Chronique d’un retour avorté

Roger Vanden Stock a mis la pression sur le Liégeois mais ça n’a servi à rien !

De nombreux voyageurs ont abordé l’Arabie Saoudite par la route de l’encens, des pèlerinages, des caravanes de dromadaires ou des puits de pétrole. MichelPreud’homme et son staff l’ont abordé par la voie du football, chemin de plus en plus usité dans un pays vibrant le plus souvent à d’autres loisirs : les trois sports les plus pratiqués en Arabie Saoudite sont… la chasse aux faucons, les courses de chevaux et les courses de chameaux.

Un soleil flamboyant déverse sur le paysage des cataractes de lumière. Riyad est une ville de presque cinq millions d’habitants, ultramoderne, plantée en plein désert. A l’Ouest, une puissante chaîne de montagnes, taillée dans du saphir : les contreforts du Hedjaz, désertiques et lunaires. Partout serpentent encore des pistes de sable, celles qu’empruntèrent pendant des siècles, les caravanes remontant du Yémen, chargées d’or et de perles, d’encens et de myrrhe.

Preud’homme et Emilio Ferrera habitent un compound dans les faubourgs de la capitale saoudienne. Le même que celui occupé naguère par Eric Gerets lorsqu’il officiait à Al Hilal. Démarche lente et gestes hiératiques des gardiens qui veillent à la sécurité de cette zone résidentielle cosmopolite. Nos deux compatriotes, venus ici sans leurs familles, jouissent de confortables villas trois chambres proches d’un complexe commercial. On est à cinq minutes du stade qu’ils rejoignent quotidiennement au volant de leurs 4×4. Aux deux hommes se sont joints également Yannick Ferrera, Carl Willem (ancien médecin de Gerets à Al Hilal, qui a aussi participé à la grande épopée multisports de Charleroi) et Renaat Philipaerts (préparateur physique). Ceux-ci résident dans un autre compound qui accueille aussi une vieille connaissance anderlechtoise : Christian Wilhelmsson, toujours actif à Al Hilal.

Riyad, plantée en plein désert, sur le large plateau du Nedj, berceau de la dynastie saoudite, est le théâtre de fréquentes tempêtes de sable. Ici, le taux de pollution est six fois supérieur aux normes européennes. Des médecins locaux nous préciseront que le taux d’asthmatiques est anormalement élevé chez les enfants autochtones et les carences en vitamines D dramatiques chez les femmes saoudiennes. Des conditions de prime abord peu enviables pour la pratique du sport de compétition mais MPH et Emilio Ferrera y ont trouvé leurs repères : ici rien ne manque, les restaurants italiens ou français abondent et toutes les grandes marques mondiales, même les plus rares, ont leurs enseignes dans la capitale saoudienne.

Le stade que se partagent les club d’Al Shabab et Al Hilal n’est pas luxueux

800 chaînes de télé sont disponibles et notre staff belge a une vie rythmée le soir par les retransmissions des matches internationaux. Si les jeudis et vendredis font ici office de week-ends (les matches de championnat ont lieu ces jours-là), leurs mardis et mercredis sont occupés par la Champions League et les samedis-dimanches par les matches des championnats européens.

Le stade que se partagent les club d’Al Shabab et Al Hilal n’est pas luxueux. Il répond plutôt aux normes hyper fonctionnelles en vigueur en Europe dans les années 80. On ne bénéficie pas ici des concepts ultramodernes que le Qatar met en place en vue de  » sa  » Coupe du Monde. Mais les conditions se rapprochent peu à peu des exigences du haut niveau : la pelouse, par exemple, est arrosée une première fois une heure avant les entraînements et souvent une seconde fois un quart d’heure avant. Le football à la sauce arabique recèle cependant quelques surprises. Il est en effet difficile d’établir un programme à long terme ; la fédération modifie souvent le calendrier avec de très courts préavis. Aux staffs et aux joueurs de s’adapter. Les programmes ne s’établissent guère plus de 4 ou 5 jours à l’avance.

Côté pratique, les joueurs d’Al Shabab sont soumis à un programme intense et typique : un entraînement quotidien aux alentours de 18 h 30 interrompu par… la prière. Le thé est servi aux entraînements. Preud’homme et Ferrera exigent une mise au vert avant chaque match. Toujours effectuée dans un hôtel cinq étoiles de la capitale. Pendant quatre à cinq mois de l’année (de juin à septembre) la chaleur est suffocante. A ces contraintes climatiques s’ajoute le ramadan, période à laquelle le rythme de vie est inversé : les entraînements ont lieu à…23 h.

Aujourd’hui le ciel est couvert, la température n’excède pas les 27 degrés mais l’air est sec. Ici, les entraînements s’effectuent sans pression. Les matches aussi pourrait-on dire car si l’assistance moyenne est de 25.000 personnes pour une prestation d’Al Hilal, Al Shabab n’attire que 2 à 3.000 spectateurs tout au plus…

Preud’Homme et Ferrera reçoivent les clés du club d’Al Shabab

Loin des tempêtes de sable de cet hiver, le ciel est aujourd’hui au beau fixe pour notre duo belge à la tête d’un club leader de la compétition (meilleure défense et 2e meilleure attaque du championnat). A six journées de la fin de la compétition prend aussi fin une saga orchestrée à partir de Bruxelles. La venue de l’ancien portier international contacté par Anderlecht, a fait long feu.

