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Chantier à l’arrière

Kompany, c’est fini. Couplé au vieillissement d’une défense déjà en âge de pré-retraite, le départ du colosse force logiquement le sélectionneur national à anticiper le renouvellement de sa future ligne défensive. Focus sur ce qui pourrait bien en advenir.

Attentif et surtout doté d’une mémoire éléphantesque, celui qui parviendrait à mettre le doigt sur la rencontre où aucune des pointures que sont Vincent Kompany, Jan Vertonghen, Toby Alderweireld ou encore Thomas Vermaelen n’ a pris place au sein de l’arrière-garde belge. Un plongeon rétrospectif qui fait prendre conscience qu’un cycle arrive bientôt à terme et qu’un autre devra forcément prendre le relais. Ce rappel étourdissant fait suite à l’annonce fracassante, mais finalement prévisible, de Vincent Kompany de raccrocher les crampons. Et quand bien même les nombreux pépins physiques du désormais T1 d’Anderlecht venaient à chambouler de manière un peu trop récurrente l’axe défensif des Diables, il n’en restait pas moins une référence, un leader incontesté.  » C’est une grosse perte parce qu’aussi bien sur le terrain qu’en dehors, Vincent est un personnage emblématique de la sélection. Il va laisser un grand vide dans le noyau et ce sera peut-être l’ occasion pour d’autres joueurs de prendre la relève « , assure Christian Kabasele.

Ça aurait été très irresponsable de notre part d’attendre que les défenseurs centraux arrêtent avant de se demander ce qu’on allait faire  » Roberto Martinez

Mais Roberto Martinez n’en est pas à son coup d’essai. Cette restructuration évidente, voilà plus de deux ans que le technicien espagnol s’y attelle, soucieux de maintenir les Diables rouges le plus longtemps possible au plus haut niveau du foot international. Le Catalan martèle :  » Ça aurait été très irresponsable de notre part d’attendre que les défenseurs centraux arrêtent avant de se demander ce qu’on allait faire. On avait un plan behind the scenes.  » Lui est donc venue l’idée de retenir un certain Dedryck Boyata, à l’époque encore peu en vue sur les pelouses écossaises du côté de Glasgow. Le défenseur affichait déjà quelques sélections à son actif après avoir été lancé en 2010 sous la houlette de Georges Leekens, mais avait dû renoncer quelques années plus tard à une sélection pour l’EURO 2016 en raison d’une blessure aux ischios-jambiers.

L’ASSURANCE BOYATA

Fidèle à sa philosophie de jeu privilégiant un trio arrière qu’il défend bec et ongles depuis son arrivée aux commandes de l’équipe, Martinez inscrit dans ses petits papiers le nom du Bruxellois (blessé et forfait pour les deux prochaines rencontres diaboliques, face au Danemark et à l’Islande), dont le profil remplit toutes les cases chères au sélectionneur : rapide, robuste dans les duels, propre à la relance. Selon les dires du coach, le temps passé en équipe nationale l’aurait aidé à se développer de manière significative et à devenir le joueur qu’il est maintenant au Hertha, où il est considéré comme l’un des meilleurs défenseurs centraux de Bundesliga après seulement une saison passée outre-Rhin. Le chevronné Thomas Vermaelen y serait bien pour quelque chose. Boyata considérerait même le joueur de Vissel Kobe comme une véritable source d’inspiration, selon Roberto Martinez.

Quelle ne fut pas la lourde tâche de Boyata de prendre ensuite place entre les indéboulonnables, voire inséparables Jan Vertonghen et Toby Alderweireld pour pallier les absences à répétition de Kompany, annoncé plus qu’incertain pour le Mondial 2018. D’abord sceptiques, les supporters ont salué ses performances et se sont vite ralliés au choix du sélectionneur, tandis qu’un Laurent Ciman, forcément déçu car très apprécié des supporters, était amené à quitter le groupe des 23 peu de temps avant le coup d’envoi du tournoi. Martinez assume ses positions et pose déjà là un choix d’avenir. Sous la chaleur de Sotchi, contre les valeureux Panaméens, dans l’antre du Spartak Moscou face aux Aigles de Carthage, ou encore lors du premier face-à-face anglo-belge, Boyata ne déçoit pas. Assure même. Et finit presque par faire oublier le retour prévu du Vince pour la phase finale du tournoi. Depuis le retrait définitif de Kompany et en attendant l’éclosion des plus grands espoirs du pays, la place de Boyata au centre de la défense est quasiment assurée pour le rendez-vous pris en juin 2021.

