Chasse au Condor

L’Hacienda San José, La Florida, Lima: les lieux qui ont bercé l’enfance de l’attaquant péruvien de Bruges.

Mesdames et Messieurs, nous allons atterrir à l’Aéroport Jorge Chavez de Lima. Il est 18h30, heure locale, et la température est de 19 degrés.

JEUDI

En Belgique, il est 1h30 du matin. Nous sommes partis de Zaventem à 8h25. Après 17 heures de voyage, on comprend mieux l’état de fatigue dans lequel doivent se trouver les footballeurs qui, chaque mois, font l’aller-retour en Amérique du Sud pour disputer une rencontre avec leur équipe nationale.

A peine sorti de l’aérogare, on se trouve plongé dans la réalité du pays. On est au port de Callao, là où, pour les tintinophiles, a accosté le cargo Pachacamac dans « Le Temple du Soleil ». Grues et entrepôts dominent le paysage. Zorrino a l’aspect d’un marchand ambulant. Les petits métiers permettent à beaucoup de gens de survivre. Enfants et adolescents essayent de vendre un briquet, un stylo ou une bouteille d’eau minérale aux automobilistes bloqués aux carrefours afin de gagner quelques soles, la monnaie locale dont le cours, selon les dépliants, fluctue tellement qu’il est impossible d’en déterminer la valeur exacte… A titre indicatif, à l’aéroport, un dollar s’échangeait contre 3,5 soles.

Pour admirer les majestueux paysages andins, il faut acheter des cartes postales ou prendre un autre avion jusqu’à Cusco. Lima, c’est la ville. Une ville tentaculaire de 8 millions d’habitants, grise et polluée. Le trafic est intense. Les autobus d’avant-guerre crachent leur fumée dans l’atmosphère. La plupart des véhicules particuliers seraient déclassés chez nous. Certains n’ont plus ni phares, ni clignotants, mais peu importe, pourvu que cela roule et qu’il y ait un klaxon. On vit tant bien que mal dans des maisons délabrées. Avoir l’eau courante et l’électricité est déjà un luxe.

Une première surprise nous attend: le centre-ville est bloqué. Nous sommes tombés en pleine campagne électorale pour les présidentielles, et le parti d’ Alan Garcia, l’un des candidats, tient un meeting sur le Paseo de la Republica. Impossible d’accéder à notre hôtel, il faut chercher un autre gîte pour la nuit.

VENDREDI

Nous devons nous rendre au stade Monumental pour retirer les accréditations en vue du match Pérou-Equateur du lendemain. C’est à une demi-heure de route du centre-ville. Nous risquons de prendre l’un des nombreux petits taxis jaunes qui circulent dans Lima. La brochure distribuée dans les hôtels conseille pourtant de se méfier : « N’importe qui, à Lima, peut se proclamer chauffeur de taxi. Il suffit d’avoir une voiture et un permis de conduire, ainsi qu’une plaque que l’on peut obtenir pour moins d’un dollar. Mais on peut parfois avoir d’heureuses surprises, car bien des chauffeurs sont honnêtes ».

Le nôtre doit l’être, car il nous réclame à peine 12 soles. Environ 150 FB. La veille, pour venir de l’aéroport, le taxi privé de l’hôtel avait exigé un prix fixe de 62 soles! L’économie est à deux vitesses, selon que les services soient destinés aux Péruviens ou aux touristes.

La communauté de La Molina, la zone résidentielle où a été érigé le stade Monumental, s’est indignée contre le choix de cette enceinte pour un match international considéré à risques. La fédération péruvienne a choisi ce vaste vaisseau pour sa capacité: 80.000 places. Habituellement, l’équipe nationale joue à l’Estadio Nacional, un stade du centre-ville souvent utilisé pour les derbies entre le Sporting Cristal, Alianza et la « U », et où Andres Mendoza a souvent marqué, mais qui n’a pas très bonne réputation non plus: en 1964, on y a vécu l’une des plus grandes tragédies de l’histoire du football. Plus de 300 personnes avaient trouvé la mort lors d’un mouvement de foule consécutif à un but péruvien annulé, dans un match face à l’Argentine.

Pour Pérou-Equateur, la police a décidé d’appliquer la « tolérance zéro »: 3.800 policiers seront à pied-d’oeuvre. 800 journalistes ont été accrédités. On conseille au public d’arriver tôt, car les voies d’accès risquent d’être engorgées. Les portes ouvriront dès 11 heures, cinq heures avant le coup d’envoi.

