City bird

Quasiment inconnu en Belgique, il s’envole en Premier League.

Très discrètement, le garçon du Portway, un restaurant italien très branché, longe la table avec quatre cartes et un stylo. Nico Vaesen, le gardien de Birmingham City FC, a été reconnu. Nico n’est connu en Belgique que par les spécialistes mais en mai, il a fait la couverture du Times suite à la promotion de Birmingham. La finale se jouait dans le magnifique stade de Cardiff. Devant 72.000 spectateurs, Birmingham l’a emporté contre Norwich City, en grande partie grâce à lui puisqu’il a arrêté l’avant-dernier penalty.

L’Angleterre a changé Nico Vaesen. Il y a quatre ans, il a dû quitter la Belgique par la petite porte. Il en avait marre de ne jouer seulement qu’une mi-temps avec les jeunes de St-Trond. Au Cercles Bruges, il n’a pas réussi à déloger Yves Feys du but. A Alost il s’est blessé à la main lors de la première séance d’entraînement. Il est revenu assez vite après son opération. Mais il a dû se faire opérer une deuxième fois et a eu beaucoup moins de bons moments. Lorsqu’à la mi-saison, Alost est allé chercher Philippe Vande Walle, Vaesen a disparu en une semaine et est passé dans le noyau B. Il a été transféré à Huddersfield Town, un club de D2 où il a terminé trois ans dans le top 3 des meilleurs joueurs. Depuis, il a passé une saison à Birmingham.

Pouvez-vous présenter Birmingham?

Nico Vaesen: C’est une équipe avec un énorme potentiel. En First Division, on comptait en moyenne 22.000 à 24.000 supporters par match, à égalité avec Wolverhampton et Nottingham Forest. On était juste devancé par Manchester City qui en attirait 32.000. A Huddersfield, j’ai joué devant 14.000 spectateurs, avec des piques à 20.000. Birmingham est la deuxième agglomération après Londres, une métropole de six millions d’habitants. Depuis la reprise par les nouveaux propriétaires, tout le monde veut jouer à Birmingham parce que le club a une meilleure réputation et un grand public.

Comment y êtes-vous arrivé?

Sans la relégation de Huddersfield, il ne me serait pas venu à l’idée de quitter le club. Nous venions juste d’acheter une maison et nous étions heureux. Les enfants devaient tout à coup abandonner leurs amis. Huddersfield est à une demi-heure de voiture d’ici. En Belgique, le trajet n’aurait pas posé de problème mais en Angleterre, un sportif n’est autorisé qu’à rouler maximum une heure. Sportivement, la dernière saison avec Huddersfield a été compromise. L’année précédente, nous avions raté de peu les playoffs pour la promotion. Et avec la même équipe, un an plus tard, nous luttions contre la relégation. Steve Bruce, qui est à nouveau mon manager, a quitté le club, désabusé. Les premiers matches, nous avons pris quatre points mais cela n’a pas duré. La dernière journée, nous devions aller chercher un point à Birmingham pour rester en First Division mais nous avons été défaits 2-1. Le propriétaire, qui avait repris le club quelques années auparavant, ne voulait plus investir et souhaitait revendre ses parts. Pour compenser la grosse différence de l’argent des droits TV, qui existe entre la deuxième et la troisième division, quelques joueurs ont dû être vendus. Norwich était intéressé mais voulait donner la moitié du prix demandé du transfert, qui atteignait 1,1 millions d’euros. Birmingham a payé le montant sans sourciller parce que le manager Trevor Francis me voulait. Médiatisation à outrance

Comment évaluez-vous sportivement Birmingham?

Le club a joué trois années d’affilée les playoffs pour la promotion mais chaque fois, ça n’a pas réussi. A mon arrivée, j’ai été surpris et un peu déçu car je suis tombé dans un groupe exténué. L’entraîneur et la plupart des joueurs étaient ensemble depuis déjà quelques années et l’ambiance n’était pas très bonne. Lors de la préparation, nous avons perdu contre des équipes moins bien classées. J’ai débuté titulaire. Le premier match à domicile contre Millwall, j’ai stoppé un penalty. Après un mois, je me suis blessé au coude. Lorsque je suis revenu en décembre, Francis était parti et remplacé par Bruce. L’autre gardien, qui était au club depuis dix ans, a alors joué tous les matches. Sans préparateur spécifique, c’était difficile de revenir. En début de saison, l’entraîneur des gardiens est devenu le coach. J’avais besoin de soutien pour retrouver mon niveau. Lorsque Steve Bruce est arrivé, je savais que je recevrais ma chance si j’étais prêt. Avant que je signe à Birmingham, j’ai été testé dans son club précédent, Crystal Palace, qui ne souhaitait pas payer l’indemnité du transfert. Quand je suis revenu dans le parcours, nous étions septièmes, juste en dessous des places des playoffs. Début février, j’ai reçu ma chance pour deux matches décisifs à Bradford et Norwich. éa a marché, à Norwich, j’ai arrêté un penalty. A partir de là, nous n’avons perdu aucune des dix rencontres restantes et on a continué sur cette lancée les trois matches du tour final.

Vous étiez le héros de la finale contre Millwall et vous avez fait la couverture du Times.

Je n’avais jamais joué dans une ambiance aussi intimidante. Après le match, des voitures et un pub ont été incendiés et 52 policiers et 29 chevaux ont été blessés. Nous n’avons pas fait la fête. Nous sommes restés bloqués deux heures et demie dans le vestiaire. Pendant que nous quittions le stade sous escorte, le bus a été touché par des pierres. Mais la finale était vraiment une grande fête. Auparavant, j’avais joué devant 44.000 spectateurs à Sunderland et une fois devant 33.000, à Manchester City. Mais quand vous entrez dans l’Arena couverte remplie de 72.000 supporters fanatiques, divisés en deux camps, c’est tout à fait autre chose.

Qu’attendez-vous de la Premier League?

Tout va être différent. Au camp d’entraînement en Ecosse, nous avons déjà été suivis par quatre journalistes et une équipe de caméras. Le manager nous a avertis que nous devons garder secret ce que nous faisons. Maintenant, on ne pourra plus aller dans un pub et en sortir en titubant comme on faisait l’année dernière. La Premier League est extrêmement médiatisée. Heureusement qu’on a pas encore de Beckham chez nous.

Le maintien est-il réalisable?

Nous avons une équipe bien équilibrée mais il faut nous faire à l’idée que la saison va être très longue et très lourde. « J’accepte mes limites »

Vous sentez-vous chez vous en Angleterre?

En comparaison avec Huddersfield, qui est plus un club familial, je considère que l’ambiance à Birmingham est froide mais c’est toujours comme cela à mesure qu’on monte dans la hiérarchie sportive. J’ai toutefois été agréablement surpris car l’atmosphère entre les joueurs est moins soupçonneuse qu’en Belgique. Celui qui ne joue pas est malchanceux mais soutient son partenaire. Lorsque j’ai pris la place de mon collègue dans le but, il me souhaitait le meilleur avant le coup d’envoi et me félicitait après le match si j’avais bien joué.

Vous êtes arrivé en Angleterre sans nom. Est-ce qu’on vous a négligé?

Non, je fais ce que j’ai envie ici. J’ai lu que Gilles De Bilde ne trouvait rien pour manger dans les environs pourtant je trouve tout ce qu’il y a dans les magasins et les grandes surfaces de Belgique. Ainsi je mange toujours des fruits au petit déjeuner alors que mes coéquipiers avalent un oeuf sur le plat, des saucisses et des haricots. Nous nous sentons bien ici et nous ne sommes pas pressés de retourner en Belgique.

Combien de temps voulez-vous encore rester?

Volontiers jusqu’à la fin de ma carrière. J’aurai 32 ans le mois prochain et j’ai encore deux ans de contrat.

Leekens a dit à propos de vous: -Nico veut toujours trop bien faire et, sous pression, il se rend inutile.

D’autres ont déclaré cela également. Si plusieurs personnes disent la même chose, vous devez prendre en compte leur avis. Avant, je me mettais trop de pression. Quand vous voulez trop bien faire, vous jouez en étant quasiment convulsif. Ici, j’ai aussi appris à accepter de faire des erreurs. C’est inévitable quand vous jouez 50 matches par an. En Belgique, après une erreur, j’étais doublement tendu. J’avais un problème de conscience. Je trouvais que j’avais abandonné le groupe et que je devais absolument saisir l’occasion de me rattraper. La conséquence est que vous faites alors des erreurs plus facilement. Avant, je voulais aussi m’entraîner dur chaque jour. Maintenant, je choisis les jours et j’écoute mon corps. En Angleterre, j’ai appris à accepter mes limites et à utiliser mes qualités. Maintenant, j’ose me montrer sur les balles hautes.La Manche à la nage

En Belgique presque personne ne vous connaît. Est-ce que vous avez un peu de rancune envers cela?

Je mentirais si je dis que ça ne m’apporte pas de motivation supplémentaire. Beaucoup de personnes pensaient que je m’enterrerais en Angleterre. Dans un journal, il était écrit que j’allais en troisième division. Beaucoup de Belges ne savent pas bien ce que représente la First Division. C’est très difficile d’en sortir. Le rythme est extrêmement élevé, évidemment au détriment de la technique. Une rencontre stérile n’existe pas ici. Il n’y a presque pas de moments morts. En Belgique, Birmingham jouerait le titre, alors qu’ici, il va devoir lutter contre la dégradation..

La Belgique va commencer à s’intéresser à vous. Personne d’autre que vous n’évolue en Premier League.

C’est vrai, j’ai la chance d’y évoluer. Je veux réaliser de bonnes prestations avec Birmingham. Si le coach national me trouve assez bon, je viens à pieds s’il le faut. Enfin, je veux dire à la nage. Mais je ne m’en soucie pas pour l’instant.

Geert Foutré, envoyé spécial à Birmingham

« Heureusement qu’on n’a pas encore de Beckham chez nous »

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