L’HÉRITAGE DE LA GAUCHE

Derrière, c’est surtout le côté gauche qui inquiète. Si le mot se veut un brin pessimiste, c’est en tout cas dans cette zone qu’un flou persiste. Et ce n’est pas nouveau, mais les prestations toujours convaincantes et l’expérience des gauchers Jan Vertonghen et Thomas Vermaelen n’ont pas laissé la porte ouverte à de nombreuses nouvelles têtes.

Pour l’instant, le profil de Christian Kabasele n’entre plus en ligne de compte aux yeux de Martinez, qui ne semble pas l’inscrire comme une solution d’avenir, lui qui s’est alloué les services du gaucher à seulement deux reprises, en match amical… et du côté droit. Mais à 29 ans, le défenseur de Watford, fraîchement relégué en Championship, ose encore y croire :  » À chaque fois que je ne suis pas repris, je me dis juste que je n’ai pas fait assez sur le terrain pour convaincre le sélectionneur de me reprendre à la place d’un autre joueur, et qu’il faudra encore travailler plus les prochains mois. J’ai encore la possibilité de jouer à un bon niveau, donc ça restera toujours un objectif de figurer dans les prochaines sélections.  »

Dedryck Boyata, ici face à l'Angleterre, est dans les petits papiers de Roberto Martinez.
Dedryck Boyata, ici face à l’Angleterre, est dans les petits papiers de Roberto Martinez.© GETTY

Bien que le report de l’EURO 2020 ne fasse pas tressaillir le coach et ses ambitions, une année de plus traîne dans les pattes d’une défense qui ne rime déjà plus avec jeunesse. À 33 ans, Jan Vertonghen s’est heureusement trouvé un nouveau défi dans le championnat portugais, afin de retrouver du temps de jeu qu’un autre Portugais ne lui octroyait plus chez les Spurs, pour qui il officiait depuis 2012. Alors qu’il aurait très bien pu être tenté par des contrées plus exotiques pour terminer ses jours de footballeur comme bon nombre de ses comparses, la soif de trophées et l’envie de performer encore et toujours au plus haut niveau l’ont emporté chez le natif de Saint-Nicolas. Grâce à ce transfert lui permettant, à première vue, de retrouver une place de titulaire dans le onze de Benfica, Sterke Jan souscrit quelque part l’assurance de gonfler un peu plus son nombre de caps avec les Diables.

De quoi donner le temps à Martinez d’évaluer davantage ses perspectives, car les gauchers se font rares dans l’effectif, et le seul visage jeunot pour prétendre à ce poste prend les traits de l’Anderlechtois Elias Cobbaut, lui aussi forfait pour les deux prochaines rencontres internationales. Le profil séduit Martinez, qui place beaucoup d’espoirs en lui. Auréolé d’une première titularisation un soir glacial de novembre, lors de la dernière rencontre de qualifications pour l’EURO face à Chypre, le gaucher offre une prestation sobre, mais efficace :  » J’étais très content parce que c’était un match difficile, dans le sens où il n’est pas entré dans une équipe en place. Il a dû s’intégrer à un onze au sein duquel il y avait neuf autres changements, donc il faut prendre des responsabilités sans en avoir l’expérience, et je trouve qu’il l’a bien fait. « , explique Martinez. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le nom d’Elias Cobbaut figure une nouvelle fois dans sa liste élargie. Le projet est intéressant pour le futur, mais l’Anderlechtois devra rapidement confirmer et affirmer son potentiel pour lui aussi pour oser prétendre à un poste d’éventuelle doublure en vue de l’EURO. Car à l’heure actuelle, c’est plus grâce à son profil que par ses prestations que le Mauve a intégré la sélection.

L’HEURE DE LA RELÈVE ?

Lentement mais sûrement, Jason Denayer se défait du spectre de la débâcle des Diables à Lille face à la bête noire galloise, qui pesait encore sur ses épaules lors de ses récents retours en sélection. Pointé du doigt parmi d’autres, le Lyonnais, encore très jeune à l’époque (tout juste 21 ans), a visiblement souffert de la ressemblance avec Vincent Kompany qu’on lui a trop rapidement prêtée et ce tout juste au lendemain d’une poignée de prestations sous les couleurs belges.