En rentrant à Lima, nous décidons d’aller prendre un verre à une terrasse de la Plaza Mayor. Le tenancier de l’établissement explique qu’il ne peut servir que de l’eau minérale ou des boissons gazeuses: la loi interdit la vente de boissons alcoolisées trois jours avant les élections présidentielles! A l’hôtel, on a d’ailleurs retiré toutes les boissons alcoolisées du mini-bar.

SAMEDI

Jour J pour Pérou-Equateur. Nous décidons, comme conseillé, de nous rendre au stade très tôt. Nous reprenons un taxi jaune. Ce conducteur-ci nous réclame 25 soles pour le même trajet. Après une brève discussion, il accepte un tarif de 20 soles. On ne chicanera pas pour le reste, l’essentiel est d’arriver à bon port… L’homme est sans doute moins honnête que son collègue de la veille, mais il est prolixe. « Vous êtes belge? Vous allez voir Andres Mendoza? C’est un bon gars et un footballeur de talent. Ici, on le surnomme le Condor. Je l’apprécie beaucoup. Davantage que José Del Solar, que je trouve trop lent ».

Notre interlocuteur se réjouit de l’audace affichée par Julio Cesar Uribe, le sélectionneur péruvien. « Il va jouer avec trois attaquants. C’est bien, car il faut gagner pour conserver une chance d’aller à la Coupe du Monde ».

Il nous prend sans doute pour des managers, car il ajoute: « Si vous voulez voir d’autres joueurs, il faut aller dans un village à deux heures d’ici. On trouve encore plein de negritos comme Andres là-bas, et certains sont meilleurs que ceux qui jouent actuellement en D1″.

Un périmètre de sécurité a été instauré autour du stade Monumental. Seules les voitures officielles peuvent passer. Il faut parcourir plusieurs centaines de mètres à pied. Les forces de l’ordre sont présentes en masse, mais tout est calme. Les supporters ne s’attardent pas à l’extérieur et prennent directement place dans l’enceinte.

Comme c’est souvent le cas en Amérique du Sud, la presse radiophonique est omniprésente. Et comme elle prend l’antenne très tôt, elle interroge tout ce qui bouge. La présence d’un journaliste belge intrigue. A trois reprises, on est invité à confier ses impressions à la radio équatorienne. -Pourquoi êtes-vous ici? Que pensez-vous du match? Un pronostic? sont les questions qui reviennent le plus souvent.

La rencontre démarre sur les chapeaux de roues. Dès la deuxième minute, le Pérou ouvre la marque. Mais l’Equateur est séduisant. Loin de se laisser abattre, les visiteurs réagissent de belle manière et égalisent dix minutes plus tard. Ils pratiquent un jeu groupé fait de passes courtes, à la colombienne, qui porte la griffe de leur entraîneur Hernan Dario Gomez. En deuxième mi-temps, le Pérou effectue un pressing un peu désordonné. Sans succès. Un envoi d’Andres Mendoza est repoussé par le poteau. L’attaquant brugeois est remplacé à un quart d’heure de la fin sous les huées du public qui ne comprend pas qu’Uribe enlève un attaquant alors qu’il faut absolument remporter les trois points. Pourtant réduit à dix, l’Equateur inscrit le but victorieux sur une contre-attaque conclue par Delgado dans les arrêts de jeu. Les journalistes équatoriens ne se tiennent plus. Notre collègue de gauche essuye une larme pendant qu’il s’épanche devant son micro : -Excusez-moi, chers auditeurs, c’est l’émotion! Nous sommes en train de vivre un moment historique… L’Equateur est, en effet, en passe de se qualifier pour une phase finale de Coupe du Monde. Pour la première fois de son histoire.

Dans le camp péruvien, par contre, c’est la désolation. Le Pérou n’ira pas en Asie l’an prochain, c’est désormais une certitude. Du coup, le 4-3-3 de Julio Cesar Uribe, qui apparaissait si séduisant au départ, est subitement devenu un choix tactique suicidaire. Le sélectionneur s’en défend: « Jamais, au cours de ma carrière, je n’avais subi une défaite aussi injuste. Je n’ai strictement rien à reprocher à mes joueurs ». Mais la presse est impitoyable. Déjà, des voix s’élèvent pour réclamer sa démission. Un représentant de la fédération calme les passions. « Soyons patients », prône-t-il. « Nous sommes en train de reconstruire une équipe. Alors, n’agissons pas sur un coup de tête ».

