Charleroi en UEFA?

Et si la fusion annoncée entre La Louvière et Mons n’était qu’un écran de fumée pour permettre aux dirigeants louviérois et carolos de négocier loin du tumulte?

Elections, J-4. Les politiciens affûtent leurs armes. Hervé Hasquin a donné le coup d’envoi de La Louvière-Charleroi, samedi dernier. Marie Arena était également au Tivoli où elle retrouva avec plaisir un pote de longue date: Enzo Scifo. Les parents de la ministre et de l’ex-meneur de jeu se connaissent très bien. Ils sont originaires de la même région en Sicile, et la petite Marie a grandi à La Louvière.

On doute que les ténors politiques se croisent les bras au milieu des remous qui secouent actuellement le Centre et la cité du Doudou. La fusion annoncée entre La Louvière et Mons ne peut pas les laisser de marbre. Seulement voilà: en pleine campagne électorale, aucun d’entre eux n’est assez sot pour se prononcer ouvertement en faveur de l’une ou l’autre solution radicale. Il s’agit de ménager les susceptibilités. Les supporters des Loups sont d’ailleurs sur des charbons ardents. Pour eux, la fusion, c’est clairement non! Les slogans déployés samedi au Tivoli étaient révélateurs. Leur mécontentement a eu des prolongements pendant tout le match: supporters du Sporting et de la RAAL se sont méchamment chambrés, et après le coup de sifflet final, des bagarres ont éclaté.

S’ils avaient su… S’ils avaient su que ce derby était peut-être le dernier de l’histoire. Que, dans quelques jours, ils seront peut-être forcés d’encourager la même équipe! En effet, pendant que les médias consacraient des pages entières à la fusion présentée comme presque certaine entre La Louvière et Mons, c’est entre les gens du Tivoli et ceux du Mambourg que se déroulaient les conversations les plus concrètes. Avec, dans l’ombre, l’appui de certains politiciens tout à fait favorables à cette union.

Une fusion entre La Louvière et Mons se heurte à un obstacle de taille: des inimitiés personnelles. Viré du Tivoli en début de saison dernière, Jean-Claude Verbist y revient régulièrement aujourd’hui pour voir des matches. Mais on l’imagine mal retravailler main dans la main avec Filippo Gaone. Roland Louf, successeur de Verbist, n’est pas non plus en bons termes avec celui-ci. Et, nommer Marc Grosjean entraîneur du nouveau club fusionné, ce serait le remettre dans les pattes d’un Gaone avec lequel il s’est retrouvé devant les tribunaux. Les gens intelligents sont faits pour se réconcilier, mais quand même…Par ailleurs, si La Louvière avoue avoir besoin d’un nouveau partenaire, en raison d’une situation financière précaire, l’inverse n’est pas vrai. Les finances de l’Albert sont bonnes et ce club disposera, prochainement et sans rien débourser, d’un tout nouveau stade. Où est donc, pour les Dragons, l’intérêt d’une fusion avec La Louvière?

Cloquet directeur général, Louf manager sportif

Pour Charleroi, par contre, l’intérêt d’une fusion avec La Louvière est évident. Outre la perspective de voir le nouveau club disputer la Coupe de l’UEFA (en cas de victoire des Loups en finale de la Coupe) l’année du centenaire du Sporting, il y a la situation financière plus que difficile de ce club: il faudra, tôt ou tard, rembourser 10 millions d’euros. S’associer avec les Loups impliquerait une arrivée inespérée d’argent frais: 1,25 million en droits TV supplémentaires (l’enveloppe prévue pour La Louvière) au cours des deux prochaines saisons, la vente possible de joueurs puisqu’on obtiendrait subitement un noyau de près de 40 hommes, et la possibilité d’encaisser un million du Crédit Professionnel du Hainaut (CPH), l’actuel sponsor maillot de La Louvière qui apprécierait de voir les deux clubs s’associer. Que pourraient rapporter des ventes de joueurs? Même sur un marché des transferts en plein effondrement, un Proto, un Klukowski ou un Eduardo pourraient se monnayer à un bon prix.

A Charleroi, on a déjà décidé des réductions budgétaires pour les prochaines saisons. Jean-Jacques Cloquet prévoit un budget en équilibre dès l’année prochaine. En obtenant les rentrées citées ci-dessus, il pourrait poser deux gestes forts: commencer à rembourser anticipativement les gros emprunts contractés par le Sporting et rendre à Abbas Bayat une partie de l’argent qu’il a investi personnellement depuis son arrivée au club: un million environ.

De son côté, Filippo Gaone a déjà mis près de deux millions à La Louvière. Et il ne veut pas que la ponction dans son portefeuille continue. Le président a dit stop. Il sait que, si son club poursuit sa route seul dans son stade d’un autre âge, il continuera à perdre près de 750.000 euros par saison. Aller à Charleroi signifierait, pour lui, la fin des investissements à fonds perdus. Il est chaud pour une fusion. Bayat aussi. Les deux hommes ne se disputeraient même pas le fauteuil de président. Ils seraient prêts à prendre du recul et à confier le poste de directeur général à Cloquet. Roland Louf, lui, mettrait alors probablement fin à ses contacts avec le Lierse pour devenir manager sportif du club fusionné. Il semblerait aussi y avoir accord de toutes les parties concernées sur ce point-là.

Il y a toutefois encore certains obstacles sérieux à lever pour que les deux clubs se rejoignent. Quid du poste d’entraîneur? A Charleroi, on ne veut pas entendre parler d’une mise à l’écart de Dante Brogno. Mais, au Tivoli, on exigerait que l’équipe fusionnée soit placée sous les ordres du staff actuel des Loups: JacobsWachel. Autre pierre d’achoppement: Gaone ne voudrait pas être impliqué dans le remboursement des emprunts auxquels doit faire face le Sporting. Et lui aussi apprécierait de récupérer une partie de son investissement.

Gaone le Carolo, Cloquet le Louviérois

A première vue, Jean-Jacques Cloquet et Filippo Gaone sont faits pour s’entendre. Ils se connaissent depuis la nuit des temps. Cloquet a terminé sa carrière professionnelle au Tivoli, à l’époque où Gaone était déjà vice-président des Loups. Cloquet est d’ailleurs louviérois d’origine. Son arrière-grand-père fonda autrefois le club de Houdeng, où son grand-père et son père ont joué. Et son oncle en fut le président. Gaone, lui, ne cache pas qu’il s’est toujours senti plus carolo que louviérois. Sa première apparition dans le foot de haut niveau remonte d’ailleurs à un sponsoring maillot des Zèbres.

Aujourd’hui, Cloquet est viscéralement amoureux du Sporting. La semaine dernière, il a mis fin à ses contacts avec Dominique Leone, qui lui faisait un pont d’or pour devenir directeur général de Mons. Il aurait pu y signer un contrat de cinq ans aux (très bonnes) conditions financières qu’il avait chez Solvay. Des certitudes que son contrat actuel à Charleroi ne lui offrent pas: depuis qu’il est au Mambourg, il a dû plus d’une fois attendre son argent. Il a expliqué à Leone que, même s’il avait appris à apprécier Mons et les Montois pendant ses études d’ingénieur civil dans cette ville, il était trop attaché à Charleroi pour quitter les Zèbres. Mons doit donc analyser d’autres candidatures. L’heureux élu sera-t-il Pierre Delahaye? L’ancien directeur du Standard a en tout cas postulé.

Pierre Danvoye

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