Chronique montoise

On est allé voir comment fonctionnait ce club dont la structure professionnelle n’a pas encore pris le pas sur l’esprit convivial. Ou comment allier rigueur et sympathie.

Mons a réussi sa saison. Qu’un promu se retrouve sauvé dès le mois de janvier, dispute les demi-finales de la Coupe, survole sa poule de play-offs 2 et compte en ses rangs le meilleur buteur, c’est inespéré. Cela couronne un travail de longue haleine : même si, pour son troisième passage en D1, Mons commence à faire partie des meubles, inscrire le RAEC dans la durée n’est pas chose aisée.

Le Mons actuel n’a rien à voir avec l’équipe qui découvrait la D1 en 2002.  » Cela fait neuf saisons que je suis là « , explique le directeur général, Alain Lommers.  » J’ai vu le club évoluer. On a essayé de mettre en place des structures performantes, au niveau commercial et administratif. Et au niveau sportif, on travaille sur la stabilité bien que ce ne soit pas évident à obtenir. Le club est organisé en société anonyme et il faut intégrer le fait qu’un club de foot est une société qui subit les désagréments sportifs.  »

Dans un premier temps, le souci de Lommers fut d’imposer et de positionner son club au sein de la Ligue pro. Sa présence, durant trois ans, au sein du comité exécutif a contribué à inscrire le RAEC dans le paysage belge.  » Je crois qu’on a fini par imposer le respect. On a toujours eu et obtenu notre licence européenne et l’Union belge reconnaît notre professionnalisme. « 

En neuf ans, Mons a également obtenu une certaine reconnaissance grâce aux joueurs qui y sont passés ( Wilfried Dalmat, Adriano Duarte, Momo Dahmane ou Jérémy Perbet) mais également grâce au jeu proposé, toujours éloigné d’un football attentiste. Aujourd’hui, le RAEC veut franchir une nouvelle étape et, pour cela, va bientôt être reconnu comme centre de foot élites et compter en son sein une équipe féminine. Mais le gros dossier devrait concerner le stade. Le projet est ficelé, les plans établis. Il ne manque que les subsides, qui ne devraient pas être acceptés et délivrés avant les élections communales d’octobre.

Volet n°1 : le sportif

Mercredi 9 mai. Un léger crachin arrose la pelouse du stade Tondreau. Dans les tribunes, quelques supporters viennent échanger les dernières nouvelles régionales au rythme de l’entraînement dicté par Enzo Scifo. L’ancien meneur de jeu des Diables Rouges a conservé de beaux restes. C’est lui qui assure les centres. Tous sont calibrés. Voo Foot s’est déplacé pour faire un sujet sur le sacre de Perbet à son référendum du Joueur de l’année. Ses coéquipiers se succèdent au micro pour parler du buteur. Depuis son arrivée, Scifo s’est accommodé des particularités locales. Il est disponible et a toujours un mot pour un journaliste et une radio. Quand il n’y a pas de rencontre en semaine, il laisse généralement un jour de repos à ses joueurs (le lundi) avant de monter en puissance pendant deux jours.

 » Je programme généralement une double séance le mardi et le mercredi. On travaille la préparation physique, le volume et la vitesse mais au fur et à mesure de l’avancée du championnat, on met de moins en moins l’accent dessus. Il faut savoir jauger le mental de chaque joueur. Par moments, il vaut mieux prendre un jour de repos supplémentaire que programmer un entraînement. « 

Le jeudi, il développe les aspects plus tactiques. Le groupe commence à rentrer dans son match avant de récupérer le vendredi. Mais quand, comme lors de la finale des play-offs 2, il y a un match en semaine, le programme est chamboulé.  » En jouant tous les trois jours, plus besoin de travail physique. On axe davantage sur le jeu de position et la récupération. Mais on doit aussi effectuer plus de spécifique et diviser le groupe en deux : ceux qui ont joué et les autres. « 

