Chef de CHANTIER

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Des résultats décevants en matches amicaux et un noyau encore incomplet : le coach français n’a pas terminé ses devoirs de vacances.

W elkom te Molenbeek… Albert Cartier (44 ans) est conscient qu’il devra acquérir au plus vite quelques rudiments de la langue de Vondel s’il veut faire l’unanimité dans la capitale. Sur son bureau, une feuille reprenant quelques termes usuels avec leur traduction en néerlandais.

 » J’essaye d’apprendre quelques nouveaux mots tous les jours « , explique le coach français.  » Ces feuilles de vocabulaire sont devenues mon nouveau livre de chevet, j’en garde toujours l’une ou l’autre sur ma table de nuit. Ça commence doucement à venir. We zien elkaar straks. Vervangen. Wisselen. Gezondheid. Ce n’est pas évident. J’ai autrefois fait de l’allemand pendant six ans et je n’ai pas gardé un souvenir extraordinaire des langues germaniques. Enfin bon, c’est un passage obligé. C’est Cartier qui doit s’adapter au Brussels et pas l’inverse. Les hommes passent, les clubs restent « .

Sentez-vous que vous débarquez dans un club qui a beaucoup souffert tout au long de la saison passée ?

Albert Cartier : Non, ce n’est pas frappant. Que ce soit dans les bureaux, les couloirs ou les vestiaires, on ne parle plus tellement de la saison dernière. Sans doute parce qu’elle s’est bien terminée. Par contre, j’entends régulièrement des références à un passé plus lointain. Ici, le RWDM vit toujours. On continue à parler de son titre dans les années 70, de ses aventures européennes, de son déclin, de sa faillite.

Avez-vous personnellement des souvenirs du RWDM ?

Je serais incapable de vous citer un seul joueur des grandes années de ce club, mais je connaissais son existence. RWDM, c’étaient quatre lettres qui claquaient très fort, qui résonnaient jusqu’en France.

Depuis La Louvière, comment analysiez-vous la saison 2004-2005 du Brussels ?

J’étais frappé par deux choses : le grand nombre de défaites par un but d’écart, souvent dans les dernières minutes, et un manque de réussite évident pendant les trois premiers quarts du championnat. En fin de saison, la chance a toutefois tourné à l’avantage de cette équipe.

Cherchez-vous à aborder ces problèmes avec les joueurs ?

Très peu. Les souvenirs nourrissent le passé mais ne construisent pas l’avenir. J’ai envie de passer à autre chose. Les joueurs aussi, sans aucun doute. Je leur ai seulement fait remarquer qu’un aussi grand nombre de défaites subies en fin de match s’expliquait certainement par un manque de concentration. Il ne faut pas tout mettre sur le dos du hasard ou du manque de réussite. Et la concentration, ça se travaille à l’entraînement. Les gars doivent savoir que dès le moment où ils endossent leur tenue de footballeur, ils doivent être concentrés à 100 %. Cela s’apprend, par phases. Ce n’est pas du jour au lendemain qu’on réussit à être parfaitement concentré pendant une heure et demie. Dans un premier temps, je veux qu’ils réussissent à l’être pendant une demi-heure, puis trois quarts d’heure, une heure, une heure et demie, deux heures, deux heures et demie. Je n’exige pas 300 % de concentration : 100 % me suffisent. Concentration + motivation = progression : c’est un des principes de base du foot.

 » Nous savons où sont les bons joueurs  »

Vous réclamez encore un renfort par ligne à moins de deux semaines du début du championnat : cela ne veut-il pas dire que le club n’a pas assez travaillé pendant la période de recrutement ? Les leçons de la saison dernière n’auraient donc pas été tirées ?

Comme tous les clubs, nous savons où sont les bons joueurs. Mais c’est difficile de conclure. Il faut de la persuasion, un gros investissement humain et parfois financier. Je ne veux pas transférer pour transférer. J’exige que les nouveaux soient en mesure d’apporter une plus-value à l’équipe et je ne tiens pas à détruire ce qui existe. Quand j’ai signé mon contrat, Johan Vermeersch a dit qu’il ferait venir cinq ou six vrais renforts. Je n’en ai encore que trois et nous continuons à travailler.

