« Cette saison est dangereuse pour tout le monde »

Atmosphère plombée à Anderlecht après une troisième défaite d’affilée, au Cercle Bruges. Pris pour cible par une partie des supporters, le directeur général défend la gestion de son club. Et son entraîneur.

On pensait qu’ils avaient vécu le pire suite à leurs deux revers de rang à l’Hajduk Split et au Standard (… sans oublier le Partizan et le Zenit), mais les Mauves doivent déchanter une fois de plus suite à une nouvelle défaite encourue au Cercle Bruges, dimanche passé. Sale temps pour l’équipe mais aussi pour la direction, et Herman Van Holsbeeck en particulier, pris en grippe par une frange des fans. Malgré cette très mauvaise passe, le manager du Sporting reste combatif à souhait.  » Dans l’adversité, je veux me battre encore plus « , dit-il.

Vous avez dû composer avec la vindicte publique au Standard. Comment avez-vous vécu cet épisode ?

Herman Van Holsbeeck : Etre adulé un jour et critiqué le lendemain est inhérent au monde du football. Il faut donc pouvoir s’en accommoder. Je pense que mes proches en ont souffert plus que moi. Une de mes filles est enseignante et avant de rejoindre sa classe le lundi, un de ses collègues lui a dit : – T’as vu comment ton père s’est fait agresser à Sclessin ? Elle n’était pas au courant et ce fut la grande panique, alors que tout s’était limité au jet d’un verre de bière sur moi. Si l’attitude des supporters était hostile, en matière de cote de popularité, j’ai pourtant déjà connu pire. Lors de mon premier exercice au Parc Astrid, en 2003, je pouvais encore compter à un moment donné sur le soutien de 3 % des inconditionnels du club. Au cours des jours qui ont suivi notre défaite au Standard, 85 % des sympathisants étaient contre moi dans les forums. Cela veut dire que je pouvais quand même compter sur l’appui de 15 % de nos fans ( il grimace).

Les récriminations des supporters portaient, entre autres, sur la campagne de transferts, marquée d’apports quantitatifs davantage que qualitatifs ?

Le souci de la direction, à l’intersaison, visait à garder l’essentiel de nos forces vives. Au final, nous y sommes quasiment parvenus puisque, hormis Jelle Van Damme, les autres cadres sont tous restés au club. Pourtant, nous avions bel et bien reçu des offres concrètes pour ces joueurs-là en fin de mercato. Le VfB Stuttgart proposait 8 millions pour Mbark Boussoufa, le VfL Wolfsburg 10 millions pour Matias Suarez et Tottenham 20 millions pour Romelu Lukaku. Sans compter que le FC Bologne s’était également enquis des conditions de transfert de Lucas Biglia. Si nous n’avons pas réservé de suites favorables à ces demandes, c’est parce que nous étions ambitieux au départ de cette saison.

 » Pour l’instant, Pablo Chavarria n’a pas le niveau « 

Une saison toutefois entamée avec un onze de base moins solide que l’année passée, suite au départ de Van Damme, précisément. N’avez-vous pas sous-estimé cette perte ?

Jusqu’à présent, il faut bien reconnaître que son départ n’a pas été compensé. Pour le remplacer, nous tablions à la fois sur Kanu, qui avait étalé des qualités à cette place par le passé déjà, et qui comptait un an d’expérience supplémentaire. Sacha Kljestan était une solution aussi et l’Américain avait d’ailleurs plutôt bien débuté cette campagne, en inscrivant notamment le but d’ouverture lors de notre déplacement européen à The New Saints. Mais celui qui entrait le premier en ligne de compte pour pallier l’absence du joueur, c’était Mahmud Shikabala. Anderlecht a épuisé, en pure perte, pas mal d’énergie dans ce dossier puisque le joueur a préféré en définitive rester au Zamalek.

Où il est l’objet d’une cour assidue de la part du Standard. Si le Pharaon aboutit à Sclessin, ne serait-ce pas là une nouvelle gifle pour vous ?

