CHAMPION À DROITE

Bruno Govers

Le coach des Loups explique sa philosophie et ses projets pour le deuxième tour.

U n grand merci d’avoir remis le club sur les rails ! En pénétrant le bureau de Gilbert Bodart, au stade de Tivoli, nul ne peut décemment ignorer la carte touchante envoyée par Bernadette Delcampe, une mamy de 72 ans, qui figure en position centrale aux valves destinées à l’entraîneur des Loups. Le compliment, à vrai dire, est amplement mérité. Car depuis que le Gil a repris en main la destinée des Vert et Blanc, ceux-ci ont singulièrement grimpé au classement, passant en l’espace de huit matches de la place de bon dernier à une position de non reléguable. L’appétit venant en mangeant, le coach liégeois ne désespère pas continuer cette progression jusque dans le haut de la colonne de droite. La semaine passée, il a en tout cas récolté deux bons points contre des teams huppés : le premier contre Lokeren, malgré une phalange réduite à dix après le repos suite à l’exclusion de Fadel Brahami, et le deuxième contre Anderlecht au seuil d’une âpre bataille tactique.

Gilbert Bodart :  » En raison des titularisations de Laurent Delorge, Grégory Pujol et Mbo Mpenza en attaque, j’ai dérogé à mon 3-5-2 habituel au profit d’un 4-4-2 souple où, en vertu des circonstances, l’un des hommes du milieu était chargé de reculer d’un cran afin de prêter main forte au trio de base formé, comme contre Lokeren, de George Blay, Olivier Guilmot et Martin Ekani. Tout au long de la rencontre, le Sporting s’est cassé les dents sur notre mur vert et blanc. Mon collègue Frankie Vercauteren a eu beau introduire respectivement au jeu Walter Baseggio, Oleg Iachtchouk et le jeune Sami Allagui, j’ai chaque fois trouvé la parade en faisant monter sur la pelouse, tour à tour, Alexandre Potier, Laurent Montoya et Rogerio De Oliveira. Nos adversaires auraient encore pu attaquer pendant dix ans, ils ne seraient jamais parvenus à nous surprendre « .

La Louvière avait 4 points sur 30 au moment où vous avez repris l’équipe en main. Après 18 matches, elle en comptabilise 18. Pensiez-vous, au départ, à une telle ascension ?

Honnêtement, c’est davantage que je n’en espérais. Mais au moment de m’atteler à la tâche, je savais que cette équipe valait nettement mieux que la lanterne rouge. Pour avoir suivi certains de ses matches de près et discuté avec quelques suiveurs, je m’étais fait la réflexion, depuis longtemps déjà, que La Louvière ne disposait pas d’un effectif pour défendre. Compte tenu des composantes du groupe, il fallait oser mettre résolument le nez à la fenêtre, match après match. Or, sur ce que j’ai vu et entendu, les Loups avaient toujours tendance, durant le premier quart du championnat, à jouer avec le frein à main. Mon premier souci aura été, dès lors, de leur faire un lavage de cerveau, histoire d’évacuer la sinistrose, et de les enhardir. Tous étaient convaincus qu’après avoir courbé l’échine face au FC Brussels, un des très mal lotis de la saison passée, la même mésaventure risquait de se produire devant le Lierse, lors de mes propres débuts. D’emblée, j’ai toutefois tenu à les rassurer en leur affirmant que ce match, ils allaient le gagner. Et c’est ce qui s’est vérifié.

Pour les besoins de cet premier match, vous aviez immédiatement innové en vous prononçant pour un 3-5-2 qui s’éloignait du 4-4-2 ou du 4-5-1 prônés par votre devancier, Emilio Ferrera ?

