Ciao François !

Attachant et déroutant, l’attaquant liégeois était devenu en trois ans une star du championnat appréciée de tout le monde.

Une longue ligne droite a eu raison de son côté joueur. A force de blaguer avec la vie et de la mettre au défi, on oublie qu’au bout du chemin pointe toujours la mort. François Sterchele est parti comme il vivait : à pleine vitesse. Depuis son accession à la D1, le Liégeois avait toujours tout fait très vite. Comme s’il voulait rattraper le temps perdu. A 26 ans, cela ne faisait que trois ans que l’avant du Club Bruges avait intégré le plus haut niveau. Avant, il avait écumé les pelouses des divisions inférieures de La Calamine à Oud Heverlee. Ces années perdues dans les petits clubs ne constituaient pas un manque d’ambition, ni de talent. Certainement pas. Mais pourquoi s’évertuer à penser à la D1 quand on se plaît en D2 ou D3 ? Parce que François prenait du plaisir. Dans la vie comme sur un terrain. Et cela se voyait.

Et puis est arrivé Charleroi. Des débuts timides mais décidés. Lancé dans le bain dès l’entame du championnat, il séduisit d’emblée cette contrée peuplée d’immigrés italiens dont il partage les racines. Par sa gouaille, sa franchise et sa confiance en lui en dehors des terrains. Par son efficacité devant le but, sa débauche d’énergie et son flair sur le terrain. A l’époque, ses propos étaient encore empreints de la naïveté de ceux qui découvrent un nouveau monde. Il nous confiait que sa vie avait bien changé et qu’il ne pouvait plus manger de hamburgers à quatre heures du mat’, en revenant de guindaille. C’était le temps où les journalistes ne savaient pas s’ils devaient l’appeler Stairchèèèle ou Stèrkélé. A 23 ans, c’était le début d’une belle et malheureusement brève aventure.

C’est dans le Pays de Charleroi qu’il rencontra celui qui devint son mentor, le coach Jacky Mathijssen. Avec lui, il apprit à défendre, à plonger sur les flancs, mais aussi la roublardise et le professionnalisme. Car, derrière sa façade de grand clown hyper sympa, Sterchele savait comment énerver les défenseurs. Soit par son jeu, soit par son comportement de chien fou provocateur.

Ce fut le début d’une ascension rapide. Une ascension qui allait servir de modèle. N’était-il pas tout simplement l’exemple parfait qu’on peut trouver de petites pépites d’or dans les divisions inférieures ? N’était-il pas source d’espoir pour tous ces footballeurs de petits clubs à qui l’ont dit que les portes de l’élite leur sont irrémédiablement fermées une fois la vingtaine passée ?

Il s’adaptait partout

Un an plus tard, il quittait le Sporting pour 1 million d’euros. Car Sterchele possédait une faculté d’adaptation hors du commun. Club francophone ou néerlandophone, de D3 ou de D1, il a toujours réussi à s’imposer dans son nouvel environnement. D’un caractère fêtard correspondant très bien à la mentalité liégeoise, il affirmait souvent son attachement à certaines valeurs flamandes (le travail, l’organisation) qu’il retrouva tant à Louvain qu’à Anvers (le GB) ou à Bruges. Au Germinal Beerschot, il sut se faire apprécier. Toujours grâce à son caractère. Comme si le mot attachant avait été inventé par lui. Il aimait parler espagnol avec les Sud-Américains et formait un duo explosif avec Jurgen Cavens, qu’il sortit d’une certaine léthargie. Une fois parti, Cavens est d’ailleurs immédiatement retourné en semi-retraite.

Alors qu’il avait ébloui Charleroi par son travail incessant et son culot monstrueux, François dut user d’autres armes et élargir sa palette pour séduire la difficile métropole anversoise. Replacé dans l’axe de l’attaque, il aiguisa sa réputation de renard de surface en y ajoutant quelques touches techniques. Il usa aussi de tous les artifices de la comédie pour enrayer la mécanique adverse. En un an, la naïveté avait fait place à l’expérience. Preuve de l’intelligence du joueur : il ne lui avait fallu qu’une saison pour faire la leçon aux défenseurs les plus aguerris ( Stefan Leleu en a notamment fait les frais). Et peu importaient les amitiés forgées. Sur un terrain, Sterchele ne voyait que ses couleurs. Son premier match contre Charleroi fut d’ailleurs assez épidermique. A lui tout seul, il parvint à faire exclure, en jouant la provocation à outrance, deux défenseurs carolos alors qu’il était encore leur coéquipier quelques semaines auparavant ! Certains eurent beau fustiger l’arrogance de Sterchele sur le terrain, il n’en avait cure. Le public carolo, outré par son comportement, le siffla lors du match retour. Résultat final : 3-3 et deux buts de François 1er !

Meilleur buteur du championnat !

Un an à Anvers, ville qu’il appréciait particulièrement pour la mode, titre de meilleur buteur du championnat en poche et sélectionné chez les Diables Rouges, le voilà qu’il file vers Bruges, alimentant au passage la chronique de l’été par son transfert. Car Bruges avait réussi là où Anderlecht et le Standard avaient failli : attirer la nouvelle coqueluche du championnat. Le dénouement tomba un vendredi soir. Deux jours avant les Matines brugeoises. A l’époque, la nouvelle étant dans l’air depuis quelques jours, la rédaction était sur le qui- vive pour obtenir une interview. Le samedi matin, il nous recevait dans un hôtel de la banlieue brugeoise. Frais et accueillant, comme à son époque carolo. Les lunettes de soleil et la belle voiture en plus.  » Je vous fais découvrir la Belgique « , nous avait-il lancé.  » Bon, je vais essayer de poser mes valises. Mais qui sait, l’année prochaine, je serai peut-être à Barcelone. Vous viendrez me voir ? », plaisanta le Swa comme le surnommait Mathijssen.

Si le joueur avait intégré le star system, il n’en avait pas pour autant oublié ses racines. Il aimait revenir dans les clubs dans lesquels il avait évolué. Il passait encore régulièrement à Louvain et au Germinal Beerschot. Parfois à Loncin et à La Calamine. Mais plus jamais à Charleroi.  » Ce n’est pas l’envie qui manque mais je risque d’être sifflé « . Allure de matamore mais c£ur d’artichaut. Il avait montré que les sifflets du Mambourg ne l’avaient pas touché en plantant deux roses ; mais au plus profond de lui-même, cela l’avait fortement marqué.

Cette saison, à l’image du Club Bruges, il avait vécu une saison de transition. Pas mauvaise mais moins éblouissante que la précédente. Plus discrète et donc tellement éloignée du caractère du joueur. Car Sterchele, c’était un peu le joueur bling-bling du championnat. Belle gueule, belle voiture, belle histoire. Le côté sympathique en plus. Il lui restait de belles choses à accomplir : un titre à offrir à Bruges, une vareuse de meilleur buteur à reconquérir, un transfert en Italie, pays où il aurait tant voulu évoluer, à obtenir. Là-bas, il aurait pu marcher sur les traces de Luca Toni dont il aimait imiter la façon de célébrer les buts. Comme s’il prenait la vie comme une grande farce. Mais il n’ira jamais jouer dans le Calcio.

par stéphane vande velde

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