Chers supporters…

L’ancien capitaine des Rouches adresse une lettre ouverte d’adieu au public de Sclessin.

Un travail physique lassant

« Tant que le Standard ne sera pas plus calme, ça n’ira pas. Et c’est tout d’abord le problème d’une direction trop explosive. Elle ne supporte pas la critique. Je n’ai jamais eu de problème avec personne. Quand je suis revenu de Boom, j’étais un joueur perdu. Christian Labarbe m’a repris en mains, entraîné, remonté le moral. Puis Robert Waseige m’a fait confiance et m’a relancé en D1. J’étais sauvé: ma vie avait à nouveau un sens. J’ai remercié mon employeur en disputant 30 matches de championnat par saison. Robert Waseige, Aad de Mos, Daniel Boccar, Luka Peruzovic, Tomislav Ivic, Jean Thissen, Henri Depireux, Michel Preud’homme: tous ont été contents de moi.

Quand le Standard a viré Guy Hellers, j’ai été choisi comme capitaine par Ivic. Un grand honneur. Un rêve mais je savais que c’était honorifique. Le capitaine porte le brassard mais n’a rien à dire au Standard. J’ai cru à tort qu’on ne me réserverait jamais le même sort qu’à Guy. Je me suis trompé. Je ne comptais pas plus qu’un autre. Pourtant, je ne suis pas une grande gueule. J’ai été une fois international A, contre l’Egypte. Ce n’est pas beaucoup mais ça restera un grand souvenir. Avec plus de calme, le Standard aurait pu gagner au moins une Coupe de Belgique et un titre ces trois dernières années. On a chaque fois eu des crises de nerfs, ou presque. Les deux finales de Coupe de Belgique perdues me restent sur l’estomac.

Cette année, le titre était à notre portée. Michel Preud’homme a dit que le groupe avait cédé mentalement. Peut-être, mais si c’était physique? Si le Standard avait gardé Christian Labarbe dans son staff technique, nous aurions été champions. Le travail physique a souvent été lassant, ne ressemblait à rien, et quand Michel Preud’homme n’était pas là, le niveau de ce qu’on nous proposait n’était pas du tout suffisant. On a toujours eu droit aux mêmes échauffements, etc. A la fin, les joueurs ont pris le parti d’en rire ».

Costantin se jetterait dans la Meuse

« En décembre, j’y croyais: nous étions en tête. Tout s’est écroulé. A qui la faute? La direction se masque les yeux en accusant les joueurs. Il y avait les amendes de Costantin. Un clown. Il n’a rien à dire. Costantin est le facteur de la direction. Si Luciano D’Onofrio lui demandait demain de se jeter dans la Meuse, il le ferait sans hésiter. Il a contribué à faire exploser le groupe. Je n’étais pas concerné par le problème des kilos excédentaires, mais comme le Standard n’a pas géré le problème en cuisine interne, tout le groupe a été secoué. On y a perdu une énergie folle.

Michel Preud’homme m’a déçu quand il m’a écarté de l’équipe. Il a avancé l’excuse d’un mauvais match de ma part au RWDM. Toute l’équipe était passée à travers. J’étais un des éléments de base du groupe et de son système qui m’allait comme un gant avec un pressing haut. Je ne suis pas indispensable. Je n’ai pas cette prétention. Mais en se passant de moi, il a déséquilibré son système. Il a aussi hypothéqué une partie de son crédit dans le groupe. Preud’homme avait envie de me garder, cela se voyait, mais il ne pouvait pas le faire. En haut lieu, on avait décidé que je n’existais plus.