Que valent exactement ces trois renforts ?

Je les connais, j’ai mes apaisements quant à leurs qualités. Alex Clément est un défenseur central expérimenté qui a été formé à Metz avant de jouer pour Caen, Beauvais et Amiens. Julien Gorius, un médian, est lui aussi passé par Metz. Et Sofiane Zaaboub, un défenseur, arrive de Modène après avoir été formé à St-Etienne.

En transférant très tard durant l’été, on court toujours le risque de prendre n’importe quoi, sous le coup de la panique.

Il faut rester calme. Il n’y a pas d’urgence, il n’y a que des hommes pressés. Nous finirons par trouver les joueurs dont nous avons besoin.

Mais le championnat commence demain !

L’idéal serait évidemment d’avoir une équipe entièrement formée avant la première journée. Mais l’évolution du foot en a décidé autrement. Il y a 15 ans, presque tous les nouveaux joueurs étaient engagés avant les congés. Après, ce fut pendant les vacances. Aujourd’hui, beaucoup d’opérations sont conclues durant la période de préparation, voire quand les championnats ont déjà débuté.

L’allongement de la période des transferts jusqu’au 31 août n’est pas une bonne chose ?

Pour l’organisation et la gestion des effectifs, ce serait mieux qu’elle se termine un mois plus tôt. Mais ce n’est pas cette période de transferts qui me dérange. Je suis beaucoup plus ennuyé par le mercato d’hiver. Sur celui-là, on peut s’interroger. Un coach peut perdre subitement la moitié de son équipe. Je suis bien placé pour en parler (il rigole). Autrefois, ce mercato était seulement destiné à aider les clubs confrontés à l’une ou l’autre grave blessure. Aujourd’hui, c’est un passage purement commercial en pleine saison.

 » Je ne ferai aucun cadeau à Snelders  »

Steve Colpaert et Igor De Camargo sont restés alors qu’on les annonçait sur le départ : ne sont-ils pas vos deux meilleurs transferts ?

J’apprécie qu’ils soient restés, c’est évident. Colpaert a vraiment le profil du joueur d’avenir pour ce club. Je ne dis pas que c’est un futur grand, mais il peut être un futur très bon joueur. Sa première qualité, c’est l’intelligence. Il a la tête sur les épaules, il sait qu’une carrière se construit pas à pas, il ne s’emballe pas. En plus de cela, c’est un bon footballeur, polyvalent et ambitieux. De Camargo a aussi un potentiel énorme. On doit l’utiliser, mais lui aussi doit faire tous les efforts pour l’exprimer. Son association devant avec Kristof Snelders peut devenir très intéressante, mais il faudra pour cela que Snelders franchisse un cap. Il n’a pas été exceptionnellement bon la saison dernière. Il vaut bien mieux que cela et je ne lui ferai aucun cadeau, je serai extrêmement exigeant avec lui car c’est pour son bien. J’ai d’ailleurs intérêt à ce qu’ils soient bons tous les deux parce que je n’ai actuellement que deux attaquants (il rit).

C’est peu, effectivement…

Il m’en faut au moins quatre, donc deux transferts : un de qualité, mobilisable immédiatement, et un autre en devenir.

Vous n’avez pas encore trouvé votre défense et tout indique qu’on y retrouvera deux nouveaux joueurs : n’est-ce pas embêtant alors que vous insistez toujours tellement sur l’importance de l’équilibre défensif ? La stabilité du quatre arrière fut d’ailleurs une des explications de la bonne saison de La Louvière.