A priori, nous avions ciblé ce joueur sur base de son talent uniquement. Lors des tractations nous nous sommes tout de même rendu compte qu’il était pour le moins indécis et versatile. Le c£ur n’y était pas à 100 %. Dans la mesure où nous n’avions pas tous nos apaisements quant à son envie, nous nous sommes retirés. Si d’autres veulent tenter leur chance, c’est leur bon droit. Chez les Rouches, je présume néanmoins que le cas d’Emad Meteb aura donné à réfléchir. Dès lors, je suis curieux. Mon seul regret, par rapport à ce dossier, est d’avoir perdu pas mal de temps.

D’autant plus que l’international égyptien n’était pas une priorité pour l’entraîneur. Ses desiderata étaient un back droit et un attaquant.

Nous avons en définitive penché en faveur de l’acquisition d’un avant, Pablo Chavarria en l’occurrence, plutôt que d’acheter un arrière latéral, vu qu’à ce poste nous disposions déjà à la fois de Guillaume Gillet et de Nemanja Rnic, sans oublier le revenant Marcin Wasilewski. Avec Sacha Kljestan, l’Argentin était appelé à concurrencer les meilleurs alors que les deux autres recrues, Jan Lecjaks et Pier Barros constituaient plutôt des traites pour l’avenir, en effet. Des deux renforts prévus, il faut bien avouer que c’est le transfuge de Belgrano Cordoba qui a le moins répondu à l’attente. Nous venons de livrer une rencontre amicale à Diegem Sport et l’attaquant local était meilleur que le nôtre, c’est un fait. Doit-on évoquer déjà un transfert raté pour autant ? Non, car Matias Suarez a eu besoin d’un an pour trouver ses marques. Et il en était allé d’une manière similaire avec Jan Polak. C’est pourquoi, si j’admets qu’il y ait des doutes à son propos à l’heure actuelle, je suis d’avis qu’il faudra attendre la fin de la saison pour le juger de façon pertinente. Idem concernant notre gestion.

Van Damme, qui ne se plaît guère à Wolverhampton, pourrait-il revenir au stade Constant Vanden Stock ?

Plus on évoque cette perspective, moins elle a de chances d’aboutir.

Idem pour Milan Jovanovic ?

Exact.

 » Anderlecht ne parvient plus à former des défenseurs de talent « 

Au lieu d’engager trois jeunes Tchèques pour moins de 3 millions d’euros au total, pas mal de sympathisants se demandent pourquoi vous n’achetez pas une valeur sûre de ce pays, susceptible d’apporter immédiatement un plus ?

Si nous en avions la possibilité, nous accueillerions très volontiers des garçons tels que Thomas Rosicky ou Milan Barros mais ils sont tout simplement hors de portée pour nous. A l’époque où je m’étais rendu à l’Independiente de Buenos Aires pour visionner quelques jeunes prometteurs, j’avais inscrit deux noms dans mon calepin : un certain Sergio Agüerro et Lucas Biglia. Le premier coûtait 20 millions d’euros, le deuxième 7 fois moins. Compte tenu de l’enveloppe financière dont je disposais, le choix était rapidement fait.

L’absence d’un véritable back droit a coûté cher : il y eut d’abord les errances de Rnic face à BATE Borisov et Gillet n’était pas tout à fait irréprochable sur les buts du Partizan à Anderlecht. Fonder ses espoirs sur Wasyl après une revalidation de 14 mois semble déjà tout aussi aléatoire. La cellule scouting avait proposé un nom qui faisait l’unanimité : Pavle Ninkov, de l’E.R. Belgrade. Mais il semble qu’au Sporting, on ne désire pas mettre le paquet pour un arrière. N’est-ce pas un mauvais calcul ?

On part du principe qu’un arrière doit coûter moins cher qu’un attaquant mais il est erroné de prétendre que le club n’est pas disposé à consentir un effort. Roland Juhasz a été acquis pour 1,25 million d’euros au MTK Budapest, soit plus que ce que nous avons dépensé pour Chavarria ou Suarez. L’option d’achat pour Ondrej Mazuch était de l’ordre d’1,2 million. Nous les avons déboursés aussi. A raison, car ces deux garçons ont fait l’unanimité la saison passée. Même si le Tchèque a été un peu moins performant en ce premier tiers de compétition, il ne faut pas subitement tout remettre en question. L’année passée, il avait commencé par quelques approximations aussi. Mais il s’était racheté de belle manière par la suite.