Peut-on réellement s’en étonner ? Y a-t-il d’ailleurs vraiment songé sérieusement ?

Preud’homme ne posera pas ses valises à Anderlecht la saison prochaine. Le président d’Al Shabab Khaled Al Baltan est resté intraitable. Pas question pour lui de laisser partir une personnalité de dimension mondiale comme Preud’homme et un maître technicien hors pair comme Emilio Ferrera, pour lesquels il a déjà largement délié les cordons de sa bourse. Ceci à l’heure où il désire plus que jamais reconstruire un club qu’il espère voué aux plus belles promesses.

Preud’homme qui devait donner sa réponse vendredi dernier à Roger Vanden Stock, ne pourra donc venir au Parc Astrid. Ici, en Arabie Saoudite, le titre n’est pas encore acquis. Le championnat entre dans sa dernière ligne droite. Khaled Al Baltan tient donc à garder son staff au complet pour gagner ce trophée qui devrait permettre de propulser Les Lions blancs d’Al Shabab vers les sommets d’un championnat qui deviendra, selon lui, l’un des meilleurs de la planète foot lors des prochaines années.

Face à cet argumentaire soutenu par une manne de pétrodollars, l’offre d’Anderlecht, même si elle était très alléchante pour les normes belges, paraît un peu dérisoire ici. Les contacts entre les Mauves et Preud’homme ne sont pas approfondis. Le direction saoudienne veillant à couper court à la moindre rumeur et à maintenir staff et joueurs dans une atmosphère de travail sereine. Le veto de Khaled Al Baltan est sans appel. Ici, tout le monde l’a compris.

Notre duo d’entraîneurs, plus un analyste et un préparateur physique, constituent le staff technique le plus performant, et de loin, de la région. Dans un pays encore sous le choc d’une élimination face à l’Australie pour la prochaine Coupe du Monde (licenciement probable de Frank Rijkaard), on peut comprendre que le président d’Al Shabab ne souhaite pas déstabiliser son club.

Il souhaite même redéfinir toutes les lignes au sein du club et qui mieux que le staff actuel pourrait y parvenir ? MPH est un habitué des sommets du football international et cela ne laisse personne indiffèrent au sein du monde du ballon rond. Chaque semaine lui apporte son lot de sollicitations mais la barre financière est placée très haut et cela compense largement les quelques inconvénients à vivre ici sans la famille. Mais peut-on encore parler de long terme en matière de football ? Les vérités du jour peuvent rapidement basculer au gré d’une période de moindre conjoncture. Pas certain, non plus, que l’arrivée de MPH rende tout le monde heureux au Sporting. Il aurait pu faire de l’ombre à un homme comme Herman Van Holsbeeck. La preuve en est que le Sporting est en négociation avec tout son staff à Bruxelles… avant de faire signer le coach. La prolongation du contrat de Besnik Hasi, le remplacement de FilipDe Wilde par PhilippeVande Walle, l’arrivée de Luc Devroe… Pourquoi cet empressement, alors que la priorité était MPH ? Le Liégeois, qui a le profil d’un manager en puissance, aurait vraisemblablement souhaité emmener avec lui tout son staff actuel… Et la présence d’un homme avec une telle aura aurait probablement eu des répercussions dans tout l’ organigramme du club.

De plus, MPH est proche de Luciano D’Onofrio, or une partie de la classe dirigeante anderlechtoise s’en méfie comme de la peste… Vu de Riyad, Van Holsbeeck semblait allumer des contre-feux, à rebours des déclarations officielles.

On le constate, cette affaire implique des données stratégiques capitales. Pour MPH, il est important de garder un crédit intact. Les portes d’Anderlecht, de Gand, du Club Bruges et de notre équipe nationale lui restent ouvertes. Et ici, on ne parle que de notre petit pays.

Preud’homme est resté une icône au Portugal et est très tenté par la France. Chaque négociation doit donc être abordée avec tact et retenue. Pour Anderlecht, la guerre de succession de Roger Vanden Stock commence peut-être déjà. Mais cela c’est une autre histoire… N’empêche que ces maladresses auront largement pesé dans le choix du Liégeois. Depuis l’annonce, un peu hâtive, faite par Roger Vanden Stock de l’arrivée souhaitée de Preud’homme (on parlait d’un contrat de quatre ans), les coulisses résonnent plus de bruits de transferts que d’options de jeu.

Les deux protagonistes de cette affaire, Preud’homme et le RSCA, ont encore des échéances importantes à négocier. L’ un et l’ autre arrivent dans la dernière ligne droite avec l’ espoir de conquérir leur titre national respectif. A défaut de quoi, leur saison pourrait se transformer en échec retentissant (pas de Coupe, pas de titre de champion). Et comme tout peut toujours arriver, l’avenir de Preud’homme et de son staff est aujourd’hui résolument accroché aux vagues de dunes du Hedjaz.

PAR OLIVIER STEVEN, EN ARABIE SAOUDITE.

Le Liégeois aurait vraisemblablement souhaité emmener à Anderlecht tout son staff actuel.

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