Je cherche. Mais souvenez-vous que j’ai aussi dû faire différents essais à La Louvière et que je continuais à chercher quand le championnat avait déjà commencé. George Blay est devenu une valeur sûre du football belge au back droit, mais j’avais d’abord aligné Geoffray Toyes et Fadel Brahami à ce poste-là. Et en préparation, qui avait prédit qu’Olivier Guilmot deviendrait un de mes incontournables ? Je n’avais pas trouvé ma ligne arrière idéale dès le premier jour.

Avez-vous déjà tranché pour le poste de gardien ?

Oui, ce sera Patrick Nys. Il a le vécu et la sérénité pour endosser le rôle de titulaire. Isa Izgi a de grandes qualités techniques, mais il a tout le temps devant lui. J’ai aussi Istvan Dudas, qui est revenu après un test négatif en Hongrie. Il est toujours en délicatesse avec ses adducteurs. C’est malheureux pour lui car c’est un professionnel exemplaire, fort apprécié par tout le noyau.

Les résultats de vos matches amicaux ne sont vraiment pas concluants : n’êtes-vous pas inquiet ?

Le premier constat, c’est que nous prenons trop de buts. On ne peut pas construire des victoires comme ça. Et tous ces buts encaissés prouvent qu’il y a encore énormément de travail à faire. Il y a encore, dans ce groupe, un déficit de rigueur, de discipline, de concentration. Et quand le niveau du noyau est moyen, comme ici, il faut travailler énormément pour limiter l’emprise du hasard et de la chance sur les résultats. Il faut que mes joueurs apprennent à plus souffrir et à plus faire souffrir leurs adversaires. Cette notion-là, je dois encore l’inculquer au groupe. C’est en semaine qu’on souffre, et on prend du plaisir le week-end, en match. Pas le contraire. La souffrance et la douleur doivent être les meilleurs compagnons des footballeurs, pas le strass et l’égoïsme.

 » On me demande du beau football ? Impossible sans trois ou quatre renforts supplémentaires  »

Beaucoup d’entraîneurs disent que les résultats des matches de préparation n’ont aucune importance.

Je ne suis pas d’accord. On est des pros avant tout, on ne s’entraîne pas pour des notions d’esthétique. Un professionnel ne peut pas être satisfait quand il quitte le terrain en ayant perdu son match. Pour rechercher et aimer la victoire, il faut haïr la défaite. Ces rencontres doivent servir à tirer des enseignements, à corriger nos méthodes de travail, mais il n’y a pas que la manière qui est importante : les résultats aussi.

Avez-vous des doutes après ces résultats mitigés ?

Ils me confortent surtout dans l’idée que si on veut donner plus de valeur à ce groupe, il faut encore y ajouter des renforts.

Le Brussels offrira-t-il du beau football comme l’a fait La Louvière au premier tour de la saison passée ?

Si je n’obtiens pas trois ou quatre renforts de qualité, non, ce sera impossible. Il faudra d’autres arguments à ce groupe pour qu’il attire les regards comme La Louvière l’a fait pendant quelques mois. Si je n’obtiens pas ces renforts, je devrai insister sur d’autres aspects, plus réalistes.

Quels sont vos motifs de satisfaction ?

L’enthousiasme que j’observe dans toutes les tranches d’âge du noyau. Il y a pratiquement 20 ans d’écart entre les plus âgés et les plus jeunes, mais la volonté d’apprendre est belle à voir chez tous les joueurs.

Alan Haydock est-il confirmé dans son rôle de capitaine ?

Absolument. Je l’ai vu porter l’équipe la saison dernière et très bien assumer son rôle de capitaine. Il a insufflé à ses coéquipiers le souffle nécessaire au sauvetage. Il incarne des valeurs importantes à mes yeux. Richard Culek sera mon vice-capitaine. Il véhicule lui aussi des valeurs que j’apprécie, comme la faculté de faire partager son enthousiasme. Ce sont deux éléments fédérateurs, des exemples pour les jeunes du noyau et les nouveaux joueurs.

Pierre Danvoye

 » RWDM, c’étaient QUATRE LETTRES QUI CLAQUAIENT TRÈS FORT, qui résonnaient jusqu’en France « 

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