L’Ecole des jeunes ne devrait-elle pas être en mesure de produire de temps à autre un défenseur à la fois solide derrière et habile à la relance ?

C’est une question qui fait débat chez nous en tout cas. Depuis la percée de Vincent Kompany et d’Anthony Vanden Borre, il n’y a plus rien eu en ce sens. Tous nos talents sont offensifs à l’heure actuelle : Ziguy Badibanga, Nathan Kabasele et Junior Kabananga pour ne citer que ces trois noms. Je pense que cette absence de défenseurs de haut vol est due aux facilités que nous éprouvons en classes d’âge. Nous survolons à ce point les débats que nos arrières sont rarement mis à l’épreuve, sauf lors des chocs contre le Standard, le Club Bruges ou Genk. Le problème ne se situe d’ailleurs pas que chez nous. La défense est un casse-tête aussi en équipe nationale, visiblement. Et les solutions de rechange ne courent pas les rues. Quand je demande à nos prospecteurs le nom d’un bon arrière latéral, celui qui est le plus souvent cité c’est le Trudonnaire Dennis Odoi, qui a d’ailleurs joué en catégories de jeunes chez nous. Mais peut-il vraiment faire l’affaire ? La réponse est loin d’être catégorique.

 » Au Lierse, les joueurs ont fait preuve de suffisance « 

On ne peut se départir de l’impression que l’équipe n’a plus la même envie qu’il y a un an…

Cette saison-ci était, ou est toujours, dangereuse pour tout le monde à Anderlecht. Pour la direction d’abord, qui savait qu’après une campagne d’excellente facture elle éprouverait des difficultés à conserver tout le monde. Pour l’entraîneur ensuite qui, après avoir goûté à la joie d’un premier titre avec ses joueurs, allait devoir s’atteler à de nouveaux objectifs. Et pour les joueurs ensuite, censés témoigner toujours de la même envie. A l’analyse, les dirigeants ont fait leur boulot et l’entraîneur n’a pas grand-chose à se reprocher non plus. Côté joueurs, même si la qualité a fait défaut, j’épinglerai surtout un laisser-aller coupable au Lierse. Ce soir-là, nos joueurs ont fait preuve de suffisance comme pas permis. Ils ont réellement cru qu’ils n’auraient qu’à paraître sur le terrain pour faire une bouchée de leurs adversaires. Ce laxisme était évidemment intolérable et nous avons réagi en conséquence.

Qu’est-ce qui explique le crédit quasi illimité dont jouit Jacobs ?

On peut dire ce qu’on veut du coach mais c’est assurément quelqu’un qui voit clair. Il y a deux ans, avant d’affronter BATE Borisov au dernier tour préliminaire de la Ligue des Champions, il nous avait avertis qu’il était sans doute risqué d’aborder ce double rendez-vous avec une ligne offensive composée de deux jeunes comme Kanu et Suarez, dénués de toute expérience au plus haut niveau. Nous ne l’avions pas suivi dans cette appréciation et nous nous en sommes mordu les doigts. Après coup, d’autres, à notre place, auraient sans doute jeté la pierre à l’entraîneur. Nous, non, dans la mesure où nous avions notre part de responsabilité dans cet échec. Et cette année-ci, on peut probablement nous faire le même grief, puisque le coach avait émis le souhait d’obtenir notamment un back droit et que nous ne l’avons pas suivi dans ses revendications. Il n’y a pas la moindre raison de lui faire porter seul le chapeau. La direction assume ses erreurs aussi.

Jusqu’à présent, on n’avait jamais noté de fissures entre le coach et le groupe des joueurs. Mais après la raclée au Standard, Olivier Deschacht a observé que les joueurs n’avaient pas obéi à ses injonctions.

Notre capitaine a été le premier, aussi, à faire son autocritique. Quand le président Roger Vanden Stock et moi sommes descendus dans le vestiaire pour serrer la main des joueurs, comme nous le faisons régulièrement après un match, Oli a tenu à nous présenter ses excuses en raison de sa piètre prestation. Par après, devant les représentants de la presse, il a exhorté ses partenaires à faire la même introspection car ce sont eux, davantage que le coach, qui avaient été fautifs. Pour la direction, Jacobs reste hors d’atteinte et n’a pas de souci à se faire pour son poste dans l’immédiat.

