CHIFFRES LOURDS

L’ex-Genkois a reçu le numéro 7 de Gert Verheyen et constitue le transfert le plus cher de Belgique avec quatre millions d’euros.

K oen Daerden doit encore trouver ses marques au stade Jan Breydel et à Bruges. Il réside provisoirement à l’hôtel en attendant un toit pour son amie et lui. La maison doit être vaste car le couple attend des jumeaux pour novembre. Après quelques jours d’entraînement, il ne trouve pas encore son chemin dans les dédales du Club. Nous cherchons un endroit adapté à une interview car après un mois de vacances, le foyer des joueurs est plutôt bruyant.

Marc Degryse a pris contact avec lui il y a deux mois, par l’intermédiaire de son père, pour connaître ses sentiments à l’égard d’un transfert. Daerden avait déclaré, jadis, qu’il ne se produirait pour aucun autre club belge que le RC Genk mais Bruges a estimé que l’interroger ne coûtait rien. Et voilà : le joueur a réagi positivement. Koen Daerden :  » On aurait arrêté si j’avais affirmé ne rien vouloir entendre mais je ne dis jamais directement non. J’ignorais aussi quel serait l’avenir de Genk « .

Il admet que les deux parties ont été surprises par la somme déposée par Bruges. Le joueur parce qu’il restait sur une saison difficile, jalonnée de blessures, le club parce qu’il n’imaginait pas son concurrent capable de débourser quatre millions d’euros. Se sent-il responsable du départ de Jos Vaessen, qui a perdu d’un coup ses deux piliers belges, lui et Steven Defour ?

Koen Daerden :  » Pas du tout. L’été dernier, quand mon transfert a échoué, j’ai déclaré que je souhaitais partir l’été suivant. L’étranger constituait mon premier choix mais en Belgique, le Club est un cran au-dessus de Genk. Il m’offre plus et je m’intéresse surtout à l’aspect sportif. Jos Vaessen a affirmé pouvoir me donner le même salaire si c’était important à mes yeux. Je comprends à quel point c’est pénible pour lui. Laisser partir un joueur dans un club belge au niveau duquel il veut se hisser, c’est difficile. Bien sûr, ma situation financière s’améliore mais l’aspect sportif me tient davantage à c£ur. Je n’ai que 24 ans, j’ai joué six ans à Genk et ces trois dernières saisons, soyons réalistes, nous n’avons rien obtenu. La meilleure année s’est soldée par une qualification européenne via un test match. Nous n’avons pas atteint la vraie Coupe d’Europe car à mes yeux, les deux tours préliminaires n’en sont pas. J’ai besoin de vivre cela « .

Qui est ambitieux à Genk ?

Il y a quelques années, Genk, champion, a semblé en voie de devenir un grand club. Il est plus facile d’atteindre l’élite que de s’y maintenir. Que manque-t-il au Racing ?

Koen Daerden :  » Des gens pensent en termes d’avenir et sont ambitieux mais d’autres ne bougent pas. Tous les regards ne sont pas tournés dans la même direction. Je ne parle pas seulement de la direction mais de l’ensemble du club. En principe, tous les ingrédients sont réunis, y compris les jeunes. Ces dernières années, le président a énormément investi dans leur formation. Même si je suis cette évolution de loin, je remarque les progrès accomplis au classement des équipes. Cela portera ses fruits dans quelques années. Je parle du noyau A et de l’encadrement en général. Là, il faudrait continuer à avancer. Je ne ressens pas assez chez ces joueurs l’ambition que doit avoir un club comme Genk. Trop de joueurs y étaient trop vite contents, ce qui m’énervait. Comme ce manque de régularité, pas seulement la saison écoulée mais aussi les précédentes. Il n’y a pas assez de meneurs pour prendre les autres en mains quand ça va moins bien. Le club me fait grand honneur en affirmant que la saison eût été bien différente si j’avais joué tout le temps mais l’équipe ne peut pas dépendre du seul Koen Daerden. Trop de joueurs ont besoin d’être poussés pour prester, trop peu prennent leurs responsabilités, préférant dire : ne nous ridiculisons pas. On comprend tout en voyant que le club n’arrive pas à désigner un capitaine. Il faut oser le dire : il ne trouve tout simplement personne…  »

Jan Moons assume ce rôle mais il sait qu’il n’est plus leur homme. Commencer une saison ainsi ne doit pas être agréable.