Pour obtenir une plus grande percussion avec le même matériel humain disponible, j’ai tout simplement fait monter d’un cran Fritz Emeran tout en titularisant Yannick Vervalle sur le flanc gauche. Ces deux joueurs, explosifs et toniques, ne sont jamais aussi dangereux que lorsqu’ils peuvent coulisser aux abords de la ligne médiane. Ils l’ont d’ailleurs prouvé de concert mercredi passé, contre Lokeren, en étant à la fois à la construction et à la finition de notre seul but. Pour orienter la manoeuvre ou faire la décision, ils constituent deux atouts supplémentaires par rapport à l’entame de la saison, quand Fadel Brahami était encore le seul à dicter la man£uvre. A présent que le Franco-Algérien peut compter sur deux précieux acolytes à ses côtés, je m’attends à ce que lui-même décolle dans la suite des événements. A mes yeux, il a le potentiel pour devenir chez nous ce qu’un Chris Janssens représente pour Westerlo ou Runar Kristinsson pour Lokeren. La différence avec mon joueur, c’est qu’eux ne s’embarrassent jamais de fioritures : dès qu’ils ont le ballon, ils le jouent. Fadel, lui, est encore trop amoureux du cuir. Il faut toujours qu’il le porte en dessinant au passage quelques jolies arabesques. Il doit se défaire de cette habitude.

Le bluff plutôt que l’attentisme

Et se montrer moins soupe-au-lait aussi. Son exclusion a failli vous coûter cher face à Lokeren ?

Je lui répète sans cesse qu’il doit laisser son irascibilité aux vestiaires. Mais c’est plus fort que lui : dès qu’un adversaire s’obstine à lui chatouiller les tibias, il réplique toujours du tac au tac. S’il veut faire une carrière au plus haut niveau, comme il en a la possibilité, il convient absolument qu’il apprenne à se dominer. Sans quoi, il risque de se forger une vilaine réputation sur les terrains. Contre Lokeren, il s’est à la fois puni lui-même, en étant privé du match de gala contre Anderlecht, tout en pénalisant aussi ses coéquipiers. Et cela, je ne puis l’admettre. C’est d’autant plus regrettable que nous avions un formidable coup à jouer contre les hommes de Slavoljub Muslin : en cas de victoire, nous aurions effectivement totalisé 19 points et grimpé encore de plusieurs échelons au classement. Dans ce cas de figure, on aurait pu se dire, à mi-championnat, que le maintien était d’ores et déjà assuré. Car avec dix unités d’avance sur le Lierse, dernier classé, nous nous serions forgés une avance substantielle sur le seul descendant direct. A quelque chose, cependant, malheur est bon. En raison de l’exclusion de Fadel, j’ai dû pour la première fois depuis mon arrivée dans le Centre préserver un résultat. Ce n’est pas mon habitude car mon credo, c’est la gagne. Désolé, mais quand on joue petit bras, ou plutôt petit pied, on ne progresse pas. Charleroi en est l’illustration : à force de viser le nul, il a accumulé les draws depuis l’entame du championnat et ne décolle pas. Moi, je préfère lorgner les trois points, en toutes circonstances, quitte à me ramasser de temps en temps. Mais qu’importe, le bluff paiera toujours plus, à mes yeux, que le pur attentisme.

 » Il faut encourager les joueurs  »

Une autre constante dans votre approche, c’est le mental training. Avant le match contre Lokeren, vous vous êtes longuement entretenu avec chaque titulaire et Yannick Vervalle en particulier. Peut-on savoir ce que vous lui avez dit dans ce cas précis ?

C’est bien simple, je n’avais guère apprécié certains commentaires de ce joueur, parus dans la presse quelques jours plus tôt. Il avait suffi de quelques bonnes performances dans son chef pour que subitement il se mette à planer. Désolé mais, dans sa situation, il ne peut pas clamer à qui veut l’entendre qu’il a le sentiment d’avoir fait le tour du propriétaire au Tivoli. Car s’il s’est montré à son avantage dans tel ou tel contexte, il lui faut de toute façon s’inscrire dans la durée, ce qui ne se fait pas en l’espace de quelques matches à peine. Je lui ai dit ma façon de penser non seulement par le biais des journaux mais également entre quatre-z-yeux, le lendemain de notre défaite contre Westerlo. Si je lui ai davantage parlé qu’à un autre avant le match contre Lokeren, c’est parce que je tenais à lui dire que, pour moi, tout avait été dit entre nous au cours des jours précédents et que sa titularisation devant les Waeslandiens était la preuve que je ne lui en tenais pas rigueur. Yannick, par la suite, m’a répondu de la plus belle manière qui soit en livrant un bon match contre cette formation. Sans atteindre la perfection, pour autant, car il doit encore améliorer la qualité de ses centres. Il ne faut pas perdre de vue, par exemple, que la balle de but qu’il a offerte à Fritz Emeran était en réalité destinée à Nordin Jbari (il rit).

