« Cette année, je veux tout gagner »

Si les journalistes sportifs ont bien fait leur travail, l’attaquant congolais des Mauves se verra remettre le Soulier d’Or ce soir. Mais il ne compte pas en rester là. A la CAN, il vise le titre de meilleur réalisateur, histoire de marcher sur les traces de son illustre compatriote Pierre Ndaye Mulamba, meilleur buteur de tous les temps des Léopards avec 10 buts.

Pour Dieu, la compétition en Afrique australe a plutôt bien débuté. Menée 2 à 0 par le Ghana lors de son premier match de poule, la République Démocratique du Congo est parvenue à arracher un point grâce à son puncheur, qui a réussi la conversion d’un penalty suite à une faute commise sur sa personne.

Grâce à ce partage inespéré, le calme est revenu dans le camp des Léopards, secoué lors de la préparation à la compétition par un problème de primes.  » Tout est réglé et nous pouvons nous concentrer à nouveau sur notre sujet « , observe l’un des acteurs, Youssef Mulumbu,  » Et tout porte à croire qu’il faudra composer avec nous car je ne pense pas que beaucoup de formations possèdent un duo d’attaque aussi percutant que celui formé par Mbokani et Trésor Mputu.  »

Très en verve face aux Black Stars ghanéennes, Dieu ne fait somme toute que poursuivre sur sa lancée du championnat de Belgique où, ces derniers mois, il aura été sans conteste l’élément le plus en vue. Au point de figurer comme archi-favori du Soulier d’Or.

 » Il me sera hélas impossible d’être présent à Ostende « , dit le Congolais.  » Il y a deux heures de vol entre Port Elizabeth et Johannesburg puis encore onze jusqu’à Londres ou Francfort. ClaudeLeRoy, notre sélectionneur, n’y tient pas et même en jet privé, c’est exclu puisque nous disputons notre deuxième match de poule jeudi face au Niger. Si je remporte le Soulier d’Or, mon épouse, Marlène, mon fils, Junior et mon manager iront le chercher. Et si je ne gagne pas, ils ne se déplaceront pas.  »

 » Le super-favori, c’est moi  »

Si vous voyez la famille Mbokani apparaître sur l’écran ce soir, vous saurez donc qui est le vainqueur. Jusqu’en 2011, on comptabilisait les votes pendant l’émission télévisée et il était difficile pour les organisateurs de prédire qui serait le lauréat mais les choses ont changé. L’huissier de justice et quelques journalistes sportifs du quotidien HetLaatsteNieuws, organisateur du trophée, connaissent le résultat depuis quelques jours.

Ce mercredi, à l’hôtel des Léopards à Port Elizabeth, Mbokani attendra un coup de fil du manager anderlechtois Herman Van Holsbeeck.  » Je ne suis pas nerveux « , assure-t-il.  » Je ne peux pas me le permettre car je suis concentré sur la Coupe d’Afrique. Il serait on ne peut plus normal que je gagne. Mes principaux rivaux seront Lucas Biglia et Silvio Proto, même si quelques joueurs du Club Brugeois et de Genk sont très bons aussi.  »

 » Mais le super-favori, c’est moi. Tout le monde le dit. Je pense que je peux m’imposer au premier tour de scrutin comme au deuxième car j’ai très bien joué du premier au dernier match. Cette saison, je m’étais fixé pour objectif d’inscrire 20 buts et j’en suis déjà à 14. Je dois donc revoir mes ambitions à la hausse. J’ai répondu présent dans tous les grands rendez-vous : contre Limassol, face au Zenit et contre Malaga. Le plus important, pour moi, c’est le but inscrit face aux Chypriotes : quelle émotion !  »

 » Je suis le meilleur joueur du championnat, tout le monde est bien d’accord avec ça. Mais il y a quatre ans, la plupart des journalistes avaient dit la même chose et il est apparu par la suite qu’ils n’avaient pas voté pour moi.  »

Le Congolais n’avait terminé que sixième, ce qui avait provoqué sa colère. Pour lui, il ne s’agissait pas seulement d’un manque de respect mais également d’une forme de racisme. Il menaçait de quitter la Belgique.

