L’ex-Interiste a quitté la Premier League pour se produire devant le public belge.

Un titre européen avec les -21 italiens, deux saisons à l’Inter avec une finale de Coupe de l’UEFA, dix ans en D1 anglaise avec une finale de la Cup et des matches de Ligue des Champions. Et aujourd’hui, la cave de notre D1 avec Mons. Quelle mouche a bien pu piquer Alessandro Pistone (32 ans) ? La vedette italienne se présente, retrace son parcours et aborde sa nouvelle vie.

Vous êtes né à Milan : pourquoi avoir joué à l’Inter plutôt qu’à l’AC ?

Alessandro Pistone : Restons sérieux… (Il se marre). Quand vous recevez une offre de l’un de ces deux clubs, vous n’hésitez pas, vous ne faites pas le difficile, vous signez. C’est l’Inter qui m’a proposé un contrat professionnel, pas l’autre monument de la ville. Mais j’étais d’abord passé par l’AC : j’y suis resté pendant trois ans en équipes d’âge. A ce moment-là, je rêvais de devenir footballeur professionnel, et de préférence à l’AC Milan. C’était l’époque du trio magique hollandais : Frank Rijkaard, Ruud Gullit, Marco van Basten. Mais j’ai dû partir à 13 ans parce que j’avais des problèmes de croissance. Pendant un an, je n’ai plus pris un centimètre alors que tous mes coéquipiers se développaient normalement. Je suis resté un enfant alors que mes copains entraient dans l’adolescence. A 17 ans, je suis devenu pro à Solbiatese, un club de quatrième division. Une fois que le foot est votre métier, vous n’avez plus les mêmes désirs qu’un supporter et j’ai arrêté d’être obsédé par une carrière à l’AC Milan.

Vous êtes un vrai back gauche mais il y avait un autre fameux joueur pour cette place à l’Inter : Roberto Carlos !

Quand je suis arrivé, il était le back gauche attitré de l’équipe et j’ai joué à droite. En février, il est parti jouer un tournoi avec le Brésil et je me suis installé à sa place. Lorsqu’il est revenu, j’avais fait mes preuves à ce poste et le coach ne l’y a plus aligné systématiquement. Dans certains matches, j’étais back gauche et il jouait devant moi. Dans d’autres, il rejouait à gauche et je repassais à droite. A la fin de cette saison-là, il a été transféré au Real et je me suis définitivement installé à gauche.

Avec l’Inter, vous avez perdu une finale de Coupe de l’UEFA contre Schalke 04 : vous vous souvenez du nom du héros de ces deux matches ?

Wiltos, ou quelque chose comme ça.

Marc Wilmots… Un Belge…

Ah bon ? Je retiens surtout que ce fut, sur le coup, le plus grand moment de ma carrière. Et quand j’arrêterai définitivement, ça restera un de mes meilleurs souvenirs, malgré la défaite.

Comment vit-on quand on passe à côté de son premier grand trophée ?

J’avais déjà gagné quelque chose… J’avais été champion d’Europe des -21 avec l’Italie, en 1996. En compagnie d’une belle brochette. Una grande Squadra : Gianluigi Buffon, Fabio Cannavaro, Christian Panucci, Alessandro Nesta, Alessandro Del Piero. Et Cesare Maldini était notre entraîneur. Pas mal, hein ! Sur ma lancée, je me suis retrouvé en équipe olympique et j’ai participé aux Jeux d’Atlanta.

 » Le championnat d’Angleterre m’excitait plus que la Série A « .

Après deux ans à l’Inter, vous avez quitté ce club pour Newcastle : un choix étonnant car tous les Italiens pensent quand même qu’ils ont le meilleur championnat du monde, non ?

L’Angleterre m’avait toujours plu. Je me régalais quand je regardais des matches de ce championnat à la télé. A l’époque, j’avais deux grands objectifs : devenir international A et jouer dans un grand championnat étranger. Quand Newcastle m’a approché, je me suis dit qu’une chance pareille ne se présenterait pas deux fois et j’ai foncé. A l’époque, Newcastle était en pleine ascension et se battait pour le titre. Je n’ai jamais regretté mon choix. C’était vraiment bien en Angleterre, j’étais dans mon élément. On peut voir de très bonnes choses dans le foot italien mais il faut bien choisir ses matches. Alors qu’en Angleterre, il y a du show chaque semaine dans tous les stades. Là-bas, on ne calcule jamais. Les entraîneurs du championnat d’Italie raisonnent comme ceci : -On va d’abord essayer d’équilibrer les échanges puis on essayera éventuellement de marquer un but. Pour eux, il est hors de question de se ruer aveuglément vers l’avant. Les coaches anglais voient le foot d’une façon complètement différente. Qu’ils affrontent le dernier du classement ou Manchester United, ils cherchent avant tout à inscrire des buts.

