Charleroi ne sera pas champion

Voici pourquoi les Zèbres ne pourront pas rivaliser avec le Standard, Anderlecht et Bruges sur la longueur pour le titre. Et pour l’Europe ?

Charleroi vient de réussir deux beaux coups : gagner à Anderlecht et surclasser Bruges. Le jeu est de retour au stade du Pays de Charleroi, les hommes forts sont enfin revenus de vacances et ont retrouvé leur rythme de croisière. Philippe Vande Walle, entraîneur sans expérience, est en train de relever la lourde succession de Jacky Mathijssen. Bref, Charleroi baigne en pleine euphorie.

Mais les Zèbres ont sans doute atteint leur sommet. Peuvent-ils décemment prétendre à viser plus haut ? Oui pour l’Europe. Non pour le titre. Pourquoi ?

1. Seulement quatre joueurs du top

Si on prend le onze de base, sans faire déshonneur et manquer de respect aux valeureux Zèbres, il convient d’admettre qu’aucun n’a la carrure d’un champion de Belgique. Il suffit de mettre les noyaux en parallèle. Charleroi ne compte qu’un international : le Burkinabé Badou Kere. De plus, si on compare les onze de base, le Sporting compte une longueur de retard par rapport à ses poursuivants.

Seuls Bertrand Laquait, Tim Smolders et Majid Oulmers (mais pas au poste d’arrière gauche) sont des joueurs du top. Fabien Camus l’est également quand il est en forme.

Frank Defays, Kere et Christian Leiva sont des joueurs du subtop.

Le Standard peut s’appuyer sur huit éléments du top ( Olivier Renard, Steven Defour, Marouane Fellaini, Axel Witsel, Milan Jovanovic, Dieumerci Mbokani, Oguchi Onyewu et Mohamed Sarr), tous internationaux. On en recense 11 à Anderlecht et 10 à Bruges (tout le noyau à l’exception de Michaël Klukowski. Même Brian Priske est international !). Gand et Genk disposent aussi de plus de joueurs de classe. On peut en retenir six à Gand ( Guillaume Gillet, Milos Maric, Alin Stoica, Christophe Grégoire, Bernd Thijs et Adekanmi Olufade) et cinq à Genk ( Logan Bailly, Eric Matoukou, Faris Haroun, Wouter Vrancken et Tom Soetaers – sans comptabiliser les blessés !).

2. Noyau trop étroit

On l’a vu en début de championnat : quand l’entrejeu patauge et que l’attaque ne marque pas, le banc a du mal à faire la différence. Vous prenez un Camus, diminué mentalement mais surtout physiquement, et un Orlando, qui retombe trop souvent dans ses travers, et vous ratez votre début de championnat.

De plus, une saison est longue. Les blessures, suspensions et méformes seront légion. Est sacrée championne la formation qui parvient le mieux à gérer ces impondérables. Pour cela, il faut un banc solide, capable de gagner des points.  » On devra tenir toute une saison avec un noyau de 14 hommes « , nous révélait un autre joueur. Ce constat est sévère car il ne tient compte que de la valeur actuelle du groupe. Evidemment, une révélation n’est pas à exclure.

3. Pas assez d’attaquants

En attaque, Vande Walle a essayé toutes les possibilités : Brice Jovial n’a toujours pas convaincu, Michaël N’Dri non plus et Mahamadou Habibou attend certainement d’avoir plus de minutes au compteur. Il a finalement fallu compter sur le cadeau du gardien malinois Milos Adamovic pour voir se révéler celui qu’on n’attendait plus : Joseph Akpala.

Le Nigérian est une vraie promesse. Il semble enfin éclater mais peut-on tenir tout un championnat en misant sur le seul Akpala ? Non. La jeunesse du joueur (21 ans) le conduira inévitablement à connaître une baisse de régime.

4. Pas assez de médians

L’entrejeu, qui semblait pourtant pléthorique, recèle les mêmes carences.  » Est-il normal de ne pas compter deux médians défensifs quand on veut jouer le titre ? », se demandait un joueur carolo à la sortie des vestiaires après la défaite des Zèbres à Westerlo (1-0).

Ce soir-là, Leiva étant suspendu, Vande Walle avait fait reculer Tim Smolders au poste de récupérateur. Smolders avait certes rempli sa tâche mais reculer un tel pion d’un cran privait l’attaque d’un soutien de poids.

5. Pas assez de défenseurs

Après la mauvaise passe initiale, Vande Walle a décidé de remettre Oulmers en défense (véritable porte-bonheur puisque jusqu’à la défaite au Germinal Beerschot, jamais Charleroi n’avait perdu avec le petit Marocain en défense). Mais si celui-ci apporte le danger via ses longues chevauchées, il est moins présent en zone offensive. Et même si ses gestes défensifs sont devenus plus précis, cela n’en fait toujours pas un arrière académique.

Salaheddine Sbai a très bien suppléé Laurent Ciman. On a découvert un joueur pugnace, vif et jamais battu. Cette éclosion offre à Vande Walle à la fois un arrière central mais aussi un back gauche, poste premier de Sbai. Est-il normal qu’à la première suspension en défense centrale, on doive faire appel à un arrière gauche ?

6. Peu de transferts convaincants

Si on jette un coup d’£il sur le onze de base, on constate très vite qu’aucun des transferts de l’été n’est parvenu à se faire une place au soleil. Seul Sbai a saisi sa chance. Mais le jeune Marocain faisait déjà partie du noyau carolo depuis longtemps. Il avait simplement été prêté à Renaix et Tubize. La remarque vaut également pour Laquait. Par contre, pas de trace des trois jeunes Montois ( Baptiste Ulens, Filippo Porco et Romain Dutrieux). Très peu de temps de jeu pour Damien Miceli, Rémi Sergio ou N’Dri.

Cela découle de la politique carolo. Les talents français ne sont pas inépuisables et d’autres clubs de D1 (comme Mons et Mouscron) ont rejoint Charleroi sur ce marché. De plus, quand on engage peu de moyens en transferts, il ne faut pas s’attendre à ce que toute arrivée s’apparente au jackpot. On se dit que le ratio une réussite/cinq échecs est déjà bon. Le problème intervient quand les réussites se raréfient. Ce qui est le cas depuis deux ans. Du moins sur le marché français. Car l’éclosion de garçons comme Smolders, Leiva ou Akpala montrent que les recruteurs carolos ont toujours le nez fin. De plus, le retour de Raymond Mommens est également un signe encourageant. Comme par hasard, la campagne de transferts ratée coïncide avec le départ de l’ancien médian gauche pour la cellule de scouting d’Anderlecht…

7. Manque de vécu

La pénurie d’internationaux au Mambourg restreint l’expérience accumulée. Tous les autres candidats au titre et à l’Europe savent comment gérer le stress du haut niveau. Même Vande Walle, qui a connu les matches au sommet comme joueur, manque de repères comme entraîneur. Cette carence de vécu peut également conduire à un manque de régularité. Or, pour être champion, à défaut parfois de bien savoir jouer, il faut être régulier.

Néanmoins, la fraîcheur peut intervenir en faveur des Zèbres. Quand les autres clubs seront fatigués par leur parcours européen ou devront composer avec un noyau décimé par le départ des internationaux, Charleroi pourra toujours travailler avec l’entièreté de son groupe.

8. Outils de travail défectueux

La saga Olympic-Charleroi a mis en lumière la pauvreté des installations sur Charleroi. Mais on s’est rendu compte aussi que le stade du Pays de Charleroi n’était pas bien grand. Car, outre leur vestiaire (agréable mais pas si spacieux que cela), les joueurs ne disposent d’aucune commodité. Pas de sauna, ni de jacuzzi (il attend dans un garage depuis deux ans mais personne n’a encore pris la peine de le monter !), ce qui est devenu la norme dans les grands clubs. Charleroi grandit sportivement mais vit encore avec des installations de Provinciales. Nous ne prendrons aucunement parti en disant que tout cela est du ressort de la ville ou du club. Nous ne faisons que dresser le constat : si on veut afficher un certain standing et faire preuve d’ambitions, il faut s’en donner les moyens.

Pour s’en rendre compte, il suffit également d’aller faire un petit tour au complexe (mais peut-on appeler cela un complexe ?) d’entraînement de Marcinelle. Deux terrains peuvent accueillir les professionnels (un troisième est disponible mais il sert avant tout aux équipes de jeunes) mais ceux-ci n’ont même pas l’exclusivité des lieux. Les jeunes utilisent un des deux terrains. C’est certes une bonne idée de créer un lien entre équipes de jeunes et la Première mais faut-il pousser ce vice jusqu’à l’utilisation des mêmes aires de jeux ? Pour le moment, le terrain tient le coup mais qu’en sera-t-il en novembre et décembre ?

La famille Bayat rejette le problème sur la ville, qui avait pourtant montré ses bonnes intentions en imaginant un système favorable au Sporting en ce qui concerne le financement du nouveau terrain synthétique. Favorable mais illégal !

Enfin, après un entraînement, les joueurs doivent revenir en auto au stade afin de prendre une douche. Comme Dender ! Le Standard qui se trouvait dans le même cas de figure lors des entraînements au Bois Saint-Jean a résolu le problème avec l’inauguration de l’académie Robert Louis-Dreyfus

9. Nervosité

Le comportement des dirigeants carolos après la rencontre de Bruges témoigne du fossé existant entre Charleroi et les grands clubs. Ni à Anderlecht, ni au Standard, ni à Bruges, on ne voit des dirigeants monter sur la pelouse pour aller sermonner le corps arbitral.

En agissant de la sorte, Charleroi risque de se mettre toute la corporation des arbitres sur le dos. Plus rien ne sera passé au Sporting. Parfois, il convient de se faire discret, quitte à faire parler son influence en dehors du terrain.

10. Manque de moyens financiers

Pour être champion, il vaut mieux avoir un portefeuille bien garni. Cela aide. Or, à ce niveau-là, Charleroi doit construire avec des bouts de ficelle. Imaginons un instant qu’à la trêve, tant Anderlecht que Bruges ou le Standard se retrouvent distancés : ces trois formations pourront toujours embaucher l’un ou l’autre élément reconnu au mercato. Charleroi devra, quant à lui, toujours miser sur des joueurs revanchards ou inconnus. Parfois cela marche mais ces derniers temps, cela coince.

De plus, si Charleroi continue à épater la galerie et en regard des expériences passées, il y a fort à parier que les dirigeants carolos n’hésiteront pas à vendre leurs meilleurs éléments. L’équation est donc simple : à la mi-championnat, on risque de voir certaines équipes se renforcer et Charleroi se déforcer. Un titre ne peut se concevoir que si Abbas Bayat se décide à renverser cette tendance : garder ses meilleurs éléments et acheter des joueurs confirmés.

11. Concurrence

Charleroi n’a pas laissé une grande impression au Parc Astrid. Ce qui est paradoxal puisque les Zèbres sont repartis avec les trois points (alors qu’ils n’avaient plus vaincu Anderlecht sur son terrain depuis 12 ans). Cette victoire montrerait-elle que le petit Sporting rivalise enfin avec son grand frère ? Bien sûr que non. Autant Charleroi avait fait jeu égal avec Bruges, autant il fut acculé par Anderlecht. La différence de niveau était bel et bien réelle. On ne peut revendiquer un titre quand on décide de laisser l’initiative à son adversaire du jour.

Mis à part Anderlecht (en crise mais qui devrait se réveiller au vu des qualités individuelles du noyau) et Bruges (encore en chantier), les autres prétendants ont déjà trouvé leur rythme de croisière. Le Standard risque de connaître une baisse de régime mais son avance de neuf points sur Charleroi lui permet de voir venir. Genk a pataugé en début de campagne mais s’est repris. Les retours conjugués d’ Ivan Bosnjak, de Wim De Decker et de Thomas Chatelle lui apporteront également un nouvel élan. Gand produit du beau football et la méthode Sollied va s’affiner au fur et à mesure.

par stéphane vande velde – photos: reporters

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