 » Je ne comprends toujours pas ce qui s’est passé. C’est AxelWitsel, qui était mon équipier à l’époque au Standard, qui l’avait emporté. Je pouvais l’accepter mais le fait de ne pas terminer parmi les trois premiers était inouï. Aujourd’hui, j’admets que je n’aurais pas dû évacuer ma frustration de cette façon. J’aurais dû être plus… diplomate, c’est ça !  »

Mbokani est plus fort aujourd’hui qu’il y a quatre ans.  » Mes qualités n’ont pas changé « , dit-il.  » Mais j’ai plus d’expérience et de maturité. Je ne serais d’ailleurs plus aussi déçu si je ne devais pas l’emporter.  »

 » Si j’échoue à nouveau, tant pis, cela ne m’empêchera plus de dormir. J’ai retenu la leçon. Mais honnêtement, j’admets que j’aimerais gagner. Je veux laisser ma trace dans le football belge. Je veux que, lorsque j’arrêterai, tout le monde puisse se rappeler que j’ai remporté le Soulier d’Or, que j’ai représenté quelque chose dans votre championnat.  »

 » Je compte me faire un nom en Afrique  »

 » Les sceptiques parlent de mes échecs à Monaco et à Wolfsburg mais j’étais encore très jeune à l’époque. Aujourd’hui, j’ai changé, grâce à ma femme et à mon fils. Je me lève tous les jours à 7 heures pour l’amener à la crèche. Qui aurait pu penser cela il y a quelques années ?  »

 » L’année 2011 fut difficile avec le décès de mon fils. David n’avait que cinq mois lorsqu’il a été victime de la mort du nourrisson. L’année suivante, par contre, fut fantastique. Le bonheur me sourit à nouveau. A l’été, nous aurons un deuxième enfant.  »

Dieumerci Mbokani voit plus loin que le championnat de Belgique. Il veut se mettre en évidence à l’occasion de la grande fête du football africain.  » Je veux être la révélation du tournoi et me faire un nom en Afrique « , dit-il.  » Comme SamuelEto’o ou DidierDrogba. Eto’o n’est pas là et Drogba est en fin de carrière. Pourquoi ne deviendrais-je pas leur successeur ? Lorsque j’évoluais toujours au TP Mazembe, on m’appelait déjà le Drogba de Lubumbashi.  »

 » Pourquoi ne pourrais-je pas faire une carrière comme celle de Drogba ? Il était plus vieux que moi lorsqu’il est passé à Chelsea. Je rêve toujours d’un transfert en Angleterre. Ce football me convient et, l’été prochain, je dois y arriver. C’est maintenant ou jamais ? J’ai 27 ans et je n’ai plus de temps à perdre.  »

 » Cette année, je veux tout gagner : le Soulier d’Or, la Coupe de Belgique et le titre avec Anderlecht et même la CAN avec le Congo. Je veux être un des meilleurs joueurs du tournoi mais, avant tout, je veux en être le meilleur buteur.  »

 » La CAN est une formidable vitrine  »

 » Tout footballeur africain rêve de remporter la CAN « , dit Mbokani.  » Je suis heureux d’y participer car c’est la plus belle occasion de jouer avec les meilleurs éléments du continent. Ce tournoi peut s’avérer déterminant pour mon avenir. C’est une vitrine extraordinaire. La moitié des joueurs évoluent en Europe et c’est tout dire quant au niveau de l’épreuve. C’est pour pouvoir y prendre part que je suis revenu en équipe nationale.  »

La relation entre Mbokani et les Léopards n’a rien d’un long fleuve tranquille. A deux reprises, déjà, il a tourné le dos à l’équipe nationale. La dernière fois, le coach lui a même envoyé une lettre disant qu’il était suspendu à vie. Mais lorsque Claude Leroy prit la relève, Mbokani changea d’avis.