Newcastle avait mis le paquet pour vous transférer : 6 millions d’euros. C’est énorme pour un défenseur.

Enorme pour l’époque, oui, mais il y avait plusieurs explications. J’étais un vrai back gauche, une denrée rare. Je n’avais que 22 ans. J’avais déjà une certaine expérience internationale. J’avais joué au plus haut niveau de la Coupe de l’UEFA. Et j’étais le premier choix de Kenny Dalglish, l’entraîneur de Newcastle. Un homme exceptionnel. Et un sportif fantastique. Il jouait encore avec nous à l’entraînement et il nous en mettait plein la vue.

Après Dalglish, il y a eu Ruud Gullit à Newcastle. Une expérience beaucoup moins excitante, non ?

Je ne dirais pas que nous avions de mauvaises relations. Nous n’avions pas de relation du tout. Je n’ai jamais su pourquoi il ne m’aimait pas. Il y a toujours des personnes avec lesquelles le courant passe et d’autres avec lesquelles ça ne colle pas. Gullit m’a classé dès le premier entraînement. Il a décidé que je ne jouerais pas. Il préférait aligner ses joueurs et m’a expédié en Réserve. Une terrible déception, une des plus sales expériences de ma carrière. Je ne comprenais rien. Un peu plus d’un an plus tôt, le club avait dépensé une fortune pour m’acquérir, mais du jour au lendemain, je ne comptais plus. En janvier 1999, on m’a proposé de me prêter à Venise : j’ai ainsi retrouvé la Série A pour quelques mois et je me suis relancé. Quand je suis retourné à Newcastle, Gullit était toujours là mais il a été viré après deux matches de la nouvelle saison. Bobby Robson l’a remplacé et j’ai pris un nouveau départ.

Votre plus grand souvenir avec Newcastle, c’est la finale de la Cup ?

Fantastique ! Contre Arsenal dans un Wembley plein à craquer et une ambiance de dingue. En face de nous, il y avait la toute grosse artillerie : David Seaman, Tony Adams, Dennis Bergkamp, Marc Overmars et la French connection avec Patrick Vieira, Nicolas Anelka, Emmanuel Petit. Et Arsène Wenger. Nous avons perdu, c’était mérité, mais ça reste un tout grand moment. C’était ma deuxième défaite dans une grande finale après l’UEFA avec l’Inter mais je m’estime déjà heureux d’avoir participé à deux grands rendez-vous pareils.

Vous avez été le coéquipier de Philippe Albert…

Pour mettre de l’ambiance dans un groupe, on pouvait difficilement trouver mieux. Et qu’est-ce qu’il pouvait avaler comme chopes, lui ! Sur le plan du foot, je retiens qu’il avait une très bonne technique pour un défenseur central.

Après Newcastle, vous êtes passé à Everton : comment avez-vous vécu ces sept saisons dans l’ombre d’un voisin comme Liverpool ?

Dans l’ombre, c’est un grand mot. Les résultats de Liverpool ont toujours été meilleurs que ceux d’Everton, mais quand on se promenait en ville, on croisait plus de supporters d’Everton. Quand j’ai signé, les dirigeants avaient une ambition bien précise : combler l’écart qui les séparait du top. Ils en avaient marre d’être toujours un peu trop courts pour viser des trophées. J’ai assisté à la phase de stabilisation de ce club. Et j’y ai accumulé plein de souvenirs pour la vie. Nous avons terminé à la quatrième place du championnat, ce qui nous a permis de jouer la Ligue des Champions. C’était complètement inattendu. Pour moi, c’était plus beau que la participation aux Jeux Olympiques, plus grand que mes finales de Coupe de l’UEFA et de Coupe d’Angleterre. Un jour, Everton arrivera à se mettre sur le même pied que les meilleures équipes anglaises, c’est certain. De nouveaux investisseurs ont débarqué et ils ne vont pas se contenter des miettes.

Que manque-t-il à Everton ?

Des joueurs du top. Ce club a de bons footballeurs mais il n’a pas encore de véritables stars mondiales.

 » Si je n’avais plus le niveau, je serais assez intelligent pour stopper « .

Vous aviez une réputation de play-boy en Angleterre…

Je ne suis pas au courant. Je suis marié et père de famille…

Mais vous faisiez craquer beaucoup de supportrices ?

Je ne sais pas.

Vous aviez aussi la réputation d’un joueur souvent blessé.

