Charleroi REVIT malgré tout

Les Zèbres reviennent dans la course au titre après avoir essuyé quelques tempêtes et un licenciement. Chronique d’un club toujours aussi explosif

Depuis mai dernier, Charleroi est en D2. Mais à part la division, peu de choses ont changé. Les entraîneurs continuent à être limogés, le président à sortir des phrases chocs et des tirades déconcertantes (qui a vraiment cru qu’il allait s’assagir avec la descente ?), les supporters à venir bruyamment mettre l’ambiance… et contester la présence d’ Abbas Bayat. Et les médias, pourtant si féroces et peu enclins à suivre une actualité qui n’en est plus une, sont restés fidèles à ce Sporting si explosif.

La couverture médiatique, certes moindre, n’a jamais été aussi forte pour un club de D2, certains quotidiens décidant même de lancer un multi-live de D2 sur leur site internet. Dernièrement, c’est Belgacom qui est monté dans la charrette et a décidé de retransmettre les rencontres de l’antichambre de l’élite. Bref, le Sporting de Charleroi a peut-être connu un des échecs les plus cuisants de son histoire, il n’en est pour autant pas mort. Les résultats tendent d’ailleurs à prouver le contraire. Depuis le licenciement de Jos Daerden, le cercle carolo a ramené 19 points sur 21 dans son escarcelle et ne pointe plus désormais qu’à deux unités d’Eupen qu’il a battu au Kehrweg samedi.

Une descente difficile à digérer

Pourtant, le début de championnat ressembla bien vite à une copie conforme du défunt exercice. Charleroi peinait à battre les formations comme Tirlemont et laissait filer des points.  » J’avais bien dit qu’on ne serait pas prêt en début de saison « , se défend Daerden.  » Mais en voyant d’autres favoris engranger des points, le président a paniqué. Il ne fallait pas car en football tout peut aller très vite. « 

En cause ? Un recrutement difficile à dessiner. Daerden :  » On a démarré la préparation avec 15 joueurs pour arriver à un noyau de 30 en septembre. Beaucoup de nouveaux sont arrivés à la toute fin du mercato, comme Danijel Milicevic. D’autres comme Matija Smrekar n’avaient plus joué depuis un an. La préparation n’avait donc pas servi à grand-chose. De plus, on se retrouvait avec un noyau beaucoup trop étoffé pour la D2. Chaque semaine, il y avait 7 ou 8 mécontents dans la tribune.  »

 » C’est clair que l’équipe n’était pas prête durant les deux premiers mois « , corrobore Tibor Balog, T1 toujours non officialisé et sous la tutelle encombrante du président Bayat.  » On avait effectué 12 transferts. Dans ces conditions, Daerden a fait du très bon travail. On avait besoin de temps pour remettre en condition physique certains joueurs et chaque semaine, on voyait les choses s’améliorer, notamment au niveau de la possession de balle.  »

A cela s’ajoute la découverte d’une nouvelle division.  » On devait essayer de voir comment il fallait jouer en D2 « , ajoute Balog,  » On n’avait aucune base. Il n’y avait pas de scoutings effectués ni de rattrapages vidéos possibles pour comprendre comment évoluaient nos adversaires. Il nous a fallu plusieurs matches pour voir que certaines équipes couraient dans tous les sens. Tu ne peux pas juger de la qualité d’une équipe comme Dender ou Wetteren avant d’avoir joué contre elle. « 

 » A Woluwé, on se retrouvait dans deux petits vestiaires car un seul ne suffisait pas pour se changer « , raconte Daerden.  » Et j’utilisais cet état de fait pour motiver les joueurs. Je leur disais – Si vous voulez retrouver les vestiaires d’Anderlecht, de Bruges ou du Standard, vous devez passer par ceux-ci et gagner ces matches. « 

Certains joueurs devaient également évacuer la frustration de la saison dernière et remettre l’ouvrage sur le métier. Des anciens pensionnaires de D1, renforcés par l’étiquette de favori, ont cru que la plupart des rencontres allaient s’apparenter à des formalités.  » Les joueurs ont abordé les matches sans se mettre suffisamment de pression, en pensant qu’ils allaient tout de même passer en force durant les fins de matches « , a d’ailleurs reconnu le président dans une interview au Soir.