Koen Daerden :  » Ce n’est pas son rôle qui est en cause mais l’aspect sportif. C’est ce que le club a dit à Jan mais je n’étais pas d’accord. Je l’ai dit haut et fort. Jan a fait ses preuves ces dernières années alors que des jeunes n’ont encore rien montré. Jan est un gardien sobre. Tout le monde peut passer à côté d’un match. Le problème, c’est que c’est arrivé trop souvent à des tas de joueurs différents. Genk a beaucoup trop peu de battants. Parfois, j’avais l’impression de leur casser les pieds mais personne ne réagissait pour me dire d’arrêter. Même ça, ça ne sortait pas. Genk n’a pas ce qui fait sa force : le travail, mouiller son maillot. Nous avions de bons footballeurs, un excellent noyau mais trop peu de footballeurs prêts à se tuer à la tâche « .

4 millions, c’est cher pour un diesel

Daerden est le transfert belge le plus cher, il est plus onéreux que le Footballeur Pro de l’Année, MbarkBoussoufa. Koen Daerden :  » C’est surtout le signe que le Club me voulait à tout prix, était prêt à consentir un gros sacrifice pour m’embaucher. Bien sûr, les supporters sont au courant et vont attendre beaucoup de moi, ce qui implique une certaine pression, mais je me concentre sur le jeu. Pour le reste « …

Et l’argent ?  » J’aime les belles voitures mais je ne suis pas disposé à dépenser de l’argent pour ça. Ce n’est pas un investissement, puisque dès qu’elles sont achetées et sorties du garage, elles ont perdu la moitié de leur valeur. Je roulerai avec le véhicule du club le plus longtemps possible. Par contre, quand je voyage, je ne regarde pas à la dépense. J’aime partir avec mon amie. Bientôt, nous aurons des jumeaux, ce qui va requérir du temps et de l’argent « .

Sef Vergoossen pense que son évolution a été freinée par les blessures. Sinon, Daerden serait depuis longtemps à l’étranger. Le joueur tend à donner raison à son ancien entraîneur.

Koen Daerden :  » Du temps de Sef, j’ai souffert du ménisque. On avait même dit que j’avais les genoux d’un homme de 80 ans. En fait, un journaliste avait mal interprété une déclaration. C’était ennuyeux vis-à-vis de l’étranger car les gens qui ont lu ça le croient toujours alors que c’est faux. L’année dernière, j’ai souffert de la cheville. Une blessure vous handicape toujours puisque vous ratez des matches. D’un autre côté, mieux vaut peut-être les avoir jeune afin de connaître le revers de la médaille. Au début, c’est facile à gérer mais au bout d’un moment, ça vous ronge, surtout quand vous rechutez et que vous ne trouvez pas directement la cause du problème. Ma cheville me faisait souffrir, les ligaments, mais sans qu’on trouve pourquoi. J’ai dû être opéré. Nous avons commis une erreur : j’en ai fait trop lors du premier entraînement. Un sportif doit être à l’écoute de son corps et savoir jusqu’où il peut aller mais il doit aussi être surveillé et freiné s’il le faut « .