C’est vrai que j’ai beaucoup donné à ce niveau-là. Je me suis explosé les ligaments croisés des deux genoux et je me suis cassé une jambe – une charge horrible par derrière et l’arbitre n’a même pas sifflé de faute ! On dit qu’il faut six mois pour revenir après une opération des ligaments croisés mais c’est faux. Vous pouvez revenir dans l’équipe après une demi-année, mais votre corps est inévitablement déséquilibré et vous enchaînez avec un tas de blessures mineures. J’ai eu plein de petits problèmes après mes opérations.

Vous êtes un joueur fragile ?

Je ne pense pas. Contre les gros accidents, on ne peut pas faire grand-chose.

Vous étiez un des grands espoirs du foot italien mais vous n’avez jamais joué en équipe nationale A : un regret ?

J’ai été plus d’une fois à ses portes, c’est sûr. Notamment à l’approche de la Coupe du Monde 1998. Je crachais le feu avec Newcastle et Kenny Dalglish a dit haut et fort que je méritais de faire partie de la sélection italienne. J’ai eu des échos de la Fédération, on m’a demandé de me tenir prêt. Mais c’est difficile d’entrer dans un groupe pour le plus grand tournoi quand on n’a pas participé aux qualifications. Surtout pour un défenseur. Un attaquant qui a subitement marqué 20 buts a une bonne chance, mais pour un arrière, tout est évidemment plus compliqué. Je ne pouvais pas non plus exiger de remplacer Paolo Maldini…

Vous n’avez plus joué de matches officiels depuis l’été 2005 !

J’ai disputé les deux premiers matches du championnat 2005-2006 avec Everton et j’ai joué le début de campagne de Ligue des Champions, puis je me suis déchiré les ligaments croisés pour la deuxième fois. Je ne suis plus jamais parvenu à retrouver ma place dans l’équipe après ma guérison. J’ai dû me contenter de la Réserve pendant un an et demi. L’été dernier, j’étais en fin de contrat. La direction m’a averti qu’on ne me prolongerait pas. C’était tout sauf une surprise pour moi. Leur décision était entièrement logique, je n’en ai voulu à personne.

Depuis l’été, vous avez fait des tests à Middlesbrough et Watford : vous vouliez vraiment rester en Angleterre ?

Oui, surtout parce que ma fille pouvait difficilement changer d’école et de pays du jour au lendemain. Je suis resté une semaine à Middlesbrough et j’ai bien cru que ça allait déboucher sur un contrat parce que l’entraîneur était convaincu. Mais le président a subitement décidé qu’il avait déjà dépensé suffisamment d’argent en transferts et tout est tombé à l’eau. A Watford, je ne sais pas du tout ce qui s’est passé. Le test était bon mais on ne m’a rien proposé.

On ne vous a rien offert d’autre que Mons ?

J’ai eu plein de contacts mais pas de vraies propositions. Quand Mons m’a contacté, j’ai eu envie de tenter l’aventure. D’un point de vue familial, c’est un bon deal. Chaque semaine, je verrai ma femme et ma fille, qui sont restées à Manchester. J’irai là-bas ou elles viendront ici. Cela n’aurait pas été possible si j’étais parti à l’autre bout de l’Europe.

Vous n’avez pas envisagé d’arrêter définitivement ?

Pas vraiment. Si j’avais compris que je n’avais plus les capacités physiques pour continuer à jouer au niveau professionnel, j’aurais été assez intelligent pour tirer mes conclusions. Mais ce n’est pas du tout le cas. Je sais que j’ai encore du jus, un corps qui vaut la première division. Si j’avais stoppé cet été, je l’aurais regretté dans deux, trois ou quatre ans, c’est certain.

Vous avez vu notamment le match Mons – Saint-Trond, un spectacle affligeant dans un stade vide : ce n’est pas dur à vivre quand on a joué des Newcastle – Manchester United et des Everton- Liverpool ?

Je n’ai aucun problème de motivation. Et si j’avais vu que l’équipe n’avait pas assez de qualités pour se relever, je n’aurais pas signé. Je suis convaincu que le potentiel est là. Je le vois à l’entraînement et j’ai cru le déceler dans certains matches. En priorité, il faut éliminer le sentiment de frustration qui habite l’équipe. Dès qu’elle prend un coup dur, on voit des têtes qui se baissent et une vraie résignation.

Combien de temps vous faudra-t-il pour être au top ?

C’est difficile de faire un pronostic mais je sais qu’il faudra du temps. Après plus de deux ans sans matches à enjeu, on ne retrouve pas son niveau d’un claquement de doigts.

par pierre danvoye- phots: reporters/cuypers

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