Le préparateur physique, Bruno Leclercq ne tient pas un autre discours.  » En début de semaine, on a des entraînements plus longs, basés sur des courses avec intensité. Généralement, on planifie le jour de congé deux jours après la rencontre car c’est à ce moment-là que les douleurs musculaires sont les plus importantes. Surtout : on veille à ce que les joueurs ne se blessent pas. Au programme : balnéos, multiplication des soins, bacs d’eau froide. Certains sont sur le pont depuis presque deux ans. Avec le tour final, on a eu très peu de temps pour récupérer entre les deux saisons. Or, une équipe comme Mons, qui joue le maintien, doit atteindre son pic de forme le plus tôt possible dans la saison, de manière à bien la débuter et à engranger les points qui rendront le sauvetage plus facile.  »

Dans les tribunes et autour du terrain, le délégué, Dédés’affaire. Cela fait 11 ans qu’il effectue ce job à temps plein mais bien plus longtemps qu’il arpente les couloirs du Tondreau.  » Je suis un peu l’homme à tout faire des joueurs. Je vais les conduire à l’hôpital, les chercher à l’aéroport. Je leur montre les restaurants sympas de la ville. Je suis aussi un soutien moral pour eux. J’ai parfois l’impression d’être un défouloir.  »

Chaque matin, Dédéest au stade à 7 h 30, pour préparer le matériel et les équipements.  » Certains comme Aliou Dia ne s’entraînent qu’avec des pantalons longs, d’autres comme Benjamin Nicaise ne veulent que des petites chaussettes. Et puis, il y a les superstitions. Un jour, Aloys Nong avait déchiré son cycliste juste avant le match. Je lui ai donné celui de Dylan De Belder qui ne jouait pas. Il a marqué et depuis lors, il veut ce cycliste-là !  »

En près de 15 ans de présence à Mons, il a accumulé les anecdotes. La plus savoureuse : avoir conduit la femme de Daré Nibombe à l’hôpital pour son accouchement :  » Il était 2 h du matin et Nibombe avait une peur bleue d’y assister ! »

Volet n°2 : le médiatique

Sur le plan sportif, la saison s’apparente à une réussite. L’arrivée de Scifo a apporté une stabilité et une sérénité à un club qui commençait à tanguer. Avec la présence d’une des stars du football belge aux commandes, les projecteurs se sont braqués une nouvelle fois sur le club. Déjà qu’avec le meilleur buteur du championnat, la notoriété de l’Albert n’a fait qu’augmenter.  » La marque s’est très bien vendue, grâce à Perbet et à nos résultats « , explique Gilles Barbera, le responsable communication.  » Par exemple, chaque semaine, le journal flamand Het Nieuwsblad consacre deux pages aux statistiques du championnat, en donnant une grande photo de celui qui trône en tête du classement des buteurs et des assists. On a donc la présence de Perbet en grand chaque semaine. Et pendant des mois, on a eu aussi celle de Tim Matthys, en tête du classement des assists. Pour notre principal sponsor, Les Vérandas Willems, une marque flamande, il s’agit d’un return incroyable ! Cela ne le laisse pas insensible.  »

Pourtant, longtemps, Mons a dû jouer des coudes pour apparaître dans les médias, vivant à l’ombre des Anderlecht, Standard, voire Charleroi. En D2, les Dragons étaient oubliés par les médias nationaux, contrairement à Charleroi cette saison. Pour séduire davantage de monde, le club a joué sur une image mêlant convivialité et professionnalisme.  » Cette année, notre atout fut d’être le seul club du Hainaut, présent en D1 « , continue Barbera.  » On s’est positionné là-dessus. Et puis, que ce soit avec la presse ou les supporters, on cultive notre côté chaleureux. On n’instaure pas de huis clos aux entraînements, ouverts donc à tout le monde. On répond généralement positivement aux sollicitations. Il faut dire qu’on ne compte pas non plus 10 internationaux dans le noyau et qu’on ne reçoit qu’une ou deux demandes d’interview individuelle par semaine. « 

Le titre de meilleur buteur de Perbet a attiré de nombreux médias français ( Canal +, France 3, France Football, L’Equipe), mais aussi un média russe lorsque le buteur fut cité dans un club russe lors du dernier mercato.

