CINQ ANS SEULEMENT

Fin mai 2009, la Belgique prenait part à la Kirin Cup. Retour sur une période où la marque Diables Rouges n’avait pas la même saveur…

Le 17 juin prochain à 13 h locales, la Belgique retrouvera enfin le chemin d’une Coupe du Monde après douze longues années d’absence des tournois internationaux. Douze années vraiment ? Pourtant, à la fin du mois de mai 2009, la Belgique prenait part à une autre compétition rassemblant des équipes nationales : la Kirin Cup. Sport/Foot Magazine est revenu sur cette compétition insolite avec les principaux acteurs de celle-ci.

Nous sommes le 1er avril 2009 et René Vandereycken, le sélectionneur fédéral depuis 2005, remet sa dernière blague à la Belgique sous la forme d’une nouvelle défaite de nos Diables en Bosnie-Herzégovine (2-1). C’est le revers de trop et le 9 avril, le Limbourgeois est démis de ses fonctions. L’adjoint de Vandereycken, Franky Vercauteren, doit assurer l’intérim avant la désignation d’un nouveau sélectionneur.

Mais en cette période de démobilisation générale, les pontes de l’Union belge ont apparemment oublié qu’ils avaient été invités à participer à la fin du mois de mai à la prestigieuse Kirin Cup qui a lieu chaque année au Japon. La Belgique doit y affronter le Chili puis le pays hôte.

Vercauteren rend le 18 mai une présélection de 34 noms. Parmi ceux-ci, des débutants comme Yves De Winter (Westerlo), Joachim Mununga (KV Malines), Bjorn Vleminckx (KV Malines), Toby Alderweireld (Ajax) mais aussi des anciens ou d’autres joueurs moins souvent appelés comme Stein Huysegems (RC Genk), Brian Vandenbussche (Heerenveen) ou Jeroen Simaeys (Club Bruges). C’est à ce moment que les problèmes commencent à apparaître.

Car de ces 35 joueurs initiaux, certains sont blessés (Sonck, Simaeys, Kompany, Vleminckx, Bailly et Odjidja) et d’autres sont encore engagés à l’étranger avec leur club (Hazard, Mirallas, De Roover, Fellaini). Certains autres refusent tout simplement leur sélection ou ne sont pas libérés par leur club.  » Au moment de la convocation, tous les quarts d’heure il y en avait un qui sautait de la liste « , nous confie Olivier Renard qui a officié comme deuxième gardien durant cette compétition.

 » Certains de ces joueurs, je ne les connaissais pas !  »

Les équipes ne veulent pas libérer leurs joueurs pour une compétition amicale et ceux-ci sont aussi réticents de se rendre au Japon.  » J’ai au moins appris pas mal de choses quant à la mise à disposition des joueurs pour leur équipe nationale lors de cette Kirin Cup « , nous confie Jean-Marie Philips alors directeur à la Fédération.

Il reproche notamment au Standard et à Anderlecht de refuser de mettre leurs joueurs à disposition. Chez les Mauves, les joueurs ont choisi eux-mêmes de ne pas répondre à la sélection tandis que l’Union belge aurait reçu un fax du Standard indiquant que le club ne voulait pas libérer ses joueurs pour leur permettre de se reposer après les test-matchs contre Anderlecht.

 » Il n’y avait aucune contrainte d’aller au-delà de l’obligation normale de libérer les joueurs « , explique PierreFrançois, directeur technique du Standard en 2009.  » Si un club et ses joueurs estiment ne pas devoir aller à une compétition autre que celles du calendrier international (ndlr, la Kirin Cup n’étant pas reconnu par la FIFA), il est logique que les joueurs puissent bénéficier des vacances dont ils ont besoin, personne ne peut se plaindre de cela.  »

Tant bien que mal, le sélectionneur arrive finalement à pondre une sélection fortement rajeunie et sans expérience. Il y inclut notamment des nouveaux pour qui c’est la première apparition sous le maillot belge comme Geoffrey Mujangi Bia (Charleroi), Jelle Vossen (Genk), Kevin Roelandts (Zulte Waregem), Ritchie De Laet (Manchester United), Ritchie Kitoko (Albacete, D2 espagnole) ou encore un certain Radja Nainggolan (Piacenza, D2 italienne).

