Charleroi Sports Partners

Pierre Bilic

Les Zèbres vivent une quinzaine cruciale pour leur avenir. Alors que le staff technique s’active, enregistre des départs et des arrivées, le vieux club carolo est visiblement entré dans une phase d’accalmie interne. Personne ne s’en plaint, au contraire, chez les Zèbres.

Abbas Bayat, le président carolo, et Jean-Claude Van Cauwenberghe, se sont vus ou entendus plusieurs fois ces derniers temps et ils ont l’avenir du club entre leurs mains. Rien ne se décidera sans eux et cette montée, ou ce retour, en importance a remis de l’ordre dans la baraque. Les divers sous-officiers sportifs ou administratifs ont compris que le vide de pouvoir ne serait bientôt plus qu’un souvenir. Les disputes s’estompent. Il est temps car les échéances approchent : apparition au grand jour des investisseurs réunis autour de Jean-Claude Van Cauwenberghe ce vendredi, visite de contrôle au Tribunal de Commerce le 15 juillet, voyage à Rome 24 heures plus tard d’une délégation carolo afin de faire le point avec les investisseurs de la Lafico et de Saadi Kadhafi.

Van Cau et Bayat ont sifflé la fin de la récréation.  » Ils ont le même objectif : assurer la pérennité du club dans un univers carolo « , avance Jean-Jacques Cloquet, directeur financier et administratif du club.  » Le climat a changé. Le club est en bonne voie de s’en sortir grâce à MM. Bayat et Van Cauwenberghe. Sans eux, ce serait zéro sur toute ligne. L’heure est au travail. La cellule sportive a déjà fait du bon boulot. Le noyau aura une autre allure mais il ne sera pas déforcé, bien au contraire. Sur le plan administratif et financier, nous avançons bien aussi. Je suis confiant : Van Cau et Bayat sauveront le club « .

C’est un positivisme qui ne doit cependant pas cacher les réalités du moment. Charleroi a actuellement la trésorerie en pente et ses soucis de trésorerie (perte de 7,5 millions d’euros ces trois dernières années) sont aussi à inscrire dans tout le contexte d’un football belge plongé dans une inquiétante morosité financière. Genk a une énorme ardoise de 20 millions d’euros auprès des banques et vend ses stars sur le marché des transferts : Wesley Sonck à l’Ajax, Josip Skoko à Gençlerbirligi et, demain, Moumouni Dagano à Strasbourg. Anderlecht a ouvert une ligne de crédit chez Fortis, Bruges accuse une déficit structurelde quatre millions d’euros, etc.

Charleroi est donc loin d’être le seul club à avoir des trous dans les poches. En plus des efforts déployés auprès de nouveaux investisseurs, il y a eu une réflexion plus large dans le Pays Noir. Le football professionnel belge est entré dans une nouvelle phase. Il y a deux ans, quelques Zèbres ont eu la chance de signer des contrats leur garantissant un revenu de 375.000 euros bruts par an : une fortune pour un club de cette envergure. Il a fallu les caser ailleurs pour dégraisser la masse salariale. Cette époque de largesses est totalement révoluemais il faut, maintenant, payer les ardoises. Ce constat est également dressé en Hollande où les joueurs ont, en plus, le droit de placer la moitié de leur salaire dans un fonds de pension.

Au terme de leur carrière, ils perçoivent le fruit de cette épargne sans payer un franc de taxe. En Belgique, à 35 ans, le footballeur professionnel doit payer 16 % de taxes sur son épargne pension. Impossible pour le commun des contribuables et cette différence de traitement commence à faire des vagues dans la presse néerlandaise. Alors que le futur gouvernement belge racle les fonds de tiroir pour garantir le régime des soins de santé et des pensions, il y a des avantages fiscaux, accordés à des joueurs qui ne sont pas à plaindre, qui peuvent étonner.

Mais l’heure est bien à l’économie pour les footballeurs professionnels qui ont bénéficié de l’arrêt Bosman et de la générosité de dirigeants parfois dépassés par les événements et leur désir de réussir sur les terrains de sport comme dans leurs affaires.  » Cela a généré une fragilité qui a déjà coûté cher au football belge « , avance Jean-Jacques Cloquet.