Pour élargir sa base régionale, Mons a également décidé, depuis trois ans, de confier des reportages à EK. TV, un média télévisuel indépendant, qui réalise des sujets sur le club, comme assister au Tour des Flandres avec Matthys ou visiter l’intérieur de la maison de Scifo. Ces vidéos apparaissent sur le site du club et créent une proximité avec les supporters.  » Cela permet naturellement d’accroître la fréquentation du site « , conclut Barbera.

Volet n°3 : le commercial

La cellule commerciale prépare déjà la saison prochaine avec la satisfaction du travail accompli (et réussi).  » Nous avons atteint la barre des 5.000 spectateurs de moyenne cette saison « , explique Jean-Bernard Yernaux, responsable de la billetterie.  » Soit une hausse de 24 % ! » Il s’agit de la meilleure saison de Mons en D1.  » On a vu une centaine d’abonnés de la région de Charleroi nous rejoindre, suite à la relégation du Sporting.  »

Pour attirer et fidéliser le public, Mons a multiplié les actions : un abonnement à 165 euros pour tout membre d’un club de supporters (soit 9,20 euros le match), des matches à 5 euros pour tous ceux qui provenaient des universités et hautes écoles de la ville, un tarif réduit pour les enfants de 0 à 16 ans (auparavant, c’était de 0 à 12 ans).

Mais c’est surtout au niveau commercial que le travail de fourmi commence à porter ses fruits. Mons fut le premier club belge à inaugurer un cercle d’affaires (Le club 44) dans ses murs.  » 150 entreprises sont membres du club 44 « , raconte la responsable de la cellule commerciale, Virginie Parijs.  » Tous ces gens ont l’occasion de se retrouver une fois par mois, autour d’un déjeuner, dans un cadre autre que celui d’un match de foot. Chaque société membre peut présenter son secteur d’activité et nous convions à chaque déjeuner un invité d’honneur, comme Paul Magnette, Georges Leekens ou Jean-Pierre Lutgen, l’inventeur des montres Ice-watch. Au départ, le Club 44 comprenait principalement des entreprises locales mais cela s’est élargi à des sociétés régionales et nationales. En D2, nous avons fait de ce club notre cheval de bataille car on se disait que ce n’était pas très sexy d’attirer un sponsor en lui vendant un Mons-Heist. Suite à la relégation, certaines entreprises ont donc retiré des panneaux autour du terrain mais sont restées au sein du club 44.  »

Depuis le retour en D1, les revenus sponsoring ont doublé, passant d’1 à 2 millions par an. Par rapport à la dernière présence au sein de l’élite, le sponsoring ne rapporte pas plus, même si le club compte davantage de sponsors. La crise est passée par là et les entreprises ont rogné sur leur participation.  » Pour un club comme Mons, cela n’est pas si compliqué d’attirer un sponsor « , continue Parijs,  » Par contre, c’est difficile d’avoir une ou deux grosses institutions capables d’apporter 200.000 ou 300.000 euros. Néanmoins, certaines entreprises ont compris le message qu’on leur avait envoyé en début de saison. « 

Cependant, les play-offs 2 demeurent un casse-tête commercial. Il y a moins d’affiches, donc moins de spectateurs et de couverts. Même pour un club qui joue la tête.  » Pendant le championnat, on faisait en moyenne 300 couverts. Lors des play-offs 2, on est tombé à 100 ! On travaille sans cesse dans l’urgence. Les deux rencontres de la finale des PO2 n’étaient évidemment pas prévues dans le package original. On a donc dû rappeler les entreprises pour qu’elles achètent les places disponibles. Et celles-ci avaient 4 jours ouvrables pour inviter des clients. « 

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » La moyenne de spectateurs a augmenté de 24 % par rapport à la dernière saison en D1. « 

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