Autant vous aviez fustigé l’ancien international après sa carte rouge contre Beveren, autant vous l’avez couvé contre Lokeren ?

Normal. L’exclusion de Nordin face à la colonie ivoirienne du Freethiel était aussi stupide que celle de Fadel contre Lokeren. Ce genre de réaction épidermique est à proscrire. En revanche, Nordin se devait absolument d’être protégé dans ce match. Je ne comprends pas l’attitude du public, honnêtement. Le garçon a eu, quelques jours plus tôt, la douleur de perdre sa belle-mère dans un accident de la route et son beau-père était toujours dans le coma. Tout le monde était au courant de ce drame, qui avait malheureusement fait la une de certains journaux. Malgré sa peine, Nordin avait tenu à jouer la rencontre contre Westerlo. Aussi, le comportement hostile d’une frange des supporters était-elle complètement dépassée. Le joueur aurait eu besoin de soutien et non de quolibets dans ce contexte. C’est dommage, mais les gens ne se rendent pas compte combien leurs encouragements peuvent être utiles aux garçons et à l’équipe dans son ensemble. Moi, je dis et je maintiens que dans le cas d’un club comme La Louvière, la motivation et l’engouement interviennent pour moitié dans un résultat, les qualités propres à 30 % et la tactique à. Qu’on se le dise !

Le championnat des points perdus

En vue du deuxième tour de la compétition, La Louvière a d’ores et déjà conclu un transfert : Alexandre Lecomte, que vous aviez eu sous vos ordres à Ostende.

Alex va combler une lacune car, dans l’effectif, il manquait assurément un pivot de sa trempe. Le Français a une bonne mentalité, joue bien en déviation, est capable de fixer une défense et ne perd quasi aucun duel aérien. Ce gars-là devrait être du pain béni pour nous, dans la mesure où ses qualités, couplées à celles des autres éléments dont je dispose en attaque, sont immanquablement appelées à faire des dégâts. Avec son concours, je suis paré devant. Si je pouvais encore obtenir un renfort dans les autres secteurs, je serais aux anges. Dans ce cas, je me fais fort de mener La Louvière au sommet de la deuxième colonne. Etre champion à droite, c’est l’objectif que je me suis fixé…

Après Ostende et Alost, deux aventures qui se sont terminées en eau de boudin, n’avez-vous pas le sentiment de jouer aujourd’hui la carte la plus importante de votre jeune carrière d’entraîneur ?

Non, je ne le vois pas ainsi. Chez les Côtiers, j’ai été victime d’un règlement de compte entre les deux hommes forts du club, Franklin Sleuyter et Eddy Vergeylen. A Alost, il ne faut pas oublier que j’ai été près du miracle. Si, à l’occasion du dernier match à Hamme, et alors que le score était d’un but partout, nous n’avions pas loupé un coup de réparation à trois minutes du terme, avant de concéder nous-mêmes un penalty, in extremis, j’aurais tout bonnement sauvé ce club. Pas plus tard que la semaine passée, Alost a liquidé ni plus ni moins dix joueurs pour insuffisance. Ceux-là mêmes, pour la plupart, que j’avais eus sous mes ordres un échelon plus haut. C’est dire si j’avais réussi au-delà des espérances. Dès lors, je n’ai pas l’impression d’abattre mon va-tout. Je sais où je vais. Et je sais que je suis dans le bon.

Que vous inspire le championnat ?

Il a une queue mais pas de tête (il rit). C’est le championnat des points perdus quand on voit le nombre d’unités déjà galvaudées par les premiers. Ce phénomène est peut-être logique dans des compétitions corsées, comme en Espagne par exemple. Là, c’est un signe de richesse. Chez nous, par contre, c’est une preuve de pauvreté. A moins d’un virement de bord spectaculaire au deuxième tour, le futur numéro 1 ne sera pas un grand champion.

Sera-ce enfin la bonne saison pour le Standard ?

Sincèrement, je l’espère. Mais il ne suffit pas de battre Bruges et Anderlecht pour être champion, il faut aussi, pour bien faire, vaincre Beveren et le Brussels. Les Rouches sont encore loin du compte. Le titre de champion d’automne va peut-être les booster. C’est ce que je leur souhaite en tout cas.

BRUNO GOVERS

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