Petits actionnaires à géométrie variable

Ces évidences nous rappellent les clubs qui ont été emportés par les ennuis de leur président : le FC. Liégeois et André Marchandise, Seraing et Gérard Blaton, le RWDM et Eric De Prins, etc. Seul, Jos Vaessen, le président de Genk ne peut plus suivre. C’est le cas aussi, même si c’est à une autre échelle, d’Abbas Bayat à Charleroi. Cette tendance aurait pas mal fait réfléchir les responsables politiques carolos. Un club de football professionnel marquant est très important pour l’aura d’une ville, son taux de notoriété, son prestige, son image de marque dans le monde des affaires, etc. La fragilité, permanente ou occasionnelle, du seul maître à bord peut anéantir les ambitions d’un club et de la région qu’il représente.

Dès lors, ne vaut-il pas mieux avoir de plus petits actionnaires à géométrie variable ? Quand un de ces investisseurs se retire, pour diverses raisons, cela ne signifie pas que le club soit à l’agonie. Les dégâts sont plus rapidement circonscrits et il est plus facile de trouver un petit apport que des millions d’euros. Jean-Claude Van Cauwenberghe aura certainement dressé ce constat en mettant sur pied sa société coopérative, Charleroi Sports Partners, qui a réuni son 1,5 million d’euros. Au départ, Van Cau avait parlé d’une douzaine d’apôtres pour arriver à ce montant mais, la situation économique étant ce qu’elle est, les mises seront plus petites etle nombre d’investisseurs plus élevé. Ce n’est pas une faiblesse car Charleroi Sports Partners sera évidemment placé sous l’aile de Van Cau.

Les investisseurs auront des garanties en béton et ils seront mis en évidence dans les médias dès vendredi. Pub garantie, popularité aussi. Le but semble en toute évidence de rendre les Zèbres aux Carolos. En dehors du foot proprement dit, Charleroi Sports Partnersdevrait être une espèce de club de businessmen de la région qui pourront se découvrir des atomes crochus et faire des affaires ensemble.

 » L’idéal est de multiplier les secteurs d’activités dans ce groupement de sponsors « , avance Jean-Jacques Cloquet.  » Cela crée un réseau de relations intéressant pour tout le monde. Il faut savoir que la région de Charleroi se redéploie sur le plan économique. Le tissu des moyennes entreprises est de plus en plus dense. C’est chez nous qu’il y a le plus de start upset ces nouvelles boîtes ont besoin de se faire connaître. Elles n’ont pas des capitaux énormes pour ce faire mais en se regroupant, autour du sport, c’est moins cher que seul et tout aussi intéressant. La répartition des risques installera ce club dans la stabilité  »

Il y a les intentions, les plans et d’autres réalités : Charleroi Sports Partners existe mais il n’en reste pas moins que malgré la gravité de la situation, Abbas Bayat reste le président et actionnaire à 100 % de la SA Sporting du Pays de Charleroi, qui chapeaute le club.

Acceptera-t-il que Charleroi Sports Partnersinjecte de l’argent (augmentation de capital) en échange de 50 ou 60 % de ses parts ? Il semble que oui vu l’état de l’endettement et les risques de faillite. Mais Abbas Bayat ne s’est pas encore exprimé à ce propos. A-t-il des cartes secrètes dans son jeu ? Garde- t-il un investisseur dans la manche ? Acceptera-t-il d’être actionnaire minoritaire et de garder la présidence en attendant de récupérer son prêt d’unmillion d’euros et de se débarrasser de sa garantie en premier rang d’un emprunt de 2,5 millions d’euros ? Se retirera-t-il bientôt ?