Mais si Abbas Bayat peut avoir une certaine patience quand il défend bec et ongles un entraîneur étranger ( Tommy Craig ou Czaba Laszlo), il en a nettement moins quand il s’agit d’un entraîneur belge. Exit donc Jos Daerden.  » Ce qui m’a manqué ? Du temps et des points « , reconnaît d’ailleurs l’ancien joueur du Standard.  » Je commençais tout doucement à me dire que la phase d’apprentissage se terminait mais on a préféré paniquer. C’est d’ailleurs le gros problème de Charleroi : il y a suffisamment de qualités pour s’extraire de la D2 mais il n’y a jamais de sérénité autour du club. Le président n’est jamais content et intervient sans cesse. Je ne dis pas qu’il faut relâcher la pression mais il faut savoir avancer avec sérénité. J’ai essayé de travailler à ma manière. J’ai tenu Monsieur Bayat au courant de tout. Je garde d’ailleurs un très bon souvenir des discussions qu’on a pu avoir au cours de certaines soirées. Dommage que quand il parle de son équipe, il perd les pédales. Il y a deux facettes dans la personnalité de Monsieur Bayat ! A certains moments, il faut savoir rester calme et lui ne sait pas le faire.  »

Balog, toujours pas confirmé

Pourtant, depuis le départ de Daerden, Charleroi est redevenu conquérant. Les résultats suivent (dont les deux dernières victoires face à Lommel et Eupen), la défense tient, les mécontents se font rares et le Sporting, distancé de huit points au moment du changement de coach, ne pointe plus qu’à deux unités de la première place. Tout cela avec un intérimaire reconduit de semaine en semaine : alors qu’on attendait un nouvel entraîneur, Abbas Bayat a décidé de ne rien décider. Officiellement, Balog, en charge du groupe, n’a jamais constitué une option sérieuse aux yeux du président. A se demander quelle piste sérieuse trouve encore grâce aux yeux de l’homme d’affaires iranien, qui déclare que 80 % des entraîneurs ne servent à rien et qui en remet une couche en affirmant  » que dans la majorité des cas, ce sont d’anciens joueurs qui ont une base d’érudition très moyenne pour ne pas dire faible  » ?

En attendant, Balog fait son job. Et plutôt bien. Il récolte certes les fruits du travail intensif de Daerden mais il a également apporté sa touche personnelle. Là où le grand Jos avait établi une certaine distance avec ses joueurs, Balog a renoué avec la communication.  » J’ai beaucoup parlé individuellement aux joueurs « , commente l’ancien meneur hongrois.  » Je leur ai dit ce que j’attendais d’eux et quel devait être leur travail défensif et offensif. Suite à la descente et au début de saison difficile, certains avaient perdu confiance en leurs moyens. J’ai essayé d’enlever toute pression de leurs épaules. Dans les situations compliquées, j’essaye toujours de me remémorer mes années de joueur et je me demande comment je réagissais à telle ou telle situation. « 

Sur le plan tactique également, l’équilibre a été revu. Du 4-4-2 de Daerden, on est passé à un 4-2-3-1 sous Balog. Oublié par Daerden, le défenseur monténégrin de 23 ans, Mijusko Bojovic est devenu un pilier de la défense. Son gabarit est particulièrement utile pour la D2 et son apport offensif (comme l’a prouvé son but à Eupen) est indéniable. Son éclosion a précipité le défenseur israélien Matan Ohayon dans les limbes du noyau. Car là où le groupe de 30 joueurs paralysait Daerden, il n’en est rien avec Balog. Ce dernier a dégagé un noyau stable (et un onze de base) de 17-18 joueurs et les recalés n’ont pas fait de vagues. Tout cela sans vraiment l’air d’y toucher. Le discours n’a pas changé ( » tout le monde est important « ) et l’équipe tourne. Derrière, la défense a resserré les vis avec notamment le gardien Stéphane Coqu (qui ne gagne pas beaucoup de points mais qui, contrairement à Nemanja Dzodzo, n’en perd pas !). L’entrejeu est sans doute un des meilleurs de D2 (avec Onur Kaya aux assists, Ederson au centre et l’éclosion d’ Abraham Kumedor à la récupération) et Moussa Gueye, trop court pour la D1, est bien plus à l’aise un étage plus bas.

Reste que si le bateau vogue rapidement, il n’est pas à l’abri. Le président s’immisce quotidiennement dans le travail de Balog et ne lui facilite pas la tâche. On l’a vu copieusement engueuler son entraîneur après le partage à Wetteren (les deux seuls points perdus) et il refuse de le nommer officiellement T1.

 » Moi, je ne suis pas un T1 « , déclare Balog.  » J’essaye simplement de faire progresser l’équipe. Je ne m’occupe pas des déclarations du président car je ne suis ni dans les 80 % de mauvais, ni dans les 20 % de bons. Cependant, je ne sais pas ce que je peux faire de plus pour être T1. Peut-être devais-je gagner à Wetteren ? Et je ne vais pas mentir : je m’attendais à une confirmation ou du moins à une plus grande reconnaissance du travail du staff « , conclut-il.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – photos: imageglobe

 » Je ne sais pas ce que je peux faire de plus pour être T1. Peut-être devais-je gagner à Wetteren ? »

(Tibor Balog)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire