« Charleroi est un cas à part »

L’introduction du système des licences va-t-il assainir le football belge?

A une exception près, tous les clubs de D1 sauront cette semaine s’ils auront leur licence. Germain Landsheere, président de la commission des licences, s’est plongé dans les dossiers pendant deux mois. A première vue, la plupart des clubs devraient franchir la première étape. La première délibération a lieu le 17 avril. Ceux qui échouent peuvent se pourvoir en appel. Le Club Brugeois s’est déjà présenté pour régler les problèmes de son assurance-groupe…

Cinq clubs ont déjà obtenu la licence. Lesquels vous causent-ils le plus de problèmes?

Germain Landsheere : Anderlecht, Genk, St-Trond, La Gantoise et Mouscron l’ont obtenue directement. Alost, Harelbeke et Beveren devaient encore rentrer des documents. Les clubs reconvoqués devaient fournir la preuve que tous les salaires des joueurs étaient payés jusque fin février alors que les clubs déjà en ordre n’ont dû le prouver que jusqu’au 31 décembre. Charleroi est un cas à part. La cession du Sporting de Charleroi au Pays de Charleroi doit encore être approuvée. Charleroi a entamé les démarches en juillet 2000 mais le dossier est bloqué au Parquet fédéral. Il devra ensuite passer devant la commission de contrôle. Le club ne pourra demander sa licence au nom du Pays de Charleroi qu’à ce moment. La société doit être propriétaire du numéro de matricule, ce qui n’était pas le cas. Les Carolos ont donc du pain sur la planche. Ils ne pourront demander la licence qu’une fois la cession du patrimoine en ordre.

La plupart des clubs sont proches du but. Ça vous étonne?

Non. J’étais sûr que les clubs allaient trouver les fonds nécessaires à l’apuration de leurs dettes vis-à-vis de l’ONSS et du précompte professionnel. Ce sera plus difficile l’année prochaine pour ceux dont la trésorerie est étriquée. La troisième année sera cruciale. Si un club ne réunit pas les conditions de renouvellement, il aura du mal à rester parmi les dix-sept premiers. Si les cinq premiers de D2 satisfont à tous les critères, ils prennent cette place et nous jouons le championnat suivant avec dix-huit équipes, soit avec un troisième montant. Les règlements empêchent quasiment de réduire le nombre de clubs dès la première année. Toutefois, ceci ne relève pas de la responsabilité de la commission des licences. Ce sont les clubs qui établissent le règlement et qui l’ont empêché. Il eût été plus simple de décider que les descendants supplémentaires ne seraient pas remplacés. Nous ne pourrons réduire le nombre de clubs de D1 à quatorze ou à seize tant que les clubs des deux premières divisions obtiendront aisément leur licence.

N’aurait-il pas mieux valu établir une perspective de trois ou quatre ans, pour que les clubs voient si cette première étape en vaut la peine? Ceux qui s’en tirent de justesse risquent de chuter dans un an.

On verra dans un an ou deux qui s’est mis dans le rouge. Si on n’a pas établi de perspective, c’est la faute de la Ligue Pro et de la Ligue de D2. J’aurais préféré qu’on réduise le nombre de clubs à court terme mais nous avons déjà accompli un premier pas en ce sens. Il ne faut pas placer les clubs dos au mur immédiatement. Ceux qui exigent des règles plus sévères oublient qu’il faut assurer un championnat la saison prochaine. Une fois les licences octroyées, la commission va étudier les maladies d’enfance et les soumettre aux ligues concernées.

Par exemple?

L’assistance en D2. Pourquoi ces clubs doivent-ils avoir un stade d’une capacité de 5.000 places dont 1.000 assises? 4000 suffiraient à condition de pouvoir l’accroître en cas de promotion.

Quelle est la situation en D2 et en dessous?

Quatre clubs doivent fournir un complément d’informations: Ostende, Turnhout, Liège et Roulers. Ce dernier cas relève du détail: Roulers doit apporter la preuve du transfert de patrimoine après sa fusion. Ceux qui veulent entrer en compte pour la promotion devaient introduire une demande pour la D1 et la D2. Aucun club non qualifié pour l’élite ne pourra disputer le tour final. Tous les clubs concernés ont toutefois rentré leur demande.

Nous entamons l’évaluation de la D3 le 17 avril. Trois clubs doivent fournir des documents supplémentaires: Lyra, Zultse et les Francs Borains. 25 des 32 pensionnaires de D3 ont demandé une licence. C’est plus qu’espéré: beaucoup n’ont aucune chance de promotion cette année mais se sont donné la peine de prouver qu’ils sont en règle, comme le RC Malines. Ça me permet de dire que tout est sous contrôle jusqu’en D3. Les dirigeants d’Eupen ont fait 150 kilomètres jusqu’à Bruxelles pour s’entendre dire que leur dossier était parfait et qu’ils pouvaient rentrer chez eux. J’ai culpabilisé!

Vous en concluez que le football belge est plus sain qu’on ne le croit.

Sur base de ce que j’ai vu. Nous avons rendu service à la société, avec tous ces arriérés ONSS. On parle ici de plus de 100 millions.

La D2 a poussé des cris d’alarme.

Selon moi, la D2 ne peut être professionnelle. Les frais fixes sont élevés alors que les rentrées chutent sérieusement. Présenter un budget de 80 millions trois années de suite est impossible. Nous ne pouvons entretenir un football professionnel avec 36 clubs. Il y a tout au plus 28 clubs viables. Deux fois quatorze. Simplement parce qu’on partage le gâteau en moins de parts tout en conservant assez d’équipes pour proposer un championnat intéressant. Une affiche mensuelle Bruges-Standard ne serait plus attractive.

Ceux qui ne sont pas en ordre peuvent présenter un plan de paiement étalé. Beaucoup de clubs sont-ils concernés?

Un sur quatre. Ça ne m’inspire aucune crainte car il suffit que ce plan ne soit pas respecté une seule fois pour que l’ensemble tombe à l’eau. Ça dépend moins de la souplesse de la commission que de celle des pouvoirs publics. Nous appliquons le règlement et il ne prévoit pas de dérogation.

On vous reproche de ne tenir compte que des dettes à l’égard de la fédération et des pouvoirs publics.

Le reste n’est pas prévu. Les fournisseurs qui ne sont pas payés doivent réclamer la mise en faillite du club concerné. Si des clubs obtiennent leur licence au détriment de tiers, ceux-ci doivent déposer plainte. En les mettant en défaut, ils les empêchent de s’acquitter de l’ONSS et donc d’obtenir leur licence. Pour prendre en considération les dettes à l’égard de tiers, il faudrait faire contrôler la comptabilité par un bureau externe.

Etes-vous favorable à une telle initiative?

Il faut la suggérer à la Ligue Pro. Alain Courtois a déjà proposé de charger un bureau d’audit du travail de la commission. Nous avons travaillé avec trois juristes et trois réviseurs. Avant de confier la comptabilité à un bureau externe, il faut calculer combien ça va coûter. En France, ça revient à cinq millions de nos francs par club, soit cent millions. Le football belge est-il prêt à débourser pareille somme? Le contrôle du budget peut constituer une étape suivante.

On a aussi proposé de déposer une garantie bancaire avant la saison, pour le paiement des salaires.

C’est exagéré. Nous n’aurions plus que quatre clubs en championnat. Désormais, il faut prouver chaque saison que les salaires sont payés jusqu’au 31 décembre, y compris ceux des contrats périmés. Ça suffit, si on reste rigoureux.

Vous aurez moins de travail dans un an.

Les clubs savent ce qui les attend. Nous ne convoquerons que les clubs qui ne sont pas complètement en ordre ou qui doivent fournir une explication, en février 2002. Les autres recevront automatiquement leur licence, après envoi des documents. Nous disposerons aussi d’éléments de comparaison.

Comment expliquer les dettes accumulées par les clubs en quelques années? Par l’arrêt Bosman?

Les clubs sont responsables. Si vous dépensez 101 francs quand vous n’en avez que 100, vous courez aux problèmes. Avant cet arrêt, il était possible de combler un trou en vendant un joueur. Je l’ai fait. Le raisonnement actuel n’est pas sain. Vermant a dit que comme Bruges ne perçoit aucune indemnité, il peut lui-même exiger davantage. Je ne suis pas opposé à la suppression des indemnités de transfert mais bien au raisonnement selon lequel la totalité de cet argent doit revenir aux joueurs. En Belgique, c’est budgétairement irréalisable. Ce n’est pas la faute des joueurs mais des clubs. Ils n’ont pas besoin d’offrir cet argent aux joueurs. C’est un problème européen. Seuls quelques clubs ont plus de moyens. Fulham fait ce qu’il veut de son argent, s’il a un généreux donateur. Mais ce n’est pas parce que Fulham le fait que les autres doivent l’imiter. Moi, je fixais une limite et je ne la dépassais jamais. Je n’en ai pas souffert. L’entourage de Waregem bien.

Pourquoi des chefs d’entreprise qui dirigent leur affaire avec succès se comportent-ils autrement dans leur club?

Parce qu’ils dirigent leur entreprise avec leur cerveau et leur club avec leur coeur.

D’après une étude, un bon club de D1 doit générer un budget de 250 millions. Est-ce un montant acceptable?

Une étude est toujours théorique. Il est facile de dire que les droits TV doivent rapporter 1,1 milliard mais si personne n’est prêt à débourser autant… Quatorze clubs belges ne peuvent atteindre ces 250 millions. A Waregem, dans les années 80, je partais sur base d’un budget de 60 millions. Il faudrait le doubler, voire le tripler, pour l’adapter au marché actuel. Un budget de 200 millions serait déjà bien pour un club dépourvu d’ambitions européennes.

Geert Foutré

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