Quand donc faut-il se résoudre à licencier un entraîneur ?

L’expérience m’a appris que c’est lorsqu’il ne jouit plus du soutien des cadres de l’équipe. Et, au Sporting, on est manifestement loin du compte. Boussoufa est parfaitement conscient d’avoir franchi un palier avec lui ; Biglia s’affirme de plus en plus comme un leader et Juhasz ne parle qu’en termes positifs de lui. Et ce qui vaut pour ces trois-là est d’application aussi aux autres. On ne sent nullement un ras-le-bol du groupe envers lui.

 » Jacobs prend 975 bonnes décisions sur 1000 « 

Des non-qualifications en Ligue des Champions coûtent cher, malgré tout. Ne vous dites-vous pas qu’avec un autre, vous auriez peut-être pu franchir cet écueil ?

C’est quoi, un bon entraîneur ? A mes yeux, c’est celui qui prend un maximum de décisions pertinentes. Au total, en l’espace d’une campagne, Jacobs est amené à trancher mille fois dans le vif, que ce soit en matière de joueurs à sélectionner, de changements à opérer, de tactique à respecter, etc. Sur ces mille cas, il est 975 fois dans le bon. Un autre, moins performant, en totaliserait 700. Et le moins compétent 200. Ce qui différencie le coach en place des autres, c’est qu’il raisonne à la fois en tant que meneur d’hommes et comme dirigeant. Il est parfaitement conscient des limites financières du club et ne réclame dès lors pas l’impossible comme ceux qui l’ont précédé. D’autre part, si nous avons perdu de l’argent suite à nos déboires en Ligue des Champions, nous en récupérerons tôt ou tard une partie voire la totalité suite à l’éclosion, par l’entremise du coach, de quelques jeunes talents tels Lukaku, par exemple.

Vous connaissez Jacobs depuis de nombreuses années pour avoir encore travaillé avec lui au RWDM. Pourriez-vous vous résoudre à le virer ?

J’espère qu’on n’en arrivera pas là. Et je n’ai pas l’impression que cela se produira. Ariel n’est pas né de la dernière pluie. Le jour où il mesurera qu’il ne fait plus l’unanimité dans le groupe, je pense qu’il tirera lui-même sa révérence.

Pour rebondir dans une autre fonction ? A Neerpede, par exemple ?

C’est une possibilité parmi d’autres. Mais nous n’avons pas encore abordé cette question avec lui. Il ne faut pas perdre de vue qu’il est relativement neuf dans ce métier. Peut-être voudra-t-il continuer à coacher sous d’autres cieux, qui sait ?

Une offre lui était parvenue de Lille, non ?

Voilà. Qui dit qu’il n’y en aura pas d’autres ?

Les travaux de rénovation à Neerpede vont-ils être gelés suite au manque à gagner cette saison ?

Non. Il y a eu réunion de la SA récemment et le souci est de poursuivre sur la voie tracée, aussi bien pour Neerpede que pour la rénovation du stade.

Vous êtes actif comme manager depuis 7 ans. Que vous inspire votre propre avenir ? Avez-vous songé à démissionner après les événements de Sclessin ?

Pas du tout. Au contraire, ils ont tendance à me sublimer. Je veux £uvrer pour le bien de ce club tant que je serai là. J’ai 56 ans. Tout porte à croire que je partirai en même temps que le président. L’homme fort du club et le manager ont toujours été étroitement associés au RSCA. Albert Roosens a formé un tandem avec Eugène Steppé, Constant Vanden Stock a pu s’appuyer sur Michel Verschueren et il en va de même pour son fils Roger et moi. Le jour où il cédera le témoin, j’en ferai de même aussi.

PAR BRUNO GOVERS

« Les dirigeants ont fait leur boulot et l’entraîneur n’a pas grand-chose à se reprocher non plus. »

 » Stuttgart proposait 8 millions pour Boussoufa, Wolfsburg 10 millions pour Suarez, et un club anglais 20 pour Lukaku. »

« Plus on évoque l’arrivée de Jova et de Van Damme, moins c’est possible…  »

« La question de la formation des défenseurs à Neerpede fait débat chez nous. »

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