Au sein de l’effectif rhodanien emmené par Rudi Garcia, Denayer est devenu un incontournable, malgré les prestations en dents de scie de l’équipe lors de cette saison hors du commun. Roberto Martinez apprécie sa polyvalence, le considérant même comme l’unique élément de l’effectif actuel capable de prester aux trois postes de l’arrière-garde. Utilisé tantôt à gauche, tantôt à droite ou dans l’axe, Denayer est tout de même attendu pour prendre place du côté droit, où il évolue actuellement dans la défense à cinq des Gones. Bien que doté d’un leadership fort, lui ayant valu le brassard de capitaine sous l’ère Génésio et Sylvinho, Denayer risque difficilement de bouger un Toby Alderweireld qui paraît bien ancré pour occuper le poste encore un petit temps… et à plein-temps. Après une fin de saison conclue en apothéose et des prestations qualifiées de  » fascinantes  » par le tacticien espagnol, séduit par sa gestion des un-contre-un face à Cristiano Ronaldo ou encore Raheem Sterling, Denayer devra entretemps jouer de sa polyvalence pour pouvoir retourner l’ordre établi et s’imposer également avec les Diables.

Dans son sillage, il pourrait emmener prochainement Zinho Vanheusden, lui aussi connu pour sa capacité à évoluer à différents postes. Pressenti pour faire ses premiers pas chez les A lors de ce rassemblement, Vanheusden devra encore prendre son mal en patience. Le Standardman est attendu avec les Espoirs de Jacky Mathijssen pour affronter l’Allemagne, gros morceau du groupe qualificatif en vue de l’Euro U21. Son leadership naturel lui a même valu, à tout juste 21 ans, le brassard de capitaine chez les Rouches, ce qui pourrait s’apparenter à une étape supplémentaire dans le développement de sa jeune carrière, que Martinez compte bien faire fructifier avant de le convoquer :  » Avec Sebastiaan Bornauw, ils sont dans le process pour moi. Ils jouent avec les U21, parce que je sens qu’ils ont besoin de cette responsabilité, de cette expérience des grands matches en jouant contre l’Allemagne, notamment « . Auteur d’une première saison remarquée en Bundesliga du côté de Cologne, soldée par six buts en 28 rencontres, Bornauw reste donc lui aussi dans la ligne de mire du sélectionneur. Thierry Siquet, sélectionneur des équipes de jeunes depuis 2013, confirme le potentiel des deux Espoirs :  » Je crois qu’ils sont là où on les attend. Je les ai connus il y a cinq, six ans et on s’attendait déjà à voir des garçons comme eux percer un jour. C’était presque la logique, mais il faudra réussir à passer ce palier et à s’imposer chez les A au niveau international, puis à s’y installer durablement.  »

DEUX ANS DE TRANSITION

Pour renforcer le secteur et élargir le spectre des combinaisons défensives possibles, Leander Dendoncker pourrait également entrer dans la danse après avoir prouvé dans son club qu’il pouvait occuper cette position de défenseur central droit avec brio. En sélection, le Diable s’y est également déjà essayé à plusieurs reprises, mais ses performances sont plus contrastées. Très bon lors d’un 8-1 face à l’Estonie, où il avait dépanné au pied levé, bien moins à son avantage face à l’Angleterre en troisième match de poules du Mondial. Le joueur des Wolves s’était montré plus approximatif et moins convaincant dans un match qui voyait deux équipes B s’affronter. Reste à Martinez à déterminer si le rôle de Dendoncker sera de boucher les trous ou plutôt de pouvoir faire le sien dans l’entrejeu des Diables. Enfin, il y a celui dont le nom fait moins de bruit, mais qui semble énormément plaire au coach.  » Brandon Mechele fait partie de cette caste de leaders à l’ancienne, un personnage comme on n’en a pas assez « , se réjouit Martinez.  » Il est dans le groupe depuis un petit temps, il a travaillé dur, et il a eu sa cap contre le Kazakhstan. C’est une chose importante parce que quand tu finis ta carrière, tu as été international ou pas. Et être sélectionné, ce n’est pas être international. Il le mérite et je pense qu’il l’a montré « , continue-t-il. Malgré tout, la présence du Brugeois serait plus qu’étonnante dans un groupe plus restreint lors des futurs grands tournois.

Pour les tauliers Alderweireld et Vertonghen, le Mondial au Qatar devrait encore être une échéance alléchante. De quoi offrir aux questions défensives plus générales un répit attendu de deux ans, une fois l’héritage de Kompany assumé. Le compte à rebours n’est pas alarmiste, mais il s’est enclenché. Deux ans, c’est encore beaucoup pour progresser. Ce n’est pas Dedryck Boyata, passé en 24 mois de l’anonymat du championnat écossais aux spotlights d’un match de Coupe du monde, qui vous dira le contraire.

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