Le vestiaire a compris cela et l’autorité du coach en a pris un coup: dommage. Il a expliqué que Blay jouait même s’il était en fin de contrat. Pour lui, je n’avais plus la tête au Standard, je pensais à mon transfert. J’entendais parler Luciano D’Onofrio. En raisonnant de la sorte, l’entraîneur du Standard prouvait qu’il ne me connaissait pas bien. Même arrivé en fin de contrat, j’y allais toujours à fond, au risque de me casser la jambe. Tout le monde a été perdant dans cette affaire. Moi, le club, le coach. Beaucoup de cercles voulaient me voir. Je devais forcément me dépasser pour trouver un autre employeur. Et j’aurais été doublement utile au Standard. Il y a un an, Didier Dheedene était dans la même situation que moi. Lui, il n’a pas été viré, Anderlecht ne voulait surtout pas perturber tout l’équilibre de son flanc gauche. Les Bruxellois ont été champions et Dheedene est parti en Allemagne ».

Une clique parmi les joueurs: quelle connerie

« En ne faisant plus appel à moi, le coach a dû revoir la composition de sa ligne médiane. Je ne dis pas que j’en étais l’âme mais Walem a dû jouer à droite, Enakharire ou Okpara au milieu: ce désordre était évitable. En accédant aux désirs de la direction, Michel Preud’homme s’est éloigné du groupe. Une distance s’est installée entre nous. Certains joueurs lui font la bise. C’est très gentil mais cela ne va pas dans un groupe où tout le monde lutte pour sa place. Même si ce n’était pas le cas, cela permet de croire qu’il a des préférés.

Petit à petit, Michel Preud’homme a même été débordé par son banc. En match, son adjoint ne cesse de mettre la pression sur les joueurs. A la longue, ils ont fini par se demander qui commandait sur le banc. Preud’homme ou l’adjoint? Le coach a été bouffé petit à petit par son staff et il n’a peut-être pas mesuré que son autorité était hypothéquée. Il était finalement l’homme et le pion de la direction. Beaucoup ont finalement été dégoûtés par tout ce climat. C’est du gaspillage. Les idées de Michel Preud’homme étaient bonnes. Pourtant, cela n’a pas suffi. On a parlé de petite clique formée par trois ou quatre joueurs. Une connerie. La direction a besoin de coupables. Cela l’arrange. Quand deux joueurs se parlent, elle s’imagine tout de suite qu’il y a une tentative de putsch. Elle se trompe. Or, on peut aussi parler d’autre chose que de foot.

Le Standard a évidemment un énorme potentiel mais il faut cesser de penser que c’est un grand club. Sclessin n’a quasiment plus rien fêté depuis 20 ans. Même la direction doit aussi être plus humble et modeste. Sclessin est un moulin où les joueurs n’arrêtent pas de transiter. Il faut sans cesse repartir à zéro et ça représente beaucoup de pertes de temps. J’espère que ce ne sera pas le cas à la fin de cette saison. En optant pour la fonction de directeur technique, Michel Preud’homme peut installer une politique à long terme dans le club. S’il y arrive, ce sera forcément tout à fait bénéfique pour le Standard ».

350.000 euros

« Je ne serai pas là pour le vivre et je le regrette vivement. L’affaire a capoté pour des détails. En Allemagne, on m’offre 350.000 euros nets par an. Au Standard, on me proposait une augmentation à la liégeoise: le même contrat qu’avant et la voiture en moins. Je suis gentil mais je ne suis pas un pigeon. Je sais ce que les autres touchent. Un jour, Luciano D’Onofrio m’a dit: -Tu veux partir? Je ne te retiens pas. Il a même affirmé que je me retrouverais en Autriche. Est-ce dégradant? Là, il y a des clubs qui prennent part à la Ligue des Champions. Je n’ai pas claqué la porte, on m’a poussé dehors.

Je n’oublierai jamais Sclessin. Le Standard, c’était ma vie. Même si j’ai joué quelques mois à Boom, je ne connaissais rien d’autre. Quand on s’impose dans le club de ses rêves d’enfant, il n’y a rien de plus beau. C’est un peu naïf. Tant pis, je suis ainsi fait. J’étais fier de porter ce maillot. J’ai tout donné au Standard et je peux regarder dans le rétro. Je ne suis pas un gueulard mais ce départ me va loin, même si c’est la vie. Au revoir public de Sclessin, bonne chance et à bientôt peut-être, qui sait? ».

Propos recueillis par Pierre Bilic, , ,

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