Van Cau et Abbas Bayat se sont rencontrés vendredi passé en présence de Luc Frère, ancien président des Zèbres. L’échange aurait été très positif. Van Cau avance en sachant que l’apport de son groupe sera important mais pas suffisant. En stratège, il en fait le commando de son plan global : consolider administrativement et financièrement le club, ouvrir le capital, faire un tour d’horizon des nouveaux investisseurs potentiels, analyser les pistes régionales, nationales, européennes et extra européennes, élargir le Conseil d’Administration, inscrire le club dans le long terme, etc.

 » C’est exactement ce qui avait été défini lors d’un communiqué de presse de la fin mai « , rappelle Jean-Jacques Cloquet. Le voyage en Italie a été maintenu au 16 juillet et une délégation carolo, sans Van Cau qui observera tout cela de loin, rencontrera bien les représentants de la Lafico à Rome. Nicolas Dewalque orchestrera tout cela. On verra alors pour de bon si cette piste est bonne, se limitera à la Lafico ou mènera à SaadiKadhafi, le fils du président de la Libye. Si la Lafico intervient à Charleroi, ce sera un bonus. Van Cau en tient certainement compte mais il développe d’abord d’autres axes de réflexion plus régionaux.

Un réceptacle sponsoring pour tous clubs de la région

A Liège, le Standard a déjà fait appel à une intercommunale (ALE Télédis) pour rejoindre ses sponsors. Il serait étonnant que Van Cau n’y ait pas songé, pour plus tard, alors que les intercommunales, souvent très riches, doivent se faire connaître : lemarché de l’électricité ne s’est-il pas ouvert récemment à la concurrence européenne ?

Charleroi n’est pas la région la plus riche de Belgique, loin de là, mais elle a mené ses idées sportives à bien. Cette ville mérite son titre de capitale sportive et est, à ce point de vue, un cas unique en Europe. Si le football se cherche, les réussites sont nombreuses par ailleursà Charleroi : tennis de table, basket, foot en salle, volley, cyclisme, matches de tennis de Fed Cup au Spiroudôme, boxe, départ d’une étape du Tour de France la saison prochaine, etc. Tout cela vaut finalement beaucoup d’argent et le projet sportif a généré des succès mais aussi des initiatives tout de même assez éparpillées. Il y a déjà un petit temps que Jean-Claude Van Cauwenberghe et l’échevin des Sports, Claude Despiegeleer, songent à relier tous les sports entre eux. Ils en parlent souvent et c’est là que pourrait apparaître, finalement, l’élément de réflexion et de l’outil de travail le plus important.

La Ville de Charleroi aimerait créer un  » réceptacle sponsoring  » pour tous les grands clubs sportifs de la région. Est-ce l’£uf de Colomb ? L’idée est intéressante. Une discipline peut être en difficulté et si un sponsor y a placé tous ses oeufs, il ne sera pas satisfait du return dans les médias. Par contre, si l’annonceur est à la fois présent en football, en basket, en tennis en table et ailleurs, il a la certitude que son message sera vu. C’est une richesse qui devrait attirer de gros investisseurs. Il suffirait alors de répartir les capitaux selon des fractions à définir en fonction de l’importance des différents clubs sportifs. A ce point de vue-là, Charleroi détient bien plus d’arguments que toutes les autres villes belges : Bruxelles, Anvers, Liège, Bruges, Gand. Les autres grandes cités de notre pays ne brillent que dans un ou deux autres sports. C’est peu, pour ne pas dire pauvre, alors que les entités urbaines vont jouer un grand rôle dans l’Europe de demain.

Cette nouvelle donne d’un sponsoring global peut rapprocher des régions adjacentes. La Louvière refuserait-elle de se joindre à cette initiative ? A suivre aussi. La diversité sportive sera probablement la bouée de sauvetage des Carolos. Entre deux dossiers consacrés au football, Van Cau a rencontré Frank De Winne et des cosmonautes russes de la mission Odyssea la semaine passée à Spa-Francorchamps. Les aventuriers de l’espace lui ont peut-être donné de bons conseils afin de mettre les Zèbres sur orbite. Le compte à rebours a commencé.

Charleroi Sports Partners existe mais Abbas Bayat reste le président : quels sont ses intentions ?

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire