulement répondaient présent le premier jour. Et dans ce noyau étriqué plusieurs personnes dont l’avenir ne se situe plus en terre liégeoise. Si Anderlecht a choisi de boucler quasiment son marché juste avant le début de la Coupe du Monde, le Standard n’en a ébauché que les grandes lignes. Pourtant, nul, en bord de Meuse, ne semble s’inquiéter. Et même la pers- pective du tour préliminaire de Ligue des Champions dont la date se rapproche inexorablement ne semble susciter une quelconque émotion.

Pourtant, malgré la chaleur estivale des derniers jours, le club liégeois n’a pas tourné au ralenti. Alors que les troupes d’ Herman Van Holsbeeck arpentaient les chemins d’Amérique du sud pour ramener quelques Argentins au prix fort, le Standard activait ses connexions européennes. Et en premier lieu, celle qui mène au Portugal. Depuis la reprise du club par Robert Louis-Dreyfus en 1998 et l’arrivée aux leviers sportifs de Luciano D’Onofrio, les dirigeants ont consacré leur énergie à pister des bonnes affaires sur les bords du Douro. Le passé du désormais vice-président du Standard qui fut autrefois manager général de Porto a permis de tisser toute une toile de relations.

 » On n’a pas fait confiance aveuglément au marché portugais « , explique Pierre François,  » On suivait quelques joueurs depuis un certain temps car ces éléments possédaient des qualités qui nous plaisaient et un curriculum appréciable. Or, il se fait qu’ils sont Portugais et de ce fait, ils peuvent venir chez nous à des conditions satisfaisantes vu les connexions de longue date que Luciano D’Onofrio et Michel Preud’homme entretiennent avec le Portugal « .

L’ancien gardien emblématique de Benfica confirme les liens étroits avec le pays lusitanien :  » C’est clair que pour nous c’est plus facile de réaliser ces transferts. Au Portugal, il y a davantage de clubs en difficulté financière, ce qui nous permet de récupérer à un prix avantageux certains pions, comme ce fut le cas, l’année passée avec Siranama Dembele. Et puis, nous avons une relation privilégiée avec Porto. Finalement, on peut expliquer ce filon par trois aspects : Le nom de Luciano qui y possède encore toutes ses entrées ; ensuite, pour les joueurs, ma présence est également importantes. Ils m’ont vu jouer et savent où ils mettent les pieds. Enfin, il y a l’aspect Sergio Conceiçao. C’est une sorte d’aimant qui attire. Si on réunit ces trois composantes, on arrive au fait que les joueurs portugais n’hésitent pas à rejoindre Sclessin « .

A cela, s’ajoute également la notion clanique. En faisant appel à plusieurs éléments d’un même pays, un club facilite leur intégration. Lokeren a agi de la sorte avec ses Islandais, Beveren avec ses Ivoiriens et Anderlecht avec sa colonie argentine.  » Quand on transfère des joueurs qui ont la même culture et la même langue, cela sert la cohésion du noyau « , ajoute François.

Filon inépuisable ?

Pourtant, plusieurs questions se posent. Le vivier portugais est-il de qualité suffisante ? A force d’y aller puiser, le Standard ne risque-t-il pas d’attirer quelques poissons peu fringants ? Les risques existent mais sont limités. Comme en témoignent les précédents achats, le club liégeois a connu beaucoup de réussite en allant relancer quelques internationaux portugais en mal de reconnaissance et de jeu dans leur pays. Manuel Dimas, Antonio Folha, Conceiçao et Jorge Costa ont tous apporté une plus-value au jeu du Standard. Echaudés par l’épisode Robert Prosinecki, certains craignaient le manque de rythme et d’envie des joueurs plus âgés. Or, tant Dimas que Conceiçao ont montré qu’ils ne ralliaient pas Liège pour uniquement visiter la ville et son Carré.

Cette fois-ci, le Standard, qui nous avait habitué à dénicher une grande star, a privilégié la piste d’anonymes présentant pourtant certaines références. Cette ligne de conduite suit celle imprimée lors des venues de Almani Moreira ou Fredrik Söderström.