Tout le monde loue sa personnalité, sa sagesse, son calme. Serait-ce génétique ?  » L’avantage est qu’à 15 ans, je savais déjà comment fonctionne le milieu. J’ai eu une avance sur les autres. Je dois bien sûr réaliser mon apprentissage personnel mais mon père m’a beaucoup appris. En catégories d’âge, je m’occupais des autres, je parlais avec eux, je les conseillais. J’ai continué en équipe fanion. Les joueurs chevronnés ne manquaient pas, avec WesleySonck, JosipSkoko, BerndThijs, mais j’estime que quand une critique est fondée et qu’on est titulaire, on a le droit de s’exprimer, même si on est jeune. A condition de ne pas sombrer dans l’arrogance. Sef trouvait que j’étais trop autocritique mais j’ai progressé, même si je chercherai toujours l’erreur que j’ai commise avant de reprocher quoi que ce soit à un coéquipier. Si je fais une mauvaise rentrée en touche et que mon partenaire ne contrôle pas le ballon, qui est responsable, en fait ? »

Ils auraient pu retirer le numéro 7

Il arpente le terrain d’un rectangle à l’autre. Daerden sourit :  » Je sais courir, hein ! Je préfère évoluer sur le flanc même si, en fin de saison, je réclamais souvent le ballon dans l’axe, à Genk. Avant, ce n’était pas nécessaire car nous avions assez d’éléments axiaux capables d’effectuer des longues passes. Ces dernières années, ce n’était plus le cas. Je n’ai pas un dribble fantastique, je connais mon registre, mais je suis généralement efficace, utile. J’aime jouer en zone, en soutien des deux attaquants, qui peuvent conserver le ballon afin que nous les rejoignions. On ne peut prédire si je vais marquer beaucoup mais sans blessure, je devrais marquer six ou sept buts par championnat « .

Il a également un sens tactique affiné :  » J’ai eu de bons maîtres, Sef en 4-4-2 et RenéVandereycken. Ils ont toujours une philosophie. Vandereycken a changé de style, ce qui n’est pas évident, mais si on veut réfléchir, c’est déjà plus facile. Une discussion n’a pas à être toujours marrante, il faut essayer de comprendre et peut-être aussi de donner son avis « .

Les coaches anglais sont plus faciles. Ils n’ont qu’une devise : – Enjoy the game.

Daerden rigole :  » J’en ai parlé avec JoosValgaeren, qui a connu ça au Celtic. Pas de tactique, m’a-t-il confié. Je me demande quand même si les joueurs éprouvent tellement de plaisir à courir après le ballon quand l’équipe ne tient pas la route ? C’est facile : -On joue ainsi et ainsi, allez-y les gars. Mais je ne suis pas sûr qu’on puisse savourer un match quand on n’a pas de consignes claires « .

Gert Claessens a une idée :  » Koen ne sera pas impressionné comme je l’ai été de mon temps par les joueurs brugeois mais il regrettera son entourage « . Daerden rétorque :  » Bien sûr. J’ai passé de longues années à Genk, j’ai longtemps vécu chez mes parents puis j’ai emménagé avec mon amie à un quart d’heure du stade en voiture. A la longue, tout n’était plus qu’habitudes mais celles-ci ne font pas bon ménage avec l’ambition. Je la trouve à Bruges. Je relève un nouveau défi, pas uniquement sportif mais aussi familial, loin de mes amis et de mes proches. Mes grands-parents auront sans doute plus de mal que moi à digérer mon départ. La naissance prochaine des jumeaux a influencé mon choix. Je ne voulais pas aller à l’étranger à n’importe quel prix. Ce n’est pas comme mon père qui est à l’autre bout de l’Europe, à Donetsk. En une heure et demie, je suis à la maison « .

Il doit donc succéder à Gert Verheyen. Il rit encore :  » On m’a donné son numéro. Je n’ai rien eu à dire. Je n’ai pas refusé, non. Je n’en fais pas un problème. D’un côté, c’est un grand honneur de recevoir ce maillot. Le Club aurait pu ne pas l’attribuer ? Peut-être est-ce émotionnel pour les supporters mais je ne veux pas penser à tout ça : au numéro sept, aux quatre millions de mon transfert. Les statistiques ne nous avancent pas « .

PETER T’KINT

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