Andres Mendoza -fort bon dans les matches précédents face au Brésil et au Chili, paraît-il- obtiendra une note de 4/10 dans la presse locale. Avec le commentaire suivant: « Peu mobile, était facile à contrôler pour les défenseurs équatoriens ». Un avis que le joueur n’est pas loin de partager. « Lorsque nous évoluons en 4-3-3, j’ai tendance à très peu me déplacer », avoue-t-il. « Je préfère évoluer en 4-4-2 ».

DIMANCHE

On est prisonnier dans l’hôtel! Le parti Peru Posible, celui d’ Alejandro Toledo, l’autre candidat à la présidence, a établi ses quartiers dans l’établissement où nous séjournons. Un cordon de sécurité a été érigé. Il vaut mieux éviter de sortir, car on risquerait de ne plus pouvoir rentrer. On ne le regrettera pas, car on vivra l’événement en direct. A 16 heures, des cris retentissent dans les couloirs: -Toledo presidente! Les premiers résultats donnent effectivement Toledo vainqueur. L’euphorie s’empare de tous les membres du parti réunis dans le bâtiment. Des sympathisants accourent de tous les coins de Lima. A 20 heures, les résultats se confirment. C’est du balcon de l’hôtel que le nouveau président prononcera son premier discours. Alejandro Toledo est un symbole pour beaucoup de Péruviens. Il est né dans la pauvreté et s’est hissé au sommet à force de volonté. Son épouse, Eliane Karp, est d’origine belge. Il promet du travail à tous ses concitoyens et annonce l’amorce du changement pour le lendemain. Alan Garcia, vaincu de justesse, s’incline loyalement face au verdict. Il promet son soutien à son rival élu et se réjouit que des élections démocratiques aient pu être tenues dans le pays.

Pour qui Andres Mendoza a-t-il voté? « Pour personne », affirme-t-il. « La politique ne m’intéresse pas ».

LUNDI

Vicente Cisneros, l’attaché de presse du Sporting Cristal, nous accueille au Centre Sportif de La Florida, le Q.G. du club situé à Rimac, dans un quartier déshérité de la capitale. L’homme est dévoué et se coupe en quatre pour nous faciliter la tâche. Il nous présente les anciens coéquipiers et anciens entraîneurs d’Andres Mendoza.

Parmi eux, Leao Butron, le gardien réserviste du Sporting Cristal, est de la même catégorie d’âge qu’Andres. Ils furent complices dans les équipes de jeunes et en sélections nationales, et partagèrent à maintes reprises la même chambre lors des mises au vert. « J’ai fait la connaissance d’Andres en 1993 ou 1994 », affirme-t-il. « Depuis lors, nous avons tissé des liens très forts. Un jour, il m’a appelé de Belgique et nous avons discuté pendant une heure et demie au téléphone. Il m’a avoué qu’il s’ennuyait un peu. C’est difficile pour lui, dans un pays dont il ne connaît pas la langue. Son caractère ne le sert pas: vis-à-vis des étrangers, il est toujours sur la défensive. Lorsqu’il est arrivé au club, il était à l’essai. Les titulaires étaient curieux de voir ce que ce novice était capable de faire. Il a directement expédié un missile dans le plafond. C’est un attaquant puissant et imprévisible. En dehors du terrain, il croque la vie à pleines dents et joue volontiers les séducteurs. Les femmes ne le laissent jamais insensibles. Il les préfère blondes plutôt que brunes ».

« C’est un garçon très sympathique, mais il a besoin de bien connaître les gens pour se sentir en confiance et confier ses états d’âme », ajoute Jean Ferrari, un milieu de terrain du Sporting Cristal. « C’est un grand joueur qui donne l’impression de toujours s’amuser à l’entraînement ».

Alberto Gallardo, l’entraîneur qui avait fait venir Andres Mendoza au Sporting Cristal, est décédé en janvier. Il était celui qui connaissait le mieux l’attaquant brugeois. « J’ai appris son décès par téléphone alors que je me trouvais à Bruges », relate le joueur. « Une grande tristesse m’a envahi ».

Fernando Mellan est désormais le plus apte à témoigner. « Andres est arrivé au Sporting Cristal lorsqu’il avait 13 ou 14 ans », se souvient-il. « Après avoir été entraîné par Alberto Gallardo au début, il est passé sous mes ordres vers 15 ou 16 ans. A l’époque, déjà, il était très costaud. J’ai tout de suite vu que j’avais sous la main un futur grand attaquant. Il avait des qualités naturelles hors du commun. Sa puissance et son sens du but étaient déjà très développés. Il a débuté très jeune en D1 et en Copa Libertadores, ce qui lui a valu d’acquérir très tôt beaucoup d’expérience. Mais j’ai l’impression qu’il a encore progressé depuis qu’il s’est exilé en Belgique. Ses changements de rythme sont encore plus brusques. Il a aussi mûri sur le plan humain. Je ne reconnais plus le gamin provincial que j’ai eu sous ma direction. Je me souviens qu’un jour, il s’était senti mal à l’entraînement de 15 heures. Nous avons appris par la suite qu’il n’avait pas encore déjeuné, mais il n’avait rien osé dire ».