 » Nous avions suivi Nuno Coelho au tournoi pour Espoirs de Toulon. On l’avait pointé et il a confirmé tout le bien que l’on pensait de lui « , explique Preud’homme,  » Pour Frans Masson, ce fut un des grands joueurs du tournoi. Détente, vitesse, pivotement, beaucoup de maturité, relance sobre et efficace. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est dans le rapport de Masson. Certains n’hésitent déjà pas à dire que s’il n’a pas trouvé sa place dans le noyau de Porto, c’est qu’il n’est pas si bon que cela ? Si on veut être négatif, on trouvera toujours des raisons de l’être. Maintenant, il suffit de se rendre compte de la richesse du groupe des Dragons et de l’âge du joueur (20 ans) pour se dire que l’on a fait une bonne affaire « .

A part Nuno Coelho, prêté un an, les Principautaires ont privilégié l’expérience. Rogerio Matias, qui a signé un contrat de trois ans, a 31 ans et Areias Lopes, prêté pour une saison, 29 :  » Il ne s’agit pas de n’importe qui « , analyse Preud’homme,  » Matias était très près de la sélection portugaise qui est partie à la Coupe du Monde. Cela dit tout quand on voit le potentiel de cette équipe. C’est une valeur sûre et ce qui nous a séduit en lui, c’est que c’est un joueur polyvalent (défense et milieu). Enfin, on a Areias Lopes. Il peut faire tout le flanc mais il peut aussi évoluer dans l’axe. Il avait été prêté par Porto à son voisin du Boavista et il revenait de prêt. Il n’aurait pas eu l’opportunité de jouer pour les champions en titre. Or, c’est quand même quelqu’un qui affiche déjà plus d’une centaine de rencontres dans le championnat portugais. L’année passée, il était titulaire à Boavista « .

A force de persévérance, le Standard s’est donc inscrit sur la carte du football portugais :  » C’est vrai qu’au début, on se demandait pourquoi les joueurs partaient pour la Belgique « , explique Joao Bonzinho, un journaliste de A Bola.  » Pour nous, ils allaient s’enterrer comme on peut le faire en partant au Qatar. Et pourtant, c’était oublier qu’il y a une vraie tradition footballistique en Belgique. La plupart de ces joueurs ont réussi leur pari. Folha, Conceiçao, Jorge Costa, Moreira y ont retrouvé leurs qualités. Mais qu’on ne s’y trompe pas, aucun n’a réussi à se faire un nom au Portugal ou à retrouver la sélection nationale en passant par le Standard. Même Conceiçao, pourtant élu Soulier d’Or. Ainsi, je ne sais pas ce que peuvent espérer Nuno Coelho, Rogerio Matias ou Areias Lopes. Ils apporteront quelque chose au club mais est-ce que le Standard va booster leur carrière ? Je suis sceptique « .

Et les Belges ?

Depuis dix ans, le Standard a privilégié la piste portugaise mais ne faut-il pas diversifier son carnet d’adresses ? Preud’homme :  » Avec Luciano D’Onofrio, nous sommes présents également en Italie mais ce marché-là n’est pas abordable financièrement parlant. On pourrait pourtant y réaliser de bonnes opérations. Nous avons également nos entrées en Croatie. Cela a abouti d’ailleurs à la venue de Mladen Pelaic, un jeune espoir du Dinamo Zagreb « .

A écouter les dirigeants du Standard, on croirait presque que c’est plus facile d’appâter de l’étranger que le jeune produit belge.  » A partir du moment où c’est possible, c’est toujours notre priorité de transférer du belge « , commente Preud’homme,  » On ne peut rien nous reprocher à ce niveau-là. Nous avons essayé d’attirer Tony Sergeant, Michaël Cordier et Jean-François Gillet mais cela n’a pas réussi. Parfois ce sont les clubs qui font barrage comme dans le cas de Zulte Waregem, parfois ce sont les joueurs comme dans celui de Gillet. Il estimait qu’au Standard, il n’aurait pas la possibilité de jouer. Ils veulent qu’on leur promette une place de titulaire mais on ne peut décemment pas le faire. Maintenant, si eux ne veulent pas relever le challenge, on ne peut rien faire « .

Pierre François corrobore les propos de son directeur sportif :  » Les clubs belges sont particulièrement gourmands. Leurs exigences sont telles qu’il nous est difficile d’ajouter le salaire du joueur aux indemnités de transfert. C’est ce qui s’est passé dans le cas Sergeant… « .

STÉPHANE VANDE VELDE

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