Chaudmambourg

De la mise au point de Scifo au match contre Malines, les Zèbres ont vécu une semaine pétillante.

Ils ont bien eu besoin de tout leur calme pour ne pas être mis en bouteille avant de retrouver les vérités du championnat. Pays noir, pain noir: c’est le menu des Carolos depuis le début de la saison. Les joueurs ne sont pas les seuls à avoir leurs petits soucis. La semaine passée, le personnel doutait aussi car les derniers salaires n’avaient pas versés à heure et à temps. Et des sponsors étaient inquiets en raison de promesses non respectées. Ainsi, la firme présente sur les maillots (Net Net) s’interrogeait car Charleroi n’aurait pas respecté tous les engagements pris à la signature du contrat.

La vente d’une des meilleures eaux minérales d’Europe au géant Coca-Cola donnera un peu d’air à Abbas Bayat, qui a réussi la semaine passée l’exploit d’être aussi présent dans les rubriques économiques que sportives de tous les médias.

Abbas Bayat sera-t-il toujours à Charleroi dans quelques mois? A lui de choisir. Il l’affirme dans les pages suivantes, mais selon nos sources, il n’investira bientôt plus un sou même si la vente des eaux de Chaudfontaine lui permettra de mettre du beurre dans ses épinards.

Au point de régler les nombreux procès du club? Il envisagerait de prendre du recul et de gouverner le club à distance. Des Etats-Unis par exemple? On s’interroge au Mambourg.

AB a investi (un million d’euros de sa poche, deux de sa société?) et dirigé le club à sa guise. Souvent en solo. Son éloignement incitera-t-il d’anciens dirigeants à retrouver leur influence? Tout dépendra de la lutte pour rester en D1 et de la bataille pour décrocher la licence pro. Charleroi a un prêt sur le dos: cinq millions d’euros contracté auprès de Dexia, garanti en premier rang par la Ville. Le club aimerait emprunter un ou deux millions de plus pour résoudre ses problèmes.

Des socios au secours des Zèbres?

Il faut aller vite et à l’image de ce qui se passe à Malines, les supporters entendent mettre la main au portefeuille. Cela se ferait via des participations de 50 euros. A condition d’en vendre 5.000, cela rapporterait 25.000 euros, ce qui permettrait de régler des problèmes immédiats. Bayat n’y est pas opposé mais les supporters n’entendent pas effacer des ardoises sans rien dire: ils veulent entrer dans le capital et s’organisent déjà en asbl pour que leur action soit légale. Est-ce le début d’un projet à l’espagnole? De l’autre côté des Pyrénées, les clubs appartiennent aux socios qui élisent même leur président sur base des programmes des candidats.

Les problèmes sont immenses et on peut comprendre l’impatience d’ Enzo Scifo. L’ancien Soulier d’Or a gentiment réuni la presse la semaine passée à Bruxelles. Ses avocats, Maîtres Pol Massart et Louis Derwa, ont rappelé le cheminement de son action à Charleroi. Les Zèbres l’avaient accueilli à bras ouverts, dans une ambiance de fête, et cela avait provoqué le sursaut qui leur permit de rester en D1 alors qu’Enzo portait encore le maillot d’Anderlecht. Non content de devenir Zèbre la saison suivante, Scifo déboursa 400.000 euros pour aider le club. Charleroi lui octroya alors 19% des parts de la société anonyme.

C’est écrit sur papier selon ses avocats. AB attaquera cependant Scifo en justice car il estime que le Louviérois lui doit un solde de 250.000 euros pour le contrôle de ces parts. Qu’a-t-on alors fait des 400.000 euros avancés au club? Y avait-il des lézards? Parts ou pas, Enzo Scifo veut qu’on rembourse ce qu’il a avancé au club.

« Rien de plus, rien de moins, sans un franc d’intérêt », dit-il. « Il y a les 400.000 euros ainsi que mon salaire du mois de juin. On m’avait promis 250.000 euros par an mais je n’ai touché que la moitié. Je ne veux pas torpiller le club. Je souhaite de toutes mes forces que les Zèbres restent en D1. J’ai tout fait pour rendre service à ce club comme joueur et comme entraîneur. J’ai vécu des déceptions mais je retiens d’abord les bons moments. J’ai choisi personnellement de partir et cette page est tournée pour moi. Charleroi, c’est fini, il y aura autre chose. J’ai été contacté par un autre club mais c’était avant mon opération. Pour le moment, je n’ai rien ».

Quel examen médical?

Enzo Scifo reste positif et préfère un arrangement à l’amiable aux tribunaux mais il a été marqué au fer rouge. Des ragots firent état de commissions touchées par lui sur les transferts de la saison passée. Mais Scifo a payé lui même le salaire du joueur Daniel Camus que le club ne pouvait s’offrir et AB approuva tous les transferts qui contribuèrent à sauver le club. On a aussi beaucoup parlé d’un examen médical qu’Enzo devait passer ou pas en quittant Anderlecht pour Charleroi.

« Il n’en a jamais été question », affirme Scifo. Un document a été publié par la Gazette des Sports. Une note a été barrée au bas d’une copie du contrat: « Sous réserve d’un examen médical préalable ». On y voit un paraphe de Scifo. Ses avocats estiment que c’est un faux et ont produit une copie certifiée conforme du contrat sans mention d’examen médical et sans la moindre petite biffure.

AB avait aussi signé une promesse de remboursement des 400.000 euros de Scifo le 1er juillet 2002. Si le club ne décroche pas sa licence ou est déclaré en faillite, Scifo ne touchera rien. Mais il a obtenu une saisie conservatoire sur les recettes, va entamer une action devant le Tribunal de commerce (pour récupérer les 400.000 euros) ainsi qu’au Tribunal du travail pour non payement de son salaire.

A moins qu’il ne soit remboursé avant, Scifo demandera à la justice de choisir un administrateur provisoire car, selon ses avocats, la gestion est désordonnée. Si cette demande aboutissait, AB n’aurait plus aucun pouvoir au Sporting de Charleroi: c’est Chaudmambourg.

Pierre Bilic

Du pain noir pour le Pays Noir

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