 » Je n’ai jamais eu de problème avec la fédération « , souligne-t-il.  » C’est avec Robert Nouzaret, le prédécesseur de Le Roy, que ça ne collait pas. Il disait que je manquais de discipline mais il ne montrait pas l’exemple en matière de professionnalisme. De plus, il n’arrêtait pas de mentir et m’accusait de saboter l’équipe. J’aime mon pays. La preuve, c’est que c’est moi qui ai convaincu LandryMulemo d’opter pour le Congo.  »

 » Nouzaret avait des problèmes avec sept autres joueurs, ce qui en dit long. D’ailleurs, je n’avais jamais eu d’ennui avec ceux qui l’ont devancé, HenriDepireux et PatriceNeveu.  »

Il y a un an et demi, Claude Leroy succéda à Nouzaret et prit directement ses distances.  » Je n’ai que des amis dans le football français, mais pas Nouzaret « , dit-il.

Leroy fit tout pour convaincre Mbokani de revenir sur sa décision.  » Tous les bons joueurs sont les bienvenus. Surtout Mbokani, dont la suspension est levée.  »

Mais il ne fut pas facile d’amadouer Mbokani.  » Tout le monde est venu me parler « , dit l’attaquant anderlechtois.  » Mes amis, ma famille et même ma mère m’ont dit que je devais à nouveau porter le maillot du Congo. Leroy a insisté et est venu régulièrement à Bruxelles. Après six mois, j’ai dit oui.  »

Après 14 mois d’absence, il effectua son retour le 6 juin.  » Je regrette d’être resté aussi longtemps sans jouer pour l’équipe nationale. J’étais fâché mais tout est rentré dans l’ordre. J’espère apporter ma contribution au succès des Léopards. Sans Leroy, je ne serais pas revenu. Il occupe une place importante dans ma vie puisque c’est lui qui, lorsqu’il a entraîné le Congo pour la première fois, m’a lancé en équipe nationale. C’est quelque chose qu’on n’oublie jamais. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à être revenu.  »

 » Le retour de Claude Leroy a tout changé  »

Pour Leroy, le retour de Mbokani, c’est du pain bénit.  » Pour moi, pour l’équipe et pour tout le pays « , dit-il.  » Il a fallu se battre mais le jeu en valait la chandelle. J’avais juste besoin de lui et de personne d’autre.  »

Mbokani est revenu avant le match de qualification face au Togo.  » Tout le stade a scandé mon nom, c’était fantastique « , dit l’Anderlechtois.  » Je ne l’oublierai jamais.  »

 » Le retour de Claude Leroy a tout changé. Aujourd’hui, il n’y a plus de problème en équipe nationale et on travaille de façon professionnelle, comme dans les clubs européens. Leroy est omniprésent et évite que de petits conflits se transforment en affaires. Avec lui, nous jouons de l’avant, fini de nous replier devant notre but.  »

Après sept ans d’absence, la République Démocratique du Congo est de nouveau présente à la CAN et Mbokani pense qu’elle peut y jouer un rôle significatif.  » Nous avons des joueurs qui évoluent en Angleterre, en Turquie et en France « , dit-il.  » Nous devons être capables d’arriver au moins en quarts de finale.  »

Mbokani est arrivé en retard au stage de préparation à Oman mais ce n’était pas sa faute et personne ne lui a adressé de reproche.  » Juste avant la trêve, j’ai reçu un coup sur le pied face au Lierse. J’ai manqué une partie de la préparation mais cela n’a pas posé de problème.  »

Pour Leroy, avec Mbokani et TresorLualua, l’équipe est prête.  » J’y ajoute Trésor Mputu, un excellent attaquant « , dit le Français.  » Mais ce ne sera pas facile car notre groupe est ardu. Après le Ghana, nous ne devons pas sous-estimer le Niger mais les places qualificatives se joueront sans doute entre nous, le Mali et le Ghana. Au Congo, en tout cas, l’intérêt est énorme : tout le monde ne parle que des Léopards.  »

PAR FRANÇOIS COLIN EN AFRIQUE DU SUD

 » Je veux laisser ma trace dans le football belge.  »

 » Au Tout-Puissant Mazembe, on m’appelait le Drogba de Lubumbashi. « 

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