« Lorsqu’il était stagiaire au Sporting Cristal, Andres vivait ici, à La Florida », se rappelle Vicente Cisneros. « C’était un garçon fort introverti, assez timide. Il provient d’un milieu pauvre, et il est noir. Comme le racisme est assez développé au Pérou, il se méfiait des gens qu’il ne connaissait pas. Sa manière à lui de se protéger, c’est de se replier sur lui-même. Il n’a jamais beaucoup apprécié les journalistes et parlait peu avec la presse. Je suppose que cela ne s’est pas arrangé en Belgique, où il se heurte à la barrière de la langue. Déjà, au Pérou, lorsqu’il voyait une caméra de télévision, il fuyait ».

Vicente Cisneros est intrigué par le surnom de « Mozart » dont certains l’ont affublé. « Parce que, comme le célèbre compositeur, il sourit en jouant? Vous savez, si Andres sourit, ce n’est pas parce qu’il est heureux sur le terrain. C’est un signe de nervosité. D’ailleurs, avez-vous remarqué qu’il ne sourit jamais autant que lorsqu’il vient de… louper une occasion? Au Pérou, il a deux surnoms: le Condor et la Panthère. Personnellement, je trouve que Panthère lui va mieux ».

L’intéressé est d’accord: « J’aime assez ce surnom de Panthère. Une panthère noire, rapide, féline, qui donne des coups de griffe dévastateurs », rigole Andres.

Le Docteur Aparicio, le médecin du Sporting Cristal, a été impressionné par les capacités physiques d’Andres Mendoza : « Athlétiquement, c’est l’un des joueurs les plus complets qu’il m’ait été donné de soigner. Puissance, vitesse, résistance: il a tout ».

Eric Torres, un joueur du club qui l’a bien connu en équipe de jeunes, précise toutefois: « Gamin, il était déjà grand mais plus mince. Il a développé sa musculature au club. Je me souviens qu’à 16 ans, il avait arrêté de jouer pendant six mois. Il avait reçu un coup douloureux dans les côtes et ses hanches étaient enflammées. Certains le pensaient perdu pour le football. Heureusement, il a bien récupéré et nous sommes fiers de constater qu’il réussit à Bruges ».

Andres Mendoza était apprécié au Sporting Cristal. Il a d’ailleurs fait la couverture de l’annuaire 1999 du club. « Il a vécu sa meilleure période lors du tournoi de clôture 1998 », explique Vicente Cisneros. « Il avait commencé la saison comme réserviste. Puis, il est entré dans l’équipe et a commencé à marquer. Il a inscrit un but lors de 15 matches de championnat d’affilée. C’est un record dans l’histoire du football péruvien. Inutile de dire qu’après cela, il était devenu un titulaire indiscutable ».

A l’entraînement du Sporting Cristal, ce matin, on découvre une figure connue: Aldo Olcese, le Gantois, venu entretenir sa condition avec ses anciens partenaires. Dès la fin de l’entraînement, il est happé par les journalistes péruviens qui l’interrogent sur son avenir. « En principe, je resterai à La Gantoise où je suis toujours sous contrat », assure-t-il.

Vicente Cisneros nous montre un autre joueur noir à l’entraînement. « Lui, on l’appelle Mendocita: le petit Mendoza! Vous ne trouvez pas qu’il ressemble à Andres? Il est un peu plus petit, mais il a les mêmes qualités et c’est également un attaquant ».

Fernando Palacios, le capitaine de l’équipe nationale péruvienne qui évolue actuellement à l’UNAM au Mexique, est également venu rendre une visite de courtoisie à ses ex-équipiers. « Andres Mendoza? Oui, je le connais. Un excellent joueur, rapide et puissant, qui n’a pas encore montré toute l’étendue de ses possibilités ».

« Demain, je vous emmène à Chincha », promet Vicente Cisneros. « Là-bas, vous comprendrez mieux les origines d’Andres Mendoza ».