Franky Vercauteren garde une certaine amertume de cette expérience au Japon.  » Si c’était pour faire les choses comme cela, il aurait peut-être mieux fallu dire carrément qu’on y allait pas. Si je n’avais pas eu autant de respect pour les joueurs qui ont bien voulu participer, même moi je ne serai pas parti.  »

Les Diables arrivent quand même au Japon et la préparation se déroule à merveille.  » Il y avait une très bonne ambiance « , confirme Vercauteren.  » Mais il ne faut pas croire que c’était le Club Med. Ces joueurs voulaient donner le maximum et montrer de quoi ils étaient capables. Mais bon, ils n’avaient jamais joué ensemble. Certains de ces joueurs, je ne les connaissais même pas. Ils venaient d’Italie et d’Espagne. C’est surtout mon adjoint lors de ce tournoi, Marc Van Geersom qui a téléphoné à gauche et à droite car il en connaissait certains des -19 et des -21 mais moi, je n’avais jamais vu un rapport sur ces garçons.  »

Un nul contre le Chili et une correction du Japon

Pour Joachim Mununga aussi, c’était la première sélection après avoir joué en équipe d’âge.  » Cette Kirin Cup, c’était une récompense pour le travail de la saison et un honneur. Fatalement, je pense que l’ambiance était décontractée lors de ce tournoi et c’était naturel. Il n’y avait pas d’échéances juste derrière, c’était un tournoi de fin de saison.  »

Arrivés sur place, les Diables disputent leur premier match contre le Chili. À la surprise générale, la Belgique décroche le match nul contre l’équipe sud-américaine grâce à un but de… KevinRoelandts.  » C’était un moment très spécial, le meilleur de ma carrière « , confesse le joueur qui évolue maintenant au KSK Maldegem en promotion. Mon objectif dans le tournoi était de travailler dur pour pouvoir jouer et prouver de quoi j’étais capable. Je n’espérais pas jouer autant au départ mais Moussa Dembélé s’est blessé et Franky a dû choisir entre Jelle Vossen et moi. À ce moment, je jouais bien, donc j’ai commencé. C’était inespéré pour moi. En plus, ce fut notre seul but du tournoi.  »

Par la suite, l’équipe de Vercauteren recevra une correction par le Japon (4-0) mais l’essentiel n’était pas là.  » Mon meilleur souvenir fut de côtoyer certains grands joueurs « , nous déclare Mununga.  » C’est un très bon souvenir pour moi. Je me rappelle avoir rencontré Nakamura quand on a joué contre le Japon et ça m’a marqué de voir à quel point il avait une discipline de jeu digne des plus grands joueurs.  »

Pour Olivier Renard aussi l’expérience fut bonne et il refuse de jeter la pierre à ceux qui n’ont pas voulu participer à cette compétition.  » Tous ceux qui se sont rendus à cette Kirin Cup avaient envie d’y aller. Maintenant, il faut comprendre aussi certains joueurs. Ils jouent au top niveau en Europe, disputent énormément de matchs et ont parfois besoin de repos. Quand c’est pour aller à une Coupe du Monde ou un Championnat d’Europe, la question ne se pose pas mais quand c’est un tournoi avec des matchs amicaux ça devient problématique. Je ne jette pas la pierre à ces gens-là car je pourrais très bien les comprendre. Et puis ça a donné la possibilité à certains jeunes d’intégrer le groupe de l’équipe nationale et certains d’y rester.  »

Un concert de chansonnettes

Ce fut le cas pour Alderweireld et un peu plus tard pour Nainggolan. L’ancien portier de Malines et du Standard nous livre même une anecdote cocasse : » Il y a une tradition en équipe nationale et de plus en plus en club : quand il y a un nouveau en équipe nationale, il doit pousser la chansonnette. Et là, comme il y avait 4, 5 ou 6 nouveaux voire plus, on a eu droit à un vrai concert donc c’était assez marrant. Un vrai concert gratuit. La qualité, par contre, n’était pas exceptionnelle (rires).  »

Aujourd’hui qui pourrait imaginer un tel scénario ? Au vu de l’ambiance en équipe nationale, les exigences de Marc Wilmots et les ambitions retrouvées des Diables, cela paraît surréaliste. Et pourtant, c’était il y a cinq ans. Seulement…

PAR OLIVIER EGGERMONT – PHOTOS: BELGAIMAGE

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