MARDI

En route pour Chincha. Trois heures et demie de bus avec les transports locaux, par la Panaméricaine Sud. Cette voie rapide traverse sur des dizaines de kilomètres un paysage désertique. Pourtant, des gens attendent le bus le long de la route. On se demande d’où ils viennent, car il n’y a aucune habitation à l’horizon. L’Océan Pacifique à droite, les montagnes à gauche. En roulant pendant quatorze heures, on arrive au Chili. Nous n’irons pas aussi loin…

Bienvenidos a Chincha, annonce un panneau. Nous y sommes! Chincha est une petite ville sud-américaine typique, fort animée mais sans attrait particulier. Les commerçants des environs viennent y vendre leurs produits. Neuf kilomètres plus loin, se trouve l’Hacienda San José. C’est là qu’Andres Mendoza a vu le jour, il y a 23 ans. Tout autour, ce ne sont que des champs à perte de vue. L’hacienda est peuplée en majorité par des gens de couleurs. On suppose qu’au temps de la colonisation, leurs ancêtres étaient venus d’Afrique. On nous indique immédiatement les maisons où vivent des proches du joueur. Une tante est présente sur le pas de la porte. « Mon mari est le frère de Papa Mendoza », explique-t-elle confusément. On n’est pas habitué à voir des étrangers dans le coin. La soeur d’Andres s’active dans le verger, mais elle ne semble pas de très bonne humeur. Elle refuse la conversation, refuse également d’être photographiée.

Hugo Lovaton, un ami de la famille, est plus prolixe. « Je connais Andres depuis qu’il est tout petit », raconte-t-il. « Son papa est agriculteur. C’est un grand gaillard costaud de 1m85 ou 1m90. Il ne faut pas chercher plus loin d’où Andres tient sa force. C’est héréditaire, tout simplement. J’étais aux côtés d’Andres lorsqu’il est parti au Sporting Cristal. Si cela lui plaisait? Oui et non. Il était excité à l’idée de passer dans un club professionnel, mais il n’avait pas envie de vivre au Centre Sportif de La Florida. Sa maman, par contre, trouvait l’endroit très bien. Elle pensait que son fils serait en de bonnes mains là-bas ».

A une centaine de mètres, dans un terrain vague où deux moutons paissent paisiblement, des enfants jouent une partie de football. On devine que ce lieu a dû être l’un des terrains de jeu d’Andres, autrefois. A part taper dans un ballon et danser au rythme de la salsa, il n’y a pas beaucoup d’activités possibles dans le coin.

Vicente Cisneros nous invite à goûter un plat typique de la région dans un restaurant de Chincha. On se laisse tenter par une carapulcra: un copieux plat de pâtes avec du poulet, des haricots, une pomme de terre douce et une sauce piquante. C’était l’un des plats favoris d’Andres. « Avec la cebiche, un poisson local servi également avec une sauce piquante », précise-t-il.

L’addition s’élève à 25 soles pour trois couverts, boissons comprises. Environ 300 francs belges. Pour ce prix, on a tout juste droit à un potage au restaurant de l’hôtel. Un nouvel exemple des différences existant entre les tarifs de la vie locale et ceux pour les touristes.

MERCREDI

Le Sporting Cristal se déplace pour un match de championnat à Huancayo, un village de montagne situé à 3.700 mètres d’altitude. « Il n’y a pas d’aéroport civil là-bas », explique Vicente Cisneros. « Uniquement une piste militaire. Pour ce genre de déplacement, nous louons généralement un charter. En principe, le règlement de la fédération oblige l’équipe visiteuse à être sur place 24 heures à l’avance, mais nous préférerons partir le matin même car les effets de l’altitude ne se font sentir qu’après un jour. Si l’avion, pour cause de brouillard par exemple, ne peut pas décoller, nous nous tapons six heures de bus. C’est arrivé une année, nous étions arrivés juste à l’heure du coup d’envoi ».

Sur une pelouse en piteux état, le Sporting Cristal partage 1-1 à Huancayo, face au Deportivo Wanka. De notre côté, nous prenons l’avion pour rentrer en Belgique. Andres Mendoza restera encore quelque temps au Pérou, dans l’appartement qu’il possède à Surco, une zone résidentielle de Lima. « Je rentre à Bruges le 29 juin », précise-t-il. « Pour l’instant, je profite encore de mes congés pour rendre visite aux amis et à la famille. Je suis chez moi ici. Mon fils de deux ans, Andres Junior, est plus à l’aise en Belgique. Il m’a déjà demandé: -Papa, quand est-ce qu’on rentre à Bruges? Je le verrais très bien épouser une Belge, plus tard, comme notre nouveau président ».

Daniel Devos